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Derrière les larmes de crocodile

En Allemagne, la montée de l’extrême droite nazillone cautionnée par Merkel

Affiche du NPD, 2011, le slogan « Plein gaz ! » (« GAS Geben ! ») est une allusion à peine voilée à la Shoah. Depuis 2015, année où la chancelière Angela Merkel a « ouvert » à moitié la frontière aux migrants, pour mieux la refermer très rapidement, le parti d’extrême-droite AFD est en essor permanent. Il a fait 18 % en septembre dernier aux élections de Berlin, et se situe à 15% dans les sondages d’opinion, poussé par la lame de fond réactionnaire après les attentats survenus en décembre dernier. Parallèlement, on assiste à un retour du terrorisme d’extrême-droite. Il prend la forme d’agressions dans des lieux publics, comme à Bautzen en octobre dernier, d’attentats commis par des réseaux clandestins nazis, ou individuels, comme celui de Stil Breiviks à Münich cet été. Dernièrement, c’est le parti néo-nazi NPD qui s’est trouvé une nouvelle fois au centre du débat, avec l’échec d’une nouvelle procédure d’interdiction.

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Un parti néo-nazi toujours autorisé mais qui perd en influence{{}}

Le NPD, (parti national-démocrate) est fondé en 1964 et obtient dès sa création quelques bons résultats aux élections régionales (jusqu’à 9,8% en 1968 dans le Bade-Wurtemberg), bien qu’il soit officiellement considérés comme anticonstitutionnel. Les militants du NPD refont aujourd’hui surface avec des agressions envers les migrants

Le NPD affiche également un antisémitisme décomplexé, allant jusqu’à faire des allusions au génocide commis par les nazis lors de ses campagnes électorales. Le NPD conteste ce qu’il appelle la « culture de la culpabilité » et minimise l’extermination des Juifs en Europe. En 2007, le chef du parti de l’époque, Udo Voigt, déclare que « au maximum 340 000 personnes sont mortes à Auschwitz », et réclame la restitution des territoires allemands perdus en 1945. Le NPD prône aussi la lutte contre l’immigration pour protéger « l’essence du peuple » allemand, menacée par l’arrivée de migrants, ce qui constituerait « un génocide de facto ». En 2011, une de leurs affiches électorales avait fait scandale. Le président du parti de l’époque y était représenté sur une moto, avec le slogan « plein gaz ». L’affiche avait même été placardée sur le Musée Juif de Berlin.

La première procédure d’interdiction du NPD a eu lieu en 2003 et a échoué au motif de la présence d’agents de renseignements à l’intérieur du parti. De plus, la procédure avait été jugée, non-conforme à la Constitution, et en raison de la volonté de ne pas faire comme Hitler, qui avait interdit des partis.

Une deuxième procédure d’interdiction est entamée en 2011, suite à la découverte du groupe terroriste NSU (Mouvement clandestin national-socialiste), responsable (officiellement mais surement plus dans les faits) de neuf crimes racistes et de la mort d’une policière. Le groupe est soupçonné d’être lié au NPD, qui leur aurait fourni des armes. 74 % des Allemands soutiennent à l’époque l’interdiction du NPD, alors que le parti est représenté dans les assemblées régionales de Saxe et de Mecklembourg-Poméranie occidentale.

Il y a quelques jours la demande d’interdiction a été rejetée pour la deuxième fois, au motif que malgré ses objectifs « anticonstitutionnels » (le NPD se positionne contre la République fédérale), « il n’y a actuellement pas d’éléments concrets de poids laissant penser que l’action du parti puisse être couronnée de succès », selon le président de la Cour Andreas Vosskuhle.

L’autre raison qui a fait échouer la procédure est que le NPD est en perte d’audience et a de moins en moins d’influence. C’est aujourd’hui le parti AFD (Alternative pour l’Allemagne) qui reprend les idées du NPD. En témoigne l’exemple de la porte-parole Frauke Petry qui avait déclaré l’année dernière que la police devrait avoir le droit de tirer sur les migrants pour protéger les frontières. L’AFD défend également le retour du service militaire, s’oppose au salaire minimum, condamne l’avortement et la suppression des genres, prône une politique nataliste.

D’autres groupes se forment dans la rue

Né à Dresde en octobre 2014, le mouvement PEGIDA (Européens patriotes contre l’islamisation de l’Occident) s’est par la suite exporté à échelle nationale, puis européenne (en Suisse, Espagne et Norvège notamment). Il est soutenu par le NPD et AFD et développe un programme résumé dans dix thèses qu’ils exposent lors de leurs défilés : ils se positionnent contre ce qu’ils considèrent comme « l’islamisation » de l’Europe. Celle-ci s’exprimerait entre autres par le fait qu’il existe dans certaines piscines des horaires particulières pour les femmes musulmanes ; ses partisans défendent « la préservation de la culture judéo-chrétienne de l’Occident » ; la tolérance zéro pour les migrants délinquants ; contre l’émigration « économique ». PEGIDA réclame également davantage de moyens pour la police, ce qui explique la sympathie de cette dernière pour le mouvement. L’émergence d’un tel mouvement fait augmenter le nombre d’agressions aux migrants. Si PEGIDA prend ses distances avec la violence et l’extrémisme et refuse de porter l’étiquette « d’extrême-droite » (taboue en Allemagne), on observe depuis l’émergence du mouvement une augmentation des agressions aux migrants. Leur but est donc avant tout d’apparaitre comme un mouvement citoyen « anti-système », qui permet d’offrir une vitrine plus consensuelle aux fachos de tout poil, jusqu’aux néo-nazis. Depuis deux ans, les sympathisants du mouvement prennent part tous les lundi soirs aux « promenades » à travers la ville de Dresde, mais aussi dans d’autres villes d’Allemagne, où le mouvement se décline en fonction du nom de la ville : Legida à Leipzig, Bärgida à Berlin, Bogida à Bonn…

D’autres organisations d’extrême-droite, bien que plus minoritaires, prônent le recours à la violence, contre les migrants considérés comme des « envahisseurs », mais aussi contre les dirigeants de l’Etat. Ce sont les Identitaires, Troisième Voie, la Droite… Parmi leurs membres, des anciens du NPD. Les Loups Blancs de la Terreur (Weisse Wölfe Terrorcrew) ont récemment été interdits.

L’hypocrisie de l’Etat

Sous couvert d’une pseudo-lutte contre « l’extrémisme », l’Etat et les médias entretiennent le climat xénophobe qui existe en Allemagne. Le mouvement PEGIDA jouit à Dresde, mais aussi dans d’autres villes d’Allemagne comme Münich du droit de défiler chaque lundi à travers la ville, sous la protection de la police, qui écarte soigneusement les contre-manifestants. Si PEGIDA entend combattre « l’intégrisme musulman » et la politique de droit d’asile accordée aux migrants, il est pourtant devancé par l’Etat, qui va jusqu’à faire pression sur les Länder pour augmenter le nombre d’expulsions, le quota de main d’oeuvre dont a besoin l’Allemagne étant maintenant atteint. Suite aux attentats qui ont secoué le quartier de Charlottenbourg à Berlin le 19 décembre dernier, la politique de Merkel tend de plus en plus à une militarisation de l’espace public. Plus de moyens pour la police, plus de vidéosurveillance, les personnes racisées systématiquement contrôlées, sans compter que 2016 a constitué un record en matière d’expulsions. En 2016, le CSU a voté une loi d’intégration qui préconise l’adoption de la culture dominante du pays d’accueil. L’année précédente, la chancelière Angela Merkel a conclu un pacte avec la Turquie, accordant trois milliard d’euros à Erdogan pour qu’il empêche les migrants d’arriver en Europe.

Ceux qui manifestent contre l’extrême-droite sont systématiquement réprimés. En décembre 2015, un antifasciste de Münich qui manifestait contre Pegida a été condamné à quatre mois de prison avec sursis, au motif que le drapeau qu’il portait, dont le manche était trop court, pouvait constituer une arme. Celui-ci avait d’ailleurs déclaré au cours de son audience qu’il ne se serait pas retrouvé au tribunal si ce drapeau avait été aux couleurs de l’Allemagne. En novembre de cette même année, lors d’une contre-manifestation contre l’AFD qui a regroupé 3 000 personnes à Berlin, plus de 40 personnes ont été interpellées, puis jugées.

Ainsi, le gouvernement allemand est largement responsable de la montée de l’extrême droite. D’une part, parce que sa politique antisociale et réactionnaire contribue à faire monter l’extrême droite mais aussi parce qu’il n’hésite pas à le protéger dans la rue contre ceux qui s’y opposent. En effet, les manifestations de rue de PEGIDA et les agressions contre les réfugiés sont utiles à Merkel : le spectre du retour de l’extrême droite nazillone permet de camoufler et de justifier son tournant xénophobe et islamophobe, ultranationaliste qu’on a notamment pu voir lors du dernier congrès de la CDU.

Dans la rue, la résistance s’organise{{}}

Le 12 janvier 2016, 100 000 personnes ont défilé contre PEGIDA à échelle nationale, à l’occasion des deux ans de l’existence du mouvement.

A Münich, le groupe Waffen der Kritik (qui inclut des militants de RIO, organisation membre la Fraction Trotskyste Internationale) a organisé l’année dernière une campagne pour exiger que le groupe étudiant d’AFD, Campus Alternative, ne soit pas autorisé à l’université. Une pétition a été lancée et a recueilli plus de 1500 signatures. Un rassemblement a réuni 300 personnes pour s’opposer à la décision de la direction de l’université d’autoriser le groupe à être présent sur l’Université Ludwig-Maximilian.

Le 12 janvier dernier, à l’Université Otto-von-Guericke de Magdeburg, des étudiants ont perturbé un événement organisé par Campus Alternative, si bien que celui-ci a dû être annulé.

La semaine d’avant, un antifasciste qui avait participé à une contre-manifestation contre les nazis à Dresde a été relaxé par la justice, six ans après les faits. Le procès avait eu un large écho au sein de l’extrême-gauche pour son caractère particulièrement répressif. Le jeune militant était inculpé pour « incitation à l’émeute » et risquait à l’origine 22 mois de prison avec sursis. Il lui était reproché d’avoir crié « Venez devant ! » aux manifestants, les incitant à briser une ligne de policiers. En l’absence de preuves, la peine a par la suite été réduite à des outrages à agents. Tim devait être condamné à 4 050 euros d’amende, avant d’être enfin relaxé le 6 janvier dernier.

Dans un tel contexte, des luttes ponctuelles dans la rue ou les universités ne sont pas suffisantes. Il est nécessaire de construire dès maintenant la contre-offensive en regroupe les travailleurs, les migrants victimes de racisme, les femmes et LGBT contre l’extrême droite la plus réactionnaire, mais aussi et surtout contre Merkel, son gouvernement, et l’ensemble du système qu’elle représente.


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