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Déclaration du CRT

Élections dans l’État Espagnol : « construire une gauche combative, de classe et anticapitaliste face à la droite et “le moindre mal” de la gauche conformiste »

Avec le début de la campagne électorale pour les présidentielles en Espagne qui auront lieu le 28 avril, s’ouvre un moment décisif de l’histoire politique espagnole où deux recettes opposées proposent une solution à la crise du régime mis en place en 1978, en laissant de côté dans les deux cas les travailleurs, les femmes et la jeunesse. Nous reproduisons ci-dessous la déclaration du CRT(Corriente Revolucionaria de Trabajadores y Trabajadoras)

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Crédit photo : eldiario.es

Le projet de « restauration réactionnaire » de la droite libérale et l’extrême droite

Le PP (Parti populaire) ne monopolise plus le vote de droite conservateur, lors de ces élections un nouveau projet de « restauration réactionnaire » du Régime réapparaît avec force, avec à sa tête le PP, Ciudadanos, et Vox, parti d’extrême droite. Cette alternative est essentiellement le résultat du processus commencé en automne 2017 par le discours anti-catalaniste et paternaliste du Roi le 3 octobre à la suite du referendum et par l’application de l’article 155, avec lequel la Catalogne est passée sous contrôle de l’État central et a perdu le pouvoir de son parlement.

Ils essayent de redéfinir le Régime sous une perspective de centralisation du pouvoir et d’augmentation de la répression pour atteindre plusieurs objectifs. Ils veulent premièrement en finir avec la crise catalane en mettant fin à son autonomie et en augmentant la persécution, une stratégie également employée contre la gauche indépendantiste basque. Ils profitent de l’échéance pour déployer une politique ouvertement raciste contre les immigrés, contre les droits des femmes et le collectif LGTBI, en réponse à l’émergence d’un grand mouvement de femmes. Enfin, les trois réactionnaires ont un autre objectif important, celui de s’allier en un front néolibéral contre la classe ouvrière.

Vox représente la branche la plus radicale qui marque les lignes rouges que PP et Ciudadanos doivent respecter. Le parti d’extrême droite se limite au fait que, même si la partie la plus radicale de son programme n’est pas appliquée - à savoir l’élimination des toutes les autonomies et d’un ensemble large de droits démocratiques conquis lors des dernières décennies – la recomposition du bloc se fera à droite toute et ne fera aucune concession.

La « régénération démocratique » qui arrive avec les mains vides et défend l’essentiel du Régime de 1978

Pour les électeurs qui ne partage pas la ligne de la coalition réactionnaire pro-patronale, raciste, homophobe et misogyne, le PSOE de Pedro Sánchez en alliance avec Unidas Podemos se présente comme la prétendue « alternative » avec l’objectif de mettre en place un gouvernement de centre-gauche formé par les créateurs de la motion de censure d’il y a 10 mois. Un gouvernement caractérisé par le maintien du statu-quo institutionnel, alors que sa politique de concessions sous formes de miettes n’a pas remis en cause un tant soit peu l’austérité de la décennie de la crise.

Cette coalition se présente comme un frein au progrès de la droite et de l’extrême droite. Cependant, le PSOE, parti historiquement défenseur de la monarchie, n’occulte pas qu’il est dans la même ligne politique que bloc de droite face à l’automne catalan et, en fonction du résultat électoral, il ne ferme pas la porte à des négociations avec Ciudadanos pour rester au pouvoir. Face à la question catalane, Pedro Sánchez joue le jeu du dialogue de sourds et des gestes insignifiants. Le barreau de l’Etat [Abogacia del Estado] est aujourd’hui au côtés de Vox dans le procès et contribue à la construction du discours qui justifie les peines pour cause de rébellion ou sédition contre les prisonniers politiques catalans. Par rapport au droit d’autodétermination, le dirigeant du Parti Socialiste affirme ouvertement qu’il est contre le référendum et ne nie pas la possible application d’un nouveau 155 si cela s’avérait nécessaire.

Face aux derniers scandales qui touchent à la Couronne ou plus récemment l’affaire des « égouts de l’État », suite à la révélation d’un espionnage réalisé par la police de l’État pour mettre à bas Podemos, le PSOE s’abstient de faire une critique appelant à l’immunité de la monarchie et des forces policières spécialisées dans la persécution politique.
Pendant son gouvernement, il n’y a eu aucune modification des lois contre les immigrés ou de la Loi « Mordaza »

(littéralement bâillon) qui propose diverses sanctions contre toutes les formes de protestation citoyenne et limite les droits des migrants. L’actuel ministre de l’intérieur Grande-Marlaska finit son mandat avec l’ouverture de nouveaux CRAs ainsi qu’avec le blocage du navire Aquarius, qui avait secouru 30 000 migrants dans la Méditerranée, au port de Barcelone.

Le PSOE n’a pas touché aux réformes des retraites et du travail réalisées par Zapatero et Rajoy et a toujours proposé des budgets d’État en accord avec la Troïka, en montrant son respect total du nouveau article 135, modifié à la suite de la crise pour prioriser le paiement de la dette face à toute dépense publique et ainsi garantir une subordination financière des gouvernements de l’État Espagnol aux dictats de Bruxelles. Et pour ne pas laisser la mémoire de côté, on doit également se rappeler qu’en 2010 le gouvernement socialiste de Zapatero est celui qui a sauvé la banque au prix d’une austérité invivable, qui a été poursuivie par Rajoy en 2012.

Unidas Podemos et leur politique du « moindre mal »

« La gauche du changement » [nom revendiqué par Unidad Podemos, alliance de Podemos et de la Gauche Unie NDT] se trouve aujourd’hui dans les ministères les moins puissants du gouvernement et centre sa campagne électorale dans la réussite d’un résultat qui leur permettra d’obliger le PSOE à rentrer dans le prochain gouvernement. Le parti héritier du 15M est passé de la mise en avant d’une rupture nette, en 2015, avec le régime née de la pseudo-transition démocratique dans les années 1970 jusqu’à aujourd’hui présenter son programme politique en défendant explicitement la Constitution de 78. Leur message semble désormais très clair : face à la menace réactionnaire la seule possibilité qu’il leur reste est de s’allier avec les sociaux-libéraux du Régime pour ensuite essayer de faire quelques politiques sociales mineures que le PSOE permettra. Toute leur campagne est limitée par les lois des sociaux-libéraux, ce qui passe par une omission du droit à l’autodétermination ou de la remise en question de la monarchie. Pablo Iglesias se centre dans les réformes fiscales pour élargir l’État providence mais finalement tout se résume en un accord avec le parti traditionnel qui a réussi à résister à la crise de représentativité et qui depuis longtemps fait partie de l’establishment Espagnol et notamment des serviteurs de l’IBEX35 [bourse espagnole, NDT].

Ce « moindre mal » avec lequel on doit se contenter se traduit par un marché du travail précaire depuis les gouvernements de Felipe González des années 1980, par des services de base dans les mains des grandes multinationales où prenaient la retraite les dirigeants socialistes, par les lois néolibérales qui alimentent la bulle des logements et des loyers qui laisse des milliers de familles sans abris, par les retraites de la faim à 67 ans, par la Loi Mordaza, les CRAs, la persécution du mouvement démocratique Catalan et par la fragilité des autonomies sous menace du 155. Une position également soutenue par la droite indépendantiste basque et catalane dans lesquelles les grands partis du Régime auront toujours une réserve de députés pour les soutenir dans les contre-réformes sociales.

Deux chemins incapables de représenter la classe ouvrière, les secteurs populaires, les femmes et la jeunesse

Le CRT [Corriente Revolucionaria de Trabajadores y Trabajadoras, Courant révolutionnaire de travailleurs et travailleuses] considère qu’aucun des deux grands projets est capable d’offrir une voix à la classe ouvrière, la jeunesse, les secteurs populaires, les femmes ou aux luttes démocratiques qui s’opposent au Régime du 78. Soutenir l’aile défendue par Podemos, Izquierda Unida (parti socio-démocrate) ainsi que par les formations de centre-gauche indépendantistes, suppose une subordination au Régime même qui réprime, offre des privilèges aux capitalistes et condamne la majorité à un avenir de précarité et misère croissante.

La CRT défend la nécessite de mettre en action une gauche contre le Régime et les capitalistes, qui mette fin à la Monarchie anachronique et défende le droit à l’autodétermination sans l’intervention du Roi ni de l’État qui réprime et met en place des simulacres de procès ; une gauche qui finira avec l’impunité, les lois qui portent atteinte contra la liberté et qui luttera pour la liberté des tous les prisonniers politiques, pour la fin des privilèges de la caste politique ; une gauche qui lutte contre le système judiciaire patriarcale au service des banques et de l’offensive répressive. Une gauche qui proposera une répartition des heures de travail sans réduire les salaires, la nationalisation sous contrôle des travailleurs des grandes entreprises et des banques, l’expropriation des logements gérés par les banques et les spéculateurs, le refus du paiement de la dette pour garantir le financement des services publics et de retraites dignes ainsi que l’émancipation des femmes, entre autres mesures urgentes.

Un programme qui, face à la décadence de la monarchie espagnole actuelle héritière de la dictature de Franco, luttera pour l’ouverture de processus constitutifs libres et souverains. Une bataille dans laquelle la majorité ouvrière et populaire prenne conscience que son pouvoir réel pour transformer la réalité ne réside pas dans le bulletin de vote qui permet de maintenir tous les deux ou quatre ans cette « démocratie de riches », mais dans sa capacité de lutte et d’auto-organisation, ouvrant ainsi le chemin à un gouvernement de travailleuses et de travailleurs.

Malheureusement, aucune des candidatures ne lutte pour un programme comme celui-ci ni ouvre la perspective de développer une mobilisation et une auto-organisation pour l’imposer, c’est pour cela que depuis l’État Espagnol, nos camarades du CRT appellent au vote nul, blanc ou à l’abstention.

De quelle gauche avons-nous besoin ?

Récemment, le CRT a proposé à la CUP, parti indépendantiste d’extrême gauche, et à Anticapitalistas, actuellement au sein de Unidas Podemos, d’impulser une candidature commune au niveau de l’État avec une expression politique de classe et anticapitaliste pour ceux qui ont eu une expérience amère avec le néo-réformisme et la direction du processus d’indépendance catalane. Une candidature qui puisse marquer une claire indépendance avec Unidas Podemos et son programme de s’allier avec le Parti Socialiste au service de la Couronne, mais aussi avec la direction du processus d’indépendance qui veut soumettre le droit à l’autodétermination à une négociation avec l’État Espagnol.

Anticapitaliste, face aux élections municipales et régionales de Madrid a décidé de concurrencer Podemos avec une coalition auprès de Izquierda Unida et de secteur d’activistes et appel au vote « critique » pour Unidas Podemos pour les présidentielles. Une position opportuniste, symptôme de leur résistance à se détacher définitivement de la formation d’Unidas Podemos qu’eux-mêmes ont contribué à créer.

La CUP a décidé de ne pas se présenter pour se concentrer dans les municipales en Catalogne, une position critiquée par le CRT qui propose la création d’un candidature avec un axe de lutte anti-Régime, anticapitaliste en alliance avec le reste des secteurs populaires de l’État, pour ainsi lier la lutte démocratique du peuple catalan avec la lutte générale contre le Régime de 78 et pour la résolution des grands problèmes sociaux.

De son côté, Poble Lliure, fraction de la CUP, avec Som Alternativa et le Partido Pirata forment une collation catalane appelé Front Republicà et se présentent aux élections générales, mais uniquement avec un programme démocratique, sans aucune délimitation avec la gestion actuelle du processus et sans références de classe ou anticapitaliste.

Au sein de l’Etat Espagnol avec les tendances les plus réactionnaires, le seul chemin est celui d’une extrême gauche de classe avec un programme anticapitaliste, qui met au centre la lutte des classe. Cette stratégie implique d’assumer le combat contre la bureaucratie syndicale qui divise et paralyse le mouvement ouvrier, mais aussi la convergence avec le mouvement des femmes, la jeunesse anti-royaliste ou le mouvement démocratique catalan, dans la perspective de construire une force politique et sociale qui pourra véritablement renverser le capitalisme et ses violences.

Déclaration originaleIzquierdia Diario.es

Traduction : Homa de la Bahía


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