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Réchauffement climatique

Deuxième canicule en un mois : les plus précaires toujours en première ligne

Une nouvelle canicule touche la France. Particulièrement inquiétante, cette vague de chaleur pourrait rivaliser avec la canicule historique et meurtrière de 2003. Encore une fois, les plus précaires seront les premières victimes.

Seb Nanzhel

14 juillet 2022

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Crédits photos : AFP

Pour la deuxième fois en un mois, la France est touchée par une vague de chaleur. Ainsi, depuis le 11 juillet, le Sud et l’Ouest du pays connaissent de très fortes chaleurs, et la vallée de la Garonne ainsi que la basse vallée du Rhône, où les températures sont montées jusqu’à 40°C, sont en état de canicule. Et le pire est prévu pour ce week-end et lundi. Une situation dramatique aux impacts variés, et à laquelle le ministre de la Santé a répondu par un ridicule numéro vert.

Une vague de chaleur particulièrement inquiétante

La configuration spécifique de cette vague de chaleur a alerté les scientifiques. En effet, celle-ci est la résultante de l’interaction entre, d’une part, un déplacement d’air chaud à grande échelle, qui crée un dôme de chaleur au-dessus de la France, et, d’autre part, un phénomène à plus faible échelle, à savoir une « goutte froide » située à l’Ouest du Portugal. Plus précisément, cette « goutte froide » est une masse d’air froid localisée, qui agit autour d’elle comme un tourniquet à air chaud, remontant de l’air chaud du Sud dans la zone déjà touchée par le dôme de chaleur. C’est comme si la canicule de juin, qui était déjà due à l’effet d’une « goutte froide », avait lieu dans un environnement préalablement réchauffé. C’est l’évolution de cette « goutte froide », que l’on voit tournoyer ci-dessous, qui va être particulièrement déterminante pour la suite de la vague de chaleur.

Christophe Cassou, Climatologue et auteur principal du GIEC, s’est alerté de cette configuration, allant jusqu’à craindre que cet épisode de chaleur puisse rivaliser en intensité et en durée avec la canicule meurtrière de 2003. Ainsi, dans une interview publiée le 12 juillet dans Libération, il déclarait : « La canicule de 2003 semblait intouchable tant sa sévérité fut forte ! Dans les prochains jours, nous allons probablement l’approcher, voire peut être la dépasser. Même s’il est encore trop tôt pour le dire, la vague de chaleur actuelle pourrait être plus intense et plus longue encore. Elle pourrait durer très longtemps, en particulier dans le Sud de la France. »

La fréquence de ce type d’événement, leur intensité, ainsi que leur durée sont directement liées au réchauffement climatique : « Si on regarde le nombre de vagues de chaleur observées en France entre 1947 et 1999, soit en cinquante-trois ans, on en a comptabilisées 17. Celle-ci sera la 25e depuis 2000, en seulement vingt-trois ans... Aujourd’hui, on enregistre donc en France environ trois à quatre fois plus de canicules, ce qui est assez représentatif de ce qui se passe à l’échelle mondiale, où elles sont aussi trois fois plus nombreuses. » explique Christophe Cassou.

Les conséquences physiques de cette vague de chaleur se sont déjà faites sentir et se combinent à la sécheresse déjà présente : la Gironde a été frappée par de violents incendies, au cours desquels 3700 hectares de forêt sont déjà partis en fumée. De même, dans l’Oise, plusieurs centaines d’hectares de champs ont brûlé Cette vague de chaleur va assécher les sols via une augmentation de l’évaporation de l’eau qu’ils contiennent et de la transpiration des plantes, ce qui pourrait impacter les rendements agricoles et les écosystèmes. En pleine période de floraison, le maïs pourrait par exemple être fortement touché : dès 35°C, la formation des grains est réduite de plus de 50%.

Les travailleurs et les classes populaires en première ligne

En 2003, environ 15 000 personnes avaient perdu la vie rien qu’en France, et 50 000 en Europe à la suite d’une canicule d’une durée et d’une amplitude exceptionnelles.

Si les personnes les plus âgées ou présentant des antécédents médicaux sont particulièrement vulnérables aux vagues de chaleur (plus de 90% des victimes avaient plus de 65 ans en 2003), les facteurs sociaux ont une importance énorme au sein de ces groupes. Ainsi, la surmortalité attribuée à la chaleur était plus importante dans les grandes villes, dont Paris et ses environs. Parmi les personnes décédées à Paris, 92% vivaient seules, 41% dans un appartement d’une pièce, et un tiers dans un appartement situé sous les toits.

En Italie, les données collectées montrent également un lien fort entre précarité et mortalité en cas de forte chaleur : +43% de morts pour les personnes ayant un faible niveau d’éducation à Turin et + 18% pour les personnes ayant un statut socioéconomique bas à Rome. Les explications sont entre autres l’impossibilité de quitter la ville étouffante en cas de vague de chaleur, des logements qui ne protègent pas leurs habitants ainsi que le manque d’accès à des moyens de se rafraîchir.

De même, l’institut de veille sanitaire, en étudiant différents cas de décès de personnes âgées survenus à l’occasion de cette canicule en France, identifie l’appartenance à la catégorie socioprofessionnelle ouvrier comme un facteur déterminant :

« La catégorie ouvrier apparaît toujours la plus à risque. Ce lien entre la catégorie professionnelle et le risque de décès peut être dû à une sensibilité différente des personnes en fonction de leur parcours professionnel. Il peut aussi être dû à l’inégalité des personnes devant le risque, du fait de conditions économiques différentes. La catégorie socioprofessionnelle était par exemple liée au nombre de pièces du logement […] on peut supposer que les personnes occupant de grands logements peuvent plus facilement se protéger en choisissant d’occuper la pièce la moins exposée à la chaleur. »

Pour la population encore active, les épisodes de chaleurs multiplient également les risques d’accidents professionnels. Une étude rassemblant les données de 22 millions d’accidents professionnels dans le monde conclut qu’une augmentation de température de 1°C au-dessus des températures moyennes de référence entraîne une augmentation de 1% du risque d’accidents professionnel, et que ces risques augmentent de 17% lors des vagues de chaleur.

Ainsi, les populations les plus précaires sont surexposées en raison de leurs conditions de travail, des conséquences de celui-ci sur leur santé ainsi que des conditions d’existence misérables imposées par le patronat. Une autre dimension entre en jeu avec l’exposition accrue des classes populaires aux différents types de pollutions : l’aménagement du territoire entre les mains de l’Etat et des entreprises font qu’elles se retrouvent surexposées aux pollutions de l’air, de l’eau, etc. Ainsi, un lien fort a été établi entre la mortalité due à l’Ozone et le statut professionnel ou encore le chômage L’Ozone est un gaz toxique qui se forme particulièrement en période de canicules, par une réaction entre des gaz industriel et d’échappement.

« Apprendre à vivre avec » et un numéro vert pour le gouvernement

Les analyses de la canicule de 2003 évoquent souvent l’impréparation du système de santé à un événement de ce type. Un hôpital subissant depuis plusieurs quinquennats les politiques d’austérité, puis ayant dû encaisser de front le Covid apparaît comme particulièrement vulnérable face aux conséquences potentielles de la canicule. Comme l’explique Christophe Cassou : « le nombre de morts ne dépend pas seulement de la sévérité de la canicule, mais aussi de la capacité du système hospitalier à absorber le flux de patients. Est-ce possible sachant son état de délabrement avancé et la gestion du pic de Covid en cours ? »

Après avoir relancé le n° vert information canicule, le ministre de la santé François Braun a déclaré que la canicule, comme le Covid, « Il faut apprendre à vivre avec ».

Mais précisément, une partie toujours grandissante de la population ne « vit pas avec » mais survit aux canicules, entre expositions via le travail et ses conséquences pour la Santé, logements insalubres et inadaptés, et hôpital public consciemment détruit. En-dehors de la France, ces situations sont encore plus marquées dans des pays d’Asie, d’Afrique ou d’Amérique du Sud. Alors que la fréquence des canicules devrait encore être multipliée par deux d’ici 2050, selon les trajectoires d’émissions actuelles, il devient urgent et vital d’apprendre « à vivre sans » les François Braun, Macron et leur monde.

En effet, face à l’approfondissement de la crise climatique, dont les couches populaires ont déjà largement commencé à payer les conséquences, nous ne pouvons plus nous permettre de croire en nos gouvernements pour prendre des mesures contre cette crise, à l’image du numéro vert qui apparaît bien ridicule lorsque l’on connaît les conséquences d’une telle canicule.

Bien au contraire, la transition écologique ne pourra s’effectuer qu’entre les mains des travailleurs, premier concernés par la crise en cours et les plus à même de la résoudre, à la différence des capitalistes, qui ne peuvent que continuer à ravager notre planète pour préserver leurs profits.


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