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« Intrusion » soi-disant « violente »

Envahissement de la CFDT : la « démocratie » en péril ?

Ils sont nombreux à se saisir de l'envahissement de la CFDT pour peindre les grévistes comme des extrémistes « anti-démocratiques ». Macron ou encore François Hollande osent se poser en défenseurs des syndicalistes et de la démocratie, eux qui n'hésitent pas à faire passer leurs politiques anti-sociales à grands coups de 49-3 et de répression des grévistes et des manifestants. Cette action d'interpellation de la direction de la CFDT met-elle réellement la « démocratie » en danger ?

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Crédit photo : Captures d’écran reportage Là-bas si j’y suis

Ce vendredi 17 janvier, les grévistes qui s’organisent au sein de la coordination RATP-SNCF ont mené une action d’envahissement du siège de la CFDT. Comme l’expliquait Anasse Kazib, cheminot en grève depuis 44 jours et membre de la coordination, l’action ne visait pas les membres de la CFDT dans son ensemble, mais plutôt sa direction. Au nom de la coordination RATP-SNCF, il a ainsi exprimé « toute notre solidarité aux syndiqués de la CFDT cheminots qui sont toujours en grève et réclament le retrait total ». Si plusieurs grévistes sont entrés dans le siège de la CFDT, c’est donc pour exprimer leur rejet de la direction du syndicat, qui, par la voix de Laurent Berger, s’est félicité du retrait de l’âge pivot, un « compromis » avec le gouvernement. Les grévistes ont aussi souhaité interpeller les directions syndicales qui n’ont, pour l’instant, pas construit de réelle solidarité financière avec les grévistes en donnant de manière significative aux caisses de grève.

La direction du siège de la CFDT n’a pas semblé apprécier l’initiative, puisque les responsables ont osé appeler la police ! Il s’agit là d’un véritable scandale, qu’une organisation qui se réclame du mouvement ouvrier fasse appel à la police, celle-là même qui matraque les manifestants. Bien que la police attendait les grévistes à la sortie, la fin de l’action s’est déroulée dans le calme.

Une action « violente » ? Les images disent le contraire

Mais c’est par la suite que l’événement a été tourné en véritable événement médiatique, que certains voudraient transformer en scandale d’État. Les réactions ont commencé par Laurent Berger, le secrétaire confédéral de la CDFT, qui a déclaré sur twitter que les opposants se seraient introduits « violemment » dans les locaux et qu’ils auraient « agressé verbalement et physiquement des salariés ». La CFDT a ensuite précisé : « C’était une intrusion violente. Ils étaient une trentaine. Un salarié a été plaqué au sol, il y a eu des insultes » et a ensuite indiqué qu’elle allait « probablement porter plainte ».

Cette version des faits est démentie par... les faits eux-mêmes. Premièrement, l’ « intrusion » n’était en aucun cas violente, puisque les grévistes se sont contentés de rentrer par la porte, préalablement ouverte, en file indienne. Ensuite, aucune violence physique contre des salariés de la CFDT n’a eu lieu. Même BFMTV est obligé de reconnaître que l’envahissement des locaux s’est déroulé pacifiquement : « La CFDT précise à BFMTV que la porte d’entrée du siège peut s’ouvrir de deux manières : "grâce à un badge que possèdent les salariés ou quand l’accueil ouvre aux personnes à l’extérieur." D’après le syndicat, entre vingt et trente personnes ont profité de l’ouverture de la porte pour s’introduire dans le bâtiment, en file indienne. »

De la même manière, Renaud Pila, éditorialiste politique à LCI, relève : « Pour être honnête avec les faits, il ne s’agit pas d"une "invasion" mais d’une "intrusion" à la CFDT apparemment sans nombreuses violences physiques. Une trentaine de personnes ont stagné dans le hall et chanté comme le montre une vidéo. Attendons les deux versions ». C’est aussi ce que relèvent les journalistes de Là-bas si j’y suis sur Twitter : « Selon les médias qui reprennent nos vidéos, l’intrusion ce matin de grévistes au siège de la #CFDT était "violente" et il y a eu des "agressions". Ce n’est pas ce que montrent nos images. ». Sur Twitter également, Anasse Kazib a quant à lui répondu directement à Laurent Berger : « Ça ne m’étonne pas de vous, le roi du mensonge, pas de chance tout est en live et il n’y a ni violence ni verbale ni physique, par contre un de vos dirigeants a déchiré la veste d’un gréviste présent. Un autre a bousculé une gréviste. »

La démocratie, c’est celle des grévistes de la base, pas les négociations avec le gouvernement !

La direction de la CGT ainsi que de FO ont emboîté le pas à Laurent Berger, la première affirmant dans un communiqué « ne pas cautionner ce type d’action » et la seconde, par la voix de son secrétaire général Yves Veyrier, a déclaré : « Les désaccords les plus profonds doivent pouvoir s’exprimer dans le cadre du débat démocratique et républicain. La violence est toujours signe de faiblesse ».

L’angle d’attaque de Laurent Berger et des autres directions syndicales ayant condamné l’action, outre de mentir ouvertement sur le caractère « violent » de celle-ci, est de tenter de faire passer l’action de la coordination RATP-SNCF comme anti-démocratique. Or, quoi de plus démocratique que cette coordination des grévistes de la base qui se réunit régulièrement pour décider eux-mêmes, sans se laisser imposer par en haut, des dates et des actions pour construire la mobilisation ? C’est ce qu’exprime la coordination dans un communiqué publié ce vendredi soir : « La démocratie, c’est la nôtre, dans nos Assemblées Générales, en manifestation, contre toute concertation, pour obtenir le retrait de la réforme des retraites ». Et en revanche, peut-on qualifier de « démocratique » la manière qu’ont eu, depuis le début du mouvement, les directions syndicales d’aller négocier avec le gouvernement et ce sur le dos des grévistes de la base, en grève reconductible depuis maintenant 44 jours ?

Macron ose se poser en défenseur des syndicalistes !

C’est ensuite au tour des politiques opposés à l’auto-organisation des grévistes et effrayés par ce mouvement de condamner cette « intrusion » soi-disant « violente ». Emmanuel Macron lui-même a condamné l’action « avec la plus grande fermeté », déclarant : « Les violences à l’égard de syndicalistes, quelques soient les confédérations syndicales, sont une honte pour notre démocratie et sont inaceptables ». Un comble pour le président qui a dans son palmarès l’éborgnement et les mutilations de dizaines de Gilets jaunes et le matraquage de grévistes et de syndicalistes ces derniers jours !

Les réactions sont trop nombreuses pour être toutes citées. Cependant, on peut mentionner François Hollande qui a déclaré à l’AFP : « Dans une démocratie, on doit se respecter. On doit respecter les syndicats : qu’ils protestent, qu’ils soient dans la rue ou qu’ils négocient et fassent des compromis ». C’est osé de la part d’un ancien président qui avait réprimé abondamment les quartiers populaires ou encore les manifestations contre la Loi Travail, loi qu’il avait d’ailleurs fait passer à grands coups de 49-3.

Il en va de même pour Macron et tous les membres de son gouvernement, qui osent utiliser l’axe de la « démocratie » pour condamner l’envahissement du siège de la CFDT. Ce même gouvernement qui se dit, là aussi, prêt à utiliser le 49-3 pour faire passer sa réforme des retraites.

Macron et son gouvernement veulent en finir avec ce mouvement social. Édouard Philippe déclarait d’ailleurs que « la grève n’a que trop duré ». Après avoir abondamment réprimé les grévistes et les manifestants et avoir constaté que la matraque ne suffirait pas à faire rentrer les mobilisés dans le rang, ils cherchent tous les moyens pour salir le mouvement.


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