Crédits photo : Reportage télébocal à l’occasion de l’existrans de 2019

Jeudi 2 décembre, la militante « féministe » Dora Moutot, habituée à tenir des propos transphobes sur instagram, a annoncé dans une série de stories avoir été reçue accompagnée d’une autre militante TERF (transphobe se présentant comme féministe) par Marlène Schiappa au Ministère de l’Intérieur. Elles ont pu y présenter un dossier « au sujet des problématiques sur l’idéologie d’identité de genre » (sic) reprenant les thèses préférées des TERF, se positionnant à la fois comme menacées par les femmes trans, une minorité encore largement exclue du marché de l’emploi et très exposée aux violences, et en protectrice des hommes trans qui seraient des enfants manipulés par un lobby, incapables de prendre des décisions concernant leur santé sexuelle.

Une vague de paniques morales sur les droits trans à l’international

Cette rhétorique des mouvements TERF qu’utilise ces militantes s’est construite outre-manche, avant d’être reprise aux Etats-Unis, dans des offensives médiatiques et politiques qui ont fait reculer les droits des personnes trans dans ces pays.

En Angleterre, un mouvement fantoche presque exclusivement online contre les droits trans a réussi à générer une panique morale à l’échelle du pays : sur-représentées dans la presse britannique à scandale (qui n’est que trop heureuse de détourner l’attention des politiques d’austérité post-Brexit du gouvernement conservateur) et revêtues d’un vernis progressiste grâce à des figures comme JK Rowling et un certain appuie du Parti Travailliste, ces militantes ont notemment menée une cabale juridique pour interdire l’accès aux bloqueurs de puberté aux personnes trans mineures.

Du côté des Etats-Unis, les conservateurs américains ont redoublé d’efforts pour saturer l’espace médiatiques de paniques morales après la défaite de Trump. Ces attaques ont particulièrement touché les personnes trans dont les droits ont été attaqués par plus de 200 propositions de lois dans 33 Etats en quelques semaines. Des outrages orchestrés par la droite religieuse et repris par l’extrême-droite, qui ont donné lieu notamment à un déferlement de violences transphobes pendant 2 semaines à Los Angeles cet été.

Le fémonationalisme de Schiappa et la rhétorique TERF : une alliance parfaite ?

En France, le schéma réactionnaire à la fois victimaire et paternaliste dans lequel les militantes féministes transphobes comme Dora Moutot enferment les personnes trans est similaire à celui des fémo-nationalistes, qui se posent à la fois comme menacées par les hommes non blancs et défenseuses des droits des femmes non blanches à qui elles ne reconnaissent pas la possibilité de lutter par elles-mêmes et de s’autodéterminer.

Les procédés sont tellement similaires qu’on ne s’étonne pas lorsque Dora Moutot fait une blague de mauvais goût sur Daesh dans une de ses storys en 2020 ou lorsque Marguerite Stern se représente en burqa dans un post instagram pour dénoncer le port du voile ; et encore moins lorsque Marlène Schiappa, relai institutionnel de politiques fémonationalistes les reçoit « très bien » et les fait se sentir « écoutées » pour reprendre les mots de Dora Moutot à l’issue de la rencontre.

Peu importe les fantasmes des TERF concernant la puissance de « l’idéologie d’identité de genre » (comprendre des « personnes trans »), la rencontre intervenait au moment même où le Sénat venait d’ajouter des amendements anti-trans dans la proposition de loi visant à interdire les thérapies de conversion, et alors que la dépsychiatrisation des transidentités n’a été décidée par l’OMS qu’en 2019 dans la CIM-11 (Classification Internationale des Maladies) qui n’entrera elle-même en vigueur au niveau international qu’en janvier 2022 après un passé très lourd de psychiatrisation.

Des militantes transphobes “lanceuses d’alerte” ?

Dora Moutot s’est flattée sur son Instagram d’avoir agit en “lanceuse d’alerte”. Mais la rhétorique transphobe qu’elle soutient n’est autre que celle du sens commun réactionnaire.

Les personnes trans ont historiquement subies la répression de l’État, qui a pu les criminaliser au même titre que les homosexuels, ou sous un délit de « travestissement », puis strictement refusé de mettre à jour leurs papiers d’identité entre 1975 et 1992 participant ainsi à leur précarité, leur isolement et à leur exposition aux violences, puis a exigé leur stérilisation jusqu’en 2017. Encore aujourd’hui, il est très difficile pour les personnes trans ayant des enfants de faire établir leur filiation : les amendements au projet de loi bioéthique allant dans ce sens ont été rejetés.

Cette transphobie d’État participe à la transphobie systémique qui laisse encore aujourd’hui beaucoup de personnes trans dans des situations de précarité. On dispose de peu d’études sur le sujet en France, mais l’étude IDAHO publiée en 2014 menée par Karine Espineira suggère que 20 à 40 % des personnes trans actives seraient sans emploi et que 30 % auraient perdu un emploi du fait de leur transidentité. Dans ces contextes de violences et de précarité, les étudiants trans américains ont 10 à 20 fois plus de chances d’avoir déjà fait une tentative de suicide que la population générale. Les personnes trans les plus précaires, les femmes trans migrantes et travailleuses du sexes sont pour leur part surexposées à des violences qui peuvent être très cruelles et culminent dans des transféminicides comme ceux de Vanesa Campos, Jessyca Sarmiento, ou d’Ivanna Macedo Silva.

En cherchant à « alerter » sur les supposées trop grandes avancées des droits des personnes trans, Dora Moutot et les autres TERF ne font qu’adopter une posture réactionnaire qui flatte l’État et permet de désigner une nouvelle minorité en tant que bouc-émissaire des violences patriarcales que subissent les femmes cisgenres. Ces violences, tout comme la transphobie et le racisme d’État sont pourtant entretenues par l’État qui n’agit pas dans l’intérêt des groupes opprimés mais dans celui des exploiteurs, qui ont besoin du maintien dans la précarité des femmes, des personnes trans et des personnes non blanches.

A quelques semaines du jour du souvenir trans où près de 2000 personnes ont marché dans la capitale, il faut absolument continuer de refuser la division imposée par les réactionnaires entre les différents secteurs opprimés de la population mais au contraire avancer en plus de revendications spécifiques des revendications permettant l’émancipation de toutes et tous telles que le droit au logement et le partage du temps de travail jusqu’à ce que chacun.e puisse avoir le droit à un emploi. Ce sont toutes ces revendications dans le cadre de cette stratégie de lutte contre l’exploitation et les oppressions que porte le programme d’Anasse Kazib pour les élections présidentielles de 2022.