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Homophobes hors de nos vies

Élections régionales. Schiappa instrumentalise les droits LGBT à Paris

C’est à la date du 17 mai, journée internationale de lutte contre l'homophobie, la transphobie et la biphobie, que Schiappa a choisi de présenter sa liste avec Laurent Saint-Martin pour les élections régionales en Ile-de-France après un échec en 2020. En attaquant le bilan de Valérie Pécresse la présidente sortante de la région Ile de France (ex-LR), la ministre de la citoyenneté tente de se donner un vernis LGBTQI+ à l’approche des élections et continue d’avancer l’agenda raciste et sécuritaire du gouvernement.

Ana Demianoiseau

24 mai 2021

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Au début de sa tribune au Journal du Dimanche, Schiappa fait un bilan excessivement positif de la politique du gouvernement envers les personnes LGBTQI+ et n’hésite pas à se placer elle-même en grande héroïne de la défense des minorités. En réalité et sans grande surprise, le bilan de cette année en matière de droits démocratiques pour les LGBTQI+ n’a fait que s’empirer. Comme nous le disions, en 2020 le gouvernement a rejeté les amendements de la loi bioéthique visant à ouvrir la PMA aux hommes trans, à interdire les mutilations sur les enfants intersexes, avant finalement de repousser aux calendes grecques la PMA pour les couples de femmes. Il a également repoussé l’examen d’une proposition de loi interdisant les thérapies de conversion en France et a refusé d’autoriser la prescription de la Prep (traitement préventif contre le VIH) par les médecins généralistes. Le seul argument que Schiappa a en positif contre Pécresse est que la première n’a pas pris parti en faveur de la Manif pour Tous. Mais secouer l’épouvantail de la Manif Pour Tous est loin de faire de la ministre et de son gouvernement, des acteur-ices progressistes en matière de droits démocratiques pour les minorités de genre. On peut même rappeler que Marlène Schiappa a pu se trouver aux côtés de Christine de Boutin, défendant l’interdiction du “baiser de la lune” un court-métrage sur l’homosexualité destiné à des enfants et tenant à cette occasion des propos qu’on peut qualifier d’homophobes. En ce sens, le projet de financer un centre des archives de l’Histoire des luttes LGBT, porté depuis des années par des militants LGBT de la capitale et repris par Schiappa dans sa campagne, fait beaucoup plus un effet d’une récupération qu’autre chose. Mais surtout, connaissant les priorités du gouvernement en matière de financements, il est difficile d’imaginer que ce centre verra le jour en macronie.

Si nous n’avons que peu d’attentes envers l’agenda démocratique du gouvernement, nous estimons toutefois qu’il pourrait, dans une certaine mesure, permettre d’améliorer les conditions matérielles de vie des LGBTI+. Mais le bilan de l’année montre bien l’échec du gouvernement en matière de prévention des violences. Schiappa n’a pas hésité à faire de grands effets d’annonces en expliquant que les chiffres des agressions LGBTI+ ont baissé en 2020. Au-delà du fait qu’il est en réalité très difficile de quantifier ces phénomènes souvent cachés et gardés sous silence, les statistiques sont également biaisées par les confinements successifs qui ont changé les modalités du quotidien et qui rendent encore plus difficile la démarche d’aller porter plainte. Ce même 17 mai, l’association SOS Homophobies a sorti un rapport inquiétant qui démontre une augmentation des violences LGBTIphobes dans les foyers en 2021. De nombreux-ses étudiant-e-s précaires ont été contraint-e-s de retourner vivre chez leur parents au risque d’être exposé-e-s à des violences multiples sans possibilité d’aller ailleurs, le gouvernement ne donnant que des miettes aux services d’accueil d’urgence des personnes LGBTQI+. Nous nous rappelons également les multiples lignes d’écoute ouvertes qui n’ont été qu’une mesure cosmétique au vu de la tension du nombre d’appels et du manque de personnel.

On a donc beaucoup de mal à comprendre où Schiappa trouve les arguments pour donner à penser que de réels moyens ont été mis en place pour prévenir les violences LGBTIphobes. Ce qu’on constate, c’est que suite à son échec en 2020, la ministre tente piètrement de se donner un vernis LGBTQI+ à l’approche des municipales afin de se faire in-extremis une base dans la communauté LGBTQI+.

Si encore une fois, aucune subvention n’ira aux services de santé et de prévention des violences, tout le budget sera par contre consacré au renforcement du dispositif policier. Quelles seront les mesures centrales prises par la liste LREM ? « La création d’une police régionale des transports » avec des « effectifs formés spécifiquement à la lutte contre LGBTphobies » afin de lutter contre le « fléau du harcèlement de rue ». L’instrumentalisation de la cause des LGBTQI+ est faite à des fins uniquement sécuritaires qui s’articulent à toute l’offensive raciste et liberticide du gouvernement. Alors que la loi Sécurité Globale étend déjà considérablement les pouvoirs et l’impunité de la police municipale en donnant la possibilité légale aux policier-e-s de visionner les vidéos de surveillance et de contraventionner jusqu’à 1000 euros, il s’agit maintenant de créer une police régionale. Cependant, il n’existe actuellement pas dans la loi un article autorisant la région a posséder sa propre police, la solution trouvé par Saint-Laurent est d’engager auprès d’agences privés des effectifs de sécurité avec 500 agent-e-s qui seraient recruté-e-s la première année sur un coût annuel de 80 millions d’euros selon Libération

La possibilité de former et d’éduquer la police à la prévention des violences de genre est une illusion sachant que ce système est incapable lorsqu’il s’agit de traiter les violences homophobes et transphobes qui parcourt notre quotidien et surtout, s’est historiquement construit sur des bases de répression des LGBTI+. Le rapport 2020 de SOS Homophobie- énonce que le nombre de plaintes à la police représentait 1% des 2 396 témoignages que l’association avait reçu en 2019. En addition à cela, plusieurs témoignages accusent la police de ne pas prendre les plaintes pour agressions homophobe ou transphobe au sérieux.. Alors que la Ministre appelle maladroitement dans sa tribune à « célébrer les fiertés », nous ne pouvons que nous rappeler que la marche des Fiertés est née des émeutes de Stonewall qui ont explosé contre et suite aux énièmes violences policières envers les personnes LGBTQI+.

Bien loin d’être anodines, ces réformes donneront plus de pouvoir à la police raciste. Dans la continuité de la loi contre le harcèlement de rue de 2018 qui avait été votée en même temps que la loi Asile et Immigration, la liste LREM continue son offensive sécuritaire. Ces mesures punitives renforceront encore plus le phénomène de contrôle au faciès, accentuant le racisme d’Etat. La création d’une police régionale est annoncée dans une séquence où les personnes maghrébines ou perçues comme telles sont harcelées par le gouvernement comme le démontre la Loi Séparatisme, la Loi Sécurité Globale et les récentes sorties de Vidal et consorts à propos de l’islamogauchisme. Alors que Schiappa use de sa rhétorique à propos des « espaces safe », ces mesures sont les bases matérielles de la répression policière dont les habitant-e-s de banlieue et les personnes racisées se retrouveront en première ligne.

Le gouvernement n’a que faire de la cause des LGBTQI+ qu’elle utilise à des fins racistes et islamophobes qui divisent notre camp social. Nous n’avons rien à attendre d’une ministre qui a proposé aux femmes, ce 8 mars 2021, de compléter les effectifs de la même police qui agresse et mutile les militant-e-s féministes. Nous refusons que l’Etat instrumentalise la lutte pour nos droits. A l’image des manifestations #MeTooGay en France qui ont dénoncées l’exposition des LGBTQI+ aux violences sexuelles et leur manque de prises charge, à l’image des femmes trans qui ont manifesté en première ligne contre la répression policière en Colombie, nous devons continuer de descendre dans la rue pour arracher des droits démocratiques décents à l’État macroniste que nous précarisent et qui nous répriment. Par exemple, alors que celle-ci est sans cesse repoussée de l’agenda politique, nous exigeons une véritable PMA pour toutes et tous intégralement remboursée. Aussi, notre combat se place aux côtés des travailleurs de la santé et de l’éducation, en première ligne du covid ces derniers mois, pour qui l’absence d’argent ainsi que la privatisation croissante de ces secteurs rendent utopique une réelle avancée dans l’accès aux soins, à l’éducation et à la dignité d’une majorité d’entre nous.


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