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Élections en Côte d’Ivoire : Ouattara continuera à « manger l’Etat »

Nina Kirmizi Les résultats des élections du 25 octobre, les premières depuis la crise post-électorale de 2011, sont sans surprise. Alassane Dramane Ouattara dit ADO est réélu « d’un coup KO », slogan qui a été déroulé durant la campagne, c’est-à-dire dès le premier tour. Malgré le boycott appelé par l’opposition, des taux d’abstention record et de nombreux « cafouillages » qui font peser de sérieux doutes sur la régularité du scrutin, l’ancien patron du FMI et de la BCEAO va pouvoir continuer à « manger l’État »… en toute tranquillité ? Pas si sûr, car y compris au sein de son propre camp, l’exaspération et les désillusions se font sentir.

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Les élections présidentielles de dimanche 25 octobre, premières depuis la crise post-électorale de 2010-2011, se sont déroulées sans heurts. Pour autant, contrairement à ce que voudrait Ouattara, la crise qui avait fait s’affronter les tenants de l’ancien président Laurent Gbagbo, aux supporters du président actuel, est loin d’être oubliée. Pas plus que ses 3 000 victimes et l’intervention militaire de l’impérialisme français pour installer le président actuel au pouvoir, qualifié « d’homme de l’étranger » par le camp de l’ancien président Gbagbo.

A Abidjan, la capitale, dans les quartiers traditionnellement gbagbiste, l’appel au boycott lancé par le Front populaire Ivoirien de l’ancien président Gbagbo a été très suivi. Relayé également par deux autres partis d’opposition, ce boycott entend protester contre un gouvernement qui faciliterait les irrégularités. A Yopougon, par exemple, les bureaux sont restés déserts toute la journée. Ailleurs, beaucoup de « cafouillages » : les tablettes supposées faciliter et assurer la régularité du scrutin dans les bureaux de vote ont été peu, voire pas utilisées, l’organisation réalisée par la Commission Électorale Indépendante, aux mains du gouvernement, a été désastreuse, l’opposition l’accuse déjà d’avoir instauré des bureaux fictifs pour la fraude dans la capitale…

La paix sociale s’achète. Tout comme les voix. Et Ouattara a su être prudent et distribuer les billes pour éviter que la contestation latente ne se fasse entendre. D’abord en assurant un financement de 100 millions de francs CFA (152 000 euros) à chaque parti en lice, certes bien en deçà des ressources dont jouit le Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la paix (RHDP), la coalition au pouvoir, mais suffisant pour calmer le jeu d’une opposition divisée. Ensuite en faisant jouer ses réseaux clientélistes, tout comme avant lui son prédécesseur Laurent Gbagbo, par la distribution de billets et de petits postes. Enfin par la mise en place d’un important dispositif policier et militaire dans les rues de la capitale et des principales grandes villes du pays. Malgré tout cela, la tension reste palpable.

Dans le camp des partisans de l’ancien président Gbagbo, on attend le 10 novembre, le jour du passage de Laurent Gbagbo à la barre du tribunal de La Haye, où il est retenu depuis la crise de 2011, et de son exfiltration par l’armée française lors de l’opération Licorne. Côté ouattariste, la déception est également palpable. Beaucoup de soutiens à Outtara, engagés dans la lutte contre le camp Gbagbo n’ont pas obtenu les postes attendues. Des 8% de croissance annuelle, vantés dans le bilan du gouvernement, la population n’en perçoit que les miettes. Les rares réalisations d’infrastructures du gouvernement Ouattara n’ont pas fondamentalement changé la donne : le chômage touche au bas mot 25% de la population tandis que le niveau de vie n’a toujours pas rattrapé celui antérieur à 2010 et à la crise militaro-politique.
Du point de vue économique, Ouattara n’a fait qu’accélérer et accentuer le tournant ultralibéral et l’ouverture au capital étranger de la Côté d’Ivoire, largement entamé sous Laurent Gbagbo – l’image d’un Gbagbo célébrant aux côtés de Vincent Bolloré l’achat du Port Autonome d’Abibjan par le grand groupe, l’illustre bien.

L’arrivée de Ouattara au pouvoir en 2011 a été également l’occasion d’un repositionnement de l’impérialisme, notamment français, en Côte d’Ivoire. Grâce à une résorption à 95% de la dette ivoirienne, afin d’aider l’ancien employé du FMI à restaurer la stabilité, le gouvernement Ouattara a pu procéder à une relance économique essentiellement fondée sur un nouvel endettement, la privatisation – filière cacao et l’eau – et l’ouverture aux entreprises étrangères. Aujourd’hui, après 4 ans à la tête de l’État, la dette ivoirienne a de nouveau grimpé à plus de 40% du PIB, dette qui n’a pu être contractée qu’en respectant les directives dictées par le FMI en matière d’économie.

Pour l’heure, la mémoire de la violence des affrontements de 2011 reste vive, faisant craindre à la population les conséquences de la contestation. Mais l’absence de changements et de perspectives pour la majeure partie de la population, la cooptation et l’enrichissement des hommes à la tête de l’État, au profit des entreprises occidentales, alimentent un « ras-le-bol » croissant. Une véritable cocotte minute derrière le calme apparent.


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