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Il avait refusé les vœux hypocrites de la SNCF

Des milliers de soutiens pour le cheminot qui avait renvoyé les chocolats à sa direction

Flora Carpentier Sa lettre ouverte à sa directrice a fait le buzz pendant la période des fêtes. Aurélien P., conducteur de trains à Trappes, avait renvoyé à sa directrice la boîte de chocolat qu’elle lui avait adressé en signe de « bons vœux », en joignant à son envoi une lettre dénonçant l’hypocrisie de la SNCF, dans laquelle se sont reconnus des milliers de cheminots et de travailleurs d’autres branches. Ainsi, sa lettre publiée sur Révolution Permanente a été partagée des milliers de fois sur les réseaux sociaux et a été lue près de 35.000 fois en l’espace de quelques jours. Des milliers de « J’aime » se sont accumulés sur Facebook, et sur Twitter la lettre s’est répandue comme une traînée de poudre.

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Des centaines de messages de soutien

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Les messages de soutien ont fusé sur la toile, de la part de collègues du rail ou d’ailleurs, approuvant ce geste d’insoumission et félicitant leur camarade. En plus des nombreux « Bravo ! », « Excellent ! », « Courageux ! », ou « Félicitations ! », en voici quelques-uns :« Bravo camarade, courage et que tous mes vœux t’accompagnent. Salut et fraternité et vive la Sociale ! » ; « Que tous les cheminots soient solidaires, ça serait un gros coup pour la direction SNCF qui veut remettre en cause les 35h » ; « Bon, ben... ce n’est plus un secret. Moi aussi, j’ai refusé le "cadeau" de "ma" direction » ; « C’est vraiment bien ! » ;« Tellement vrai !!! » ; « Costaud le gars bravo » ; « Voilà quelqu’un de courageux » ; « Je dis bravo pour le courage de cet agent » ; « Bravo à ce cheminot !!!!!!!!!!!! » ; « Belle et forte initiative de ce camarade. J’espère que nombreux vont être ses collègues à avoir la même réaction. Pour parodier, gentiment, Michel Fugain qui chanta aussi le "Chiffon rouge" : Attention, Mesdames et Messieurs, dans un instant le train des grèves va partir ........ne tardez plus à monter en voiture !! Il vaut mieux manger un morceau de pain sec debout, qu’un steak à genoux » ; « J’adresse tout mon soutien à ce camarade et j’invite tous les cheminots à faire de même....!! » ; « Bravo camarade cheminot, il en faudrait un grand nombre comme toi ! » ; « Franchement trop bien. Je n ai pas encore reçu le super présent de la direction. Je suis en gare demain et je vais préparer mon petit courrier pour mes bons vœux »... et la liste est encore longue. Il y a eu aussi des messages d’humour, raillant la direction de la SNCF et en particulier la directrice des lignes N et U, à qui la lettre était adressée :« Ben voilà, madame Palmier va être chocolat ! » ou encore « Avec Palmier on est toujours chocolat ! Et elle a un long chemin à (fer) pour comprendre les cheminots et notes !!! ».

Quand les travailleurs s’expriment, il y en a toujours à qui ça ne plait pas… Réponse d’un cheminot

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Cet immense soutien témoigne d’une colère profonde qui gronde au sein de notre classe, qui pour bien des raisons peine à s’exprimer dans la lutte collective mais dont les réseaux sociaux se font un formidable écho. Il y avait donc de quoi soulever des commentaires désobligeants de la part d’internautes qui se font le relais des politiques patronales et cherchent à créer des divisions chez les travailleurs. La lettre d’Aurélien a provoqué des réactions que les cheminots ont l’habitude d’entendre sur leurs supposées conditions de travail avantageuses, on encore contre la grève, des traditionnels « si tu n’es pas content, va chercher du travail ailleurs », etc. Plusieurs travailleurs ont répondu aux commentaires en défendant la nécessité de se battre et de ne pas se résigner. Aurélien a quant à lui tenu à rétablir quelques vérités. Nous reproduisons sa réponse :

« Le bilan des dernières années, ce sont des trains dont les tarifs grimpent plus vite que l’inflation, moins de sécurité, moins de fiabilité et moins de ponctualité. (…) Donc quand je fais gagner 85 000€ net par an à la SNCF (c’est une moyenne pour les conducteurs sur mon établissement), la boite de chocolats, elle peut se la garder. L’intérêt des cheminots est le même que l’intérêt des usagers : plus de trains, plus sûrs et plus ponctuels. Ce n’est pas la volonté de notre direction, malheureusement. (…)Les congés plus longs, c’est faux. 28 jours par an + 10 RTT. Faut pas croire France 2. Seulement entre 15 jours et 24 jours consécutifs assurés entre mai et octobre, donc moins que dans le privé. Le départ anticipé à la retraite... en fait c’est pour ça que je suis rentré à la SNCF et pas pour travailler 7 jours sur 7, 24h/24. Mais on nous a volé cet avantage. Le salaire ? Je suis rentré à la SNCF en dessous du SMIC. Vous ne devez pas beaucoup connaître de fonctionnaires ou assimilés si vous croyez que l’état paie bien. La sécurité de l’emploi, ça devrait être pour tous. Battez-vous pour l’avoir au lieu de vouloir l’enlever à ceux qui l’ont. Par ce discours, vous êtes créateur de chômeurs. Vous voulez aider à licencier plus facilement, donc aider les employeurs à faire du chantage à l’emploi pour faire travailler plus, ce qui revient à supprimer du personnel. Pour la piètre qualité et le mauvais fonctionnement, vu que nous sommes rentables comme expliqué plus haut, cherchez plutôt du côté de l’incompétence de nos dirigeants. Alors ne craignez pas pour vos impôts, car la SNCF dégage des bénéfices : 1,7 milliards qui partent dans les poches des banquiers en paiement des seuls intérêts de la dette d’état que la dernière réforme n’a même pas pour ambition de réduire, mais juste de stabiliser. On peut parler des dividendes versés chaque année à l’état (en général entre 150 et 500 millions suivant les années, et dont le montant est fixé avant l’exercice, ce qui est totalement absurde). On peut parler du budget communication astronomique de la direction de l’entreprise (plusieurs centaines de millions d’euros). Alors ne craignez pas pour vos impôts. Craignez plutôt pour le prix du billet, qui va augmenter, la sécurité des circulations et la ponctualité, qui vont diminuer ».

La publication de la lettre a aussi conduit à des échanges fraternels et constructifs, comme cet internaute qui a demandé si la « prime charbon » existait encore, et auquel Aurélien a répondu« Non. La prime de charbon n’a jamais été versée au conducteur. C’est le chauffeur (celui qui pelletait le charbon) qui la touchait. Plus de chauffeur, plus de prime de charbon », ajoutant avec humour :« mais on va se battre pour la prime pour absence de prime lol ». Comme la « prime charbon », cette dernière prime imaginaire des cheminots, dont certains font courir le bruit qu’elle récompenserait les agents sédentaires en compensation de l’absence de prime de déplacement, est un autre de ces mythes construits pour désolidariser les travailleurs et usagers des cheminots. Nous nous réjouissons que Révolution Permanente contribue à déconstruire ces mythes car c’est précisément l’un des objectifs que se donne notre site d’information : être au service des travailleurs, se faire l’écho de leurs luttes et de leurs revendications, et contribuer à lever les barrières que le patronat et ses alliés mettent en travers des solidarités ouvrières.

Nos armes : la lutte et la solidarité

Pendant que le gouvernement et le patronat font passer les pires attaques contre les conditions de travail, le camp des travailleurs bouillonne, et de nombreuses petites luttes isolées en sont la preuve, tout comme l’initiative d’Aurélien P. et tout le soutien qu’elle a recueilli. Pour tenter de nous faire taire et de diviser les luttes, la dictature patronale et la répression syndicale règnent sur les lieux de travail. Cela s’exprime notamment par le fait que plusieurs internautes ont témoigné de leur inquiétude vis-à-vis des sanctions qui pourraient tomber sur Aurélien suite à son coup de gueule. On les comprend, dans un contexte où plus la colère chercher à s’exprimer, plus le patronat et la « justice » à son service cherchent à sanctionner, dans le but de bâillonner les résistances. En témoignent la poursuite des camarades d’Air France, ou encore les licenciements individuels qu’ont subi en 2015 les travailleurs de plusieurs entreprises à des fins de criminalisation syndicale ou pour des motifs absolument scandaleux. Le dernier exemple en date est celui des postières de Rians, dans le Var, qui font face actuellement à une procédure de licenciement et passeront en conseil de discipline le 8 janvier, pour avoir posté sur Facebook une vidéo où elles dansent devant leur camion.

Cette répression nauséabonde qui se sert des réseaux sociaux a de quoi entraîner la méfiance des travailleurs et démontre que Facebook est à utiliser avec prudence. Mais une chose est sûre également, c’est que ce n’est pas en choisissant la voie du silence que nous mettrons un frein à cette répression abjecte. Car celle-ci ne fait que démontrer la crainte du patronat de voir les travailleurs s’unir pour s’exprimer et refuser les attaques. Ce n’est donc que par la lutte collective et la solidarité que nous pouvons nous montrer plus forts que ceux qui nous exploitent, et les faire reculer. En ce sens, la réaction des collègues des postières de Rians, qui se sont mis en grève le 26 décembre pour protester contre les procédures de licenciement, est un exemple de la seule façon de contrer les attaques contre notre classe sociale. Pour 2016, nous ne pouvons qu’espérer que la colère ouvrière qui s’exprime sur Facebook contribue à renforcer les solidarités entre les travailleurs et devienne un tremplin pour que notre classe prenne confiance en ses propres forces et s’exprime sur le terrain de la lutte des classes. Car chaque fois que nous laissons les capitalistes porter un coup contre l’un des nôtres ou contre nos conditions de travail, quelque soit le secteur, c’est l’ensemble de notre camp social qui en fait les frais !


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