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Témoignage

Entre sexisme et précarité sans fin, les joies de bosser dans le tourisme

Blanche est titulaire d’un BTS Tourisme, obtenu après un bac pro « accueil relation client », mais aussi du BEPA services aux personnes, du BAFA, en plus d’une formation au conservatoire de musique. Ayant commencé à travailler comme animatrice dès ses 17 ans, elle a compris le rôle de pions qu’on leur assigne. Même si les problèmes rencontrés dans l’animation dépendent des structures, ici comme ailleurs, il faut faire le job, accepter la précarité, quel que soit le niveau d’engagement et de formation antérieure… Un témoignage édifiant sur une précarité qu’on nous vante aujourd’hui sous toutes les coutures. Si nous laissons passer la loi Travail, elle permettra de la démultiplier comme jamais, en donnant encore plus d’impunité à ceux qui en usent et abusent déjà. Blanche

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La situation de stagiaire

Première expérience en agence de voyage. Je suis en dernière année de BTS tourisme. Je trouve une agence de voyage qui me prend en stage. Là je me se suis sentie carrément maltraitée. Très mauvaise ambiance : boulot hyper exigeant, pas le temps de souffler, rabaissée tous les jours, pas de relation de confiance avec le maître de stage, taxée d’incompétente, aucune mission adaptée à la formation… au point que mon rapport de stage est jugé nul car je n’ai pas effectué les bonnes activités. Cette expérience a était particulièrement difficile à vivre car c’était la première fois qu’un stage se passait aussi mal pour moi. Dans mes deux précédentes formations j’ai était amenée à faire de nombreuses périodes de stages, et dans toutes j’ai accompli des tâches à la hauteur de mes compétences et en lien avec ma formation, et les différentes structures qui m’ont accueillie en stage étaient satisfaites de mon travail. Mais comme on dit « les mauvaises expériences sont aussi formatrices que les bonnes, voire même plus ».

Rabaissée au quotidien

Ça fait 2 ans que je galère depuis l’obtention de mon BTS juin 2014. Je n’ai pu obtenir que des petits contrats vacataires, des stages ou des missions de 15 jours, principalement dans l’animation. J’ai essayé de partir pour faire les saisons en été, dans l’hôtellerie, mais faute d’« expérience » c’est vraiment difficile de s’insérer dans le milieu du tourisme.

En mars 2015, je vais au salon de l’emploi à Montpellier, on me propose une formation, avec possibilité d’emploi à la fin, mais sans intitulé exact : « responsable d’animation en hôtellerie de plein air » (camping). Je commence la formation le 15 à Perpignan dans une école alternative (Studio Camille) qui forme des anim pour les PO. Une structure compliquée, avec plein de partenaires, une rétribution effectuée par indemnités selon tes heures d’emplois… Ça dure de mars à août. J’ai toujours ma carte étudiante puisque en même temps j’ai cours à la fac.

Ça m’a fait une bonne expérience sur le terrain, mais elle a été très mauvaise avec l’encadrement (direction). Du coup j’ai refusé de faire la saison car je devais cohabiter avec un animateur que je ne connaissais pas, la direction me mettait la pression en me disant, en gros, « démerde-toi ! ». Et au final, la répétition du même schéma : conditions de travail très mauvaises, traitée encore une fois comme un pion par la direction, ma formation, de nouveau, qui ne m’a servi à rien, aucun bilan mais seulement des reproches par le directeur. Sans parler des conditions d’hébergement : au fond d’un champ sans eau courante, sans intimité, avec quelqu’un avec que je connaissais absolument pas. Ça s’est « bien » passé parce que j’ai accepté de… fermer ma gueule. Avec au final seulement 15 jours de contrat de travail alors que j’avais bossé deux mois. Et après ça, quatre mois sans boulot…

Réduits à de vulgaires pions multitâches (on dit « flexibilité »)

Mon premier stage dans le cadre de la formation « Responsable d’animation en hôtellerie de plein air » s’est déroulé dans un camping 4 étoiles à Argelès-sur-Mer, ville réputée pour ses nombreux campings dans toute l’Europe. Je n’ai pas été responsable, mais animatrice. Dans le club enfants où j’ai travaillé, mes cours n’ont servi à rien, la formation ne m’était pas nécessaire pour accomplir mon travail d’animatrice. Malgré le travail effectué sans accrocs, la direction m’a prise en grippe, j’étais stagiaire, et me suis faite traitée de fainéante parce que j’étais arrivée en retard après 2h30 de route en covoiturage. Le directeur de la formation savait parfaitement que j’habitais loin et que je n’avais pas de voiture. J’ai su après que c’était une erreur de management de mon responsable, il a fait remonter les infos me concernant au directeur. Quand on est stagiaire l’employeur se permet de ne pas nous respecter et de nous exploiter.

En décembre, je me retrouve dans un village vacance près de la frontière suisse, avec l’association VTF, une structure qui permet aux familles de partir pour pas cher. J’avais posé une candidature comme animatrice, mais je n’ai eu aucune info sur le contrat de travail avant d’aller au recrutement. Sur place, je me retrouve hôtesse d’accueil, avec un responsable d’hôtellerie qui a 1 an de moins. Au départ, je suis seule avec une partie de l’équipe de cuisine, alors que toute la mise en place du village est à faire. Pendant une semaine, aucune formation d’accueil, je dois faire le ménage et installer les décorations de Noël avec les équipes de cuisine et de ménage. L’équipe d’animation n’arrive que le jeudi sachant que les arrivées commencent dès le samedi. Le samedi, je dois aider les femmes de ménage pour les chambres, et, bien sûr, accueillir les familles qui arrivent.

Lâchée dans la nature, sans aucune préparation, et traitée comme de la merde

J’ai dû tout apprendre sur le tas, la responsable était débordée et ne m’a pas montré le fonctionnement de l’accueil. Évidemment j’ai fait quelques erreurs. Un stagiaire Staps, qui lui était au bar, me dit : « il vont avoir besoin d’un anim ado et c’est toi qui va me remplacer au bar"... Ce n’est même pas la direction ou le responsable qui me prévient ! Je vais au bar à 17h (heure prévue) avec le responsable qui m’explique qu’il va me former et que je vais rester au bar pendant 15 jours, ce qui n’était pas du tout signifié sur mon contrat. Moi qui n’ai aucune expérience de ce type… la soirée de Noël a vraiment été l’apocalypse !

Le directeur me gueule dessus (« le bar c’est le bordel ! ») en plein milieu de la soirée, sans aucune possibilité de dialogue. De retour à l’accueil je dois faire les chambres, chose ne relevant pas du tout de mon poste. Le directeur a tout fait pour me pousser à la démission, sous prétexte que je n’avais pas la tenue adaptée. Le matin du 29 décembre il me dit que « les baskets, ça va pas », il m’invite dans son bureau et me dit« toi et moi ça va pas le faire » pour continuer sur « j’ai une liste des erreurs de caisse à la soirée de Noël. Soit j’envoie un courrier au siège pour dire que tu peux pas rester, soit tu démissionnes ». Bref, il me menace et me fait payer leur absence totale de préparation. Je m’entends dire « tu as dit que tu allais faire chier tout le monde jusqu’à la fin de ton contrat »… Pas envie de rester dans ces conditions-là, complètement fermé au dialogue et il avait vite fait de monter l’équipe contre moi.

Le 30 au soir j’étais de retour à Toulouse.

De retour dans un camping en Catalogne, je me retrouve comme anim avec un gars de 20 ans qui n’a aucune expérience, et un directeur du camping qui avait la double casquette de responsable animation/directeur. Le collègue et moi on se retrouve « à égalité », faisant exactement le même taf. Et cela alors qu’on avait deux expériences et deux formations différentes. Sa période de stage était plus courte, complétée par un contrat de travail. Il a été touché encore plus que moi par la difficulté de cette situation où il arrivait sans expérience.

Misogynie et harcèlement sexuel

J’avais une vague idée des problèmes de sexisme et de misogynie dans le milieu professionnel. Mais je ne pouvais pas me douter que c’était à ce point... J’en parle souvent avec une amie de ma formation dans les PO qui est confrontée à une misogynie quotidienne dans sa nouvelle formation. Chose grave, une amie du VTF m’appelle pour me demander si j’ai été harcelée moralement et sexuellement, elle m’apprend alors qu’une animatrice était victime de harcèlement sexuel de la part du directeur. Je me suis souvenue ensuite de l’installation d’une caméra à l’accueil sans la moindre information (ce qui est illégal), mais aussi l’absence de visite médicale (pourtant obligatoire). Rien n’a été fait. La pression sur l’équipe était telle qu’ils voulaient tous se barrer. J’ai entendu parler de gros problèmes d’humiliation en réunion avec les femmes de ménage et les hôtesses d’accueil. Avec le recul, je pense que le directeur a tout fait pour me pousser à dégager parce qu’il savait que je n’accepterai pas de me rabaisser devant lui.

Là on parle d’un secteur particulier, mais au fond le problème est bien plus général. J’aurai pu prendre n’importe quel job, parce qu’il faut travailler pour survivre, et j’étais prête à le faire. Mais j’ai persévéré quand même, je n’ai pas fait ces études-là par défaut, pour accepter ensuite de les balayer et accepter n’importe quel poste à n’importe quelles conditions. Par contre je ne me fais pas d’illusions, j’aurais sûrement rencontré les mêmes problèmes ailleurs, quel que soit le secteur.


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