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Colère sociale

En France, comme une envie d’en découdre...

Depuis plusieurs jours la colère gronde : dans un brouhaha médiatique se mêlent les records d’audience du mouvement de blocage annoncé pour le 17 novembre, les affrontements des ambulanciers avec la police sur le périphérique parisien, et les cris de colère des Marseillais sur les décombres des immeubles écroulés.

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Trop c’est trop !

Depuis son élection à la présidence de la République, Macron n’a pas cessé un seul instant de faire avancer le bulldozer de ses « réformes » qui sont autant d’atteintes aux conditions de vie des travailleurs et des populations exploitées en France. A l’exception des patrons et actionnaires des multinationales qui n’ont jamais engrangé autant de dividendes, toutes les couches de la société, voient leur situation et celle de leurs enfants se dégrader à la vitesse grand V.

Bien entendu, ce sont les précaires, les pauvres parmi les pauvres, qui « morflent » le plus. Comme ces habitants des quartiers du centre de Marseille qui ont vu leurs immeubles s’effondrer sur leurs têtes et pleurent 5 morts et plusieurs disparus. Ce sont aussi ces retraités dont les pensions sont écornées chaque jour un peu plus et qui n’ont pas les moyens d’accéder à des maisons de retraite décentes. Ce sont aussi ces jeunes qui vont de chômage en petit boulot sans pouvoir accéder à un logement ou à des soins corrects. Ce sont tous ces travailleurs fragilisés par la précarité et qui se sentent parfois obligés de « la fermer » pour nourrir leur famille. Ce sont tous ceux dont le pouvoir d’achat se dégrade de jour en jour, dont les salaires sont amputés, les primes sucrées, les heures supplémentaires octroyées gratuitement aux patrons.

Ce sont toutes ces victimes de la loi d’airain du capitalisme que Macron sert si scrupuleusement depuis son arrivée au pouvoir qui, aujourd’hui, s’engouffrent dans toutes les formes d’expression de colère qui s’ouvrent devant eux. Le « ras-le-bol », « la goutte d’eau qui fait déborder le vase », sont les sentiments spontanés qui expliquent que des millions de personnes, face à la hausse du prix des carburants, annoncent leur intention de participer aux blocages routiers et à l’opération « gilets jaunes » du 17 novembre. Ce sont eux aussi qui expliquent que des centaines d’ambulanciers grévistes aient réalisé une opération escargot d’une journée entière sur le périphérique parisien, en début de semaine.

Confusion et brouillard

Bien sûr, dans le camp des « révoltés », il y a aussi des patrons, des dirigeants de petites ou de moyennes entreprises qui peinent à lutter contre les géants du CAC 40 ou même simplement contre les entreprises plus « compétitives » qu’eux. Même si patronat et salariat sont irréconciliables, certains patrons peuvent, occasionnellement, rejoindre les luttes de travailleurs, voire les susciter. Plus l’angle de vue est étroit et plus les intérêts peuvent paraître convergents, voire communs.

C’était le cas pour l’opération escargot qui, lundi, a protesté simultanément contre la dégradation des conditions de travail des ambulanciers mais aussi contre la réforme du financement des transports hospitaliers qui rencontre l’opposition farouche de nombreux patrons de TPE et PME privées, exerçant leur activité dans ce secteur.

C’est aussi cet angle de vision réduit qui fait que certains camionneurs se retrouvent main dans la main avec leur propre patron pour se préparer aux blocages du 17 novembre. La hausse du prix des carburants nuit aux transporteurs et à leur activité, voilà de quoi brandir un intérêt commun.

Pourtant, si on replace la hausse du prix de l’essence dans une vision plus large, celle de la multiplication des taxes, de la hausse des prix, on débouche finalement sur la seule revendication qui puisse apporter une réponse globale à cette pluie d’attaques aux conditions de vie et au pouvoir d’achat : l’augmentation des salaires pour répondre à la hausse des prix. Adieu la convergence d’intérêt ! Pour les patrons et leurs profits, les salaires c’est fait pour être le plus bas possible, pas pour augmenter, même chez les transporteurs.

Certains géants de la grande distribution, parfaitement lucides, se saisissent d’ailleurs de la confusion jetée dans la conscience des travailleurs pour mettre en avant une pseudo communauté d’intérêts avec la population. C’est ainsi que Leclerc, ou Carrefour, imités par leurs concurrents Auchan et Intermarché, rivalisent de promesses sur la réduction du prix du carburant à la pompe et lancent une opération « essence à prix coûtant » durant le mois de novembre. Plus cynique, tu meurs.

Où est la boussole ?

Même si les deux camionneurs à l’origine de l’opération « gilet jaune » se sont défendus de toute dépendance à l’égard de quiconque et déclarent agir en simples « citoyens », un phénomène social d’une telle ampleur n’échappe évidemment pas à la politique. Pas plus que tous les mouvements de grogne qui bouillonnent en de multiples points de l’hexagone.

Dans une situation qui contient à la fois du drame et un brouillage délibéré des consciences, les Dupont Aignan et les Marine Le Pen, toujours en embuscade et encouragés par la montée des partis d’extrême droite dans plusieurs pays, voient évidemment une belle occasion de faire main basse sur la légitime colère des travailleurs et des exploités.

De leur côté, et face à cette montée d’initiatives « chimiquement impures », c’est-à-dire sans frontière de classe, les organisations traditionnelles du mouvement ouvrier, partis et syndicats, se sont trouvées très embarrassées. Faut-il participer aux opérations de blocage du 17 novembre, et sous quelle forme ? Les débats ont été nombreux et ne seront probablement pas éteints au matin même du 17. Nul ne sait pour l’instant d’ailleurs quelle sera l’ampleur du mouvement, le buzz sur les réseaux sociaux ne préfigurant pas nécessairement la mobilisation effective.

Ce qui est certain en tout cas, c’est qu’il y a deux attitudes dont il faut absolument se garder. Le mépris pour cette légitime colère et le rejet systématique d’une « manif de fachos » et, a contrario, un suivisme qui consisterait à noyer les revendications des travailleurs et des classes populaires dans le mouvement en raison de son caractère de masse.

« Ca va péter ! » ???

Quelles que soient l’ampleur et la forme que prendra la mobilisation du 17 novembre, elle ne pourra en raison de son caractère composite et fortement individualiste, de l’étroitesse de son champ de revendications, et de l’absence de perspective politique, déboucher sur un mouvement capable de faire barrage à la volonté de Macron. Tout au plus pourrait-elle obtenir une compensation de type chèque essence ou autre idée « novatrice », capable d’éteindre le feu. Peut-être les choses pourraient-elles dégénérer si des violences policières se produisaient. Mais il est peu probable que le gouvernement prenne le risque de la violence.

La question qui reste politiquement posée dans le camp des travailleurs est celle de l’articulation entre ce potentiel de colère en grande partie légitime et des modes d’organisations conscients, débarrassés de toute confusion entre les intérêts des travailleurs et ceux des patrons.

Le dernier épisode de lutte organisée et consciente au sein du mouvement ouvrier qui ait eu un écho important dans la population et reste dans les mémoires est la lutte contre la réforme ferroviaire. Largement populaire, portée par des cheminots et cheminotes déterminés, soutenue par bon nombre d’usagers, cette lutte n’a cependant pas réussi à empêcher le passage en force de Macron. De quoi s’interroger, surtout quand la volonté de gagner et le désir d’en découdre restent intacts.

Ce n’est pas un hasard si un certain nombre de cheminots évoquent actuellement avec intérêt l’opération gilets jaunes et, pour certains, se posent la question d’y participer. Parmi tous ceux qui demeurent conscients que seul le mouvement ouvrier organisé pourra triompher des Macrons et des patrons, des sentiments nouveaux se font jour. Une volonté d’interdire aux dirigeants syndicaux d’aller négocier. Un désaveu des journées sans lendemain. Une aspiration à des moyens plus radicaux. Une volonté de décider soi-même et « tous ensemble » de la manière de s’organiser pour gagner.

Sans être le fer de lance de la lutte des classes, des manifestations aux allures radicales comme celle des ambulanciers, des gilets jaunes, ou d’autres encore pourraient bien donner des idées dans les rangs du au mouvement ouvrier, qui n’en peut plus de contention par des directions de plus en plus ouvertement discréditées.


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