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Répression d'Etat

Espionnage politique en Espagne. Le PSOE héritier des lois franquistes

La révélation de l’espionnage d'indépendantistes catalans et l’implication du PSOE, qui co-gouverne l’État espagnol avec Podemos, a créé une crise politique de l’autre côté des Pyrénées. Une affaire qui illustre surtout l’héritage franquiste des secrets d’État et de la répression policière, avec lequel le gouvernement dit « progressiste » ne souhaite pas rompre.

Ella Dall’erta

5 mai 2022

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Crédit photo : John Thys / AFP

Le 18 avril dernier, l’espionnage de 65 personnes ayant participé au mouvement indépendantiste catalan de 2017 par le logiciel Pegasus était révélé. En effet, le CNI (Centre National de Renseignement) est à l’origine de cet espionnage et est défendu voire revendiqué à demi mot par le gouvernement. Pedro Sanchez, le président du gouvernement, est sorti de son silence mardi sans démentir les écoutes : "Tout ce qui a été fait par le CNI est scrupuleusement et rigoureusement conforme à la loi". Il a ainsi reconnu que les écoutes de 63 appareils avaient été effectuées avec une autorisation judiciaire et que, par conséquent, le gouvernement et les organes de contrôle du CNI étaient au courant de ces opérations.

Cette opération d’espionnage, orchestrée par le gouvernement, a ouvert une crise politique. La coalition gouvernementale tient en effet avec le soutien parlementaire d’Esquerra Republicana de Catalunya (ERC, un parti social-démocrate indépendantiste). Peu après cette révélation, une nouvelle déclaration est venue s’ajouter à cette affaire : Sanchez aurait aussi été espionné, ainsi que Margarita Robles, ministre de la défense. Véridique ou non, cette déclaration va servir de pare-feu pour la défense du Premier ministre par rapport aux écoutes dont il est en partie à l’origine. Cela apporte une confusion politique importante sur tout le dossier, d’autant plus que Robles a annoncé qu’elle savait que Pedro Sánchez et elle-même avaient été mis sur écoute par Pegasus. Quand c’est flou c’est qu’il y a un loup, et le PSOE ne veut absolument pas que le fin mot de l’histoire soit rendu public et refuse d’enquêter publiquement sur l’espionnage massif des partisans de l’indépendance de la Catalogne, malgré le prétendu espionnage des deux membres de son gouvernement.

Cependant, même si une enquête était ouverte, le gouvernement n’aurait pas à s’inquiéter : une loi franquiste sur les secrets officiels garantit l’impunité pour l’espionnage. Cette loi, toujours en vigueur dans ses aspects les plus répressifs et obscurs, a été maintenue essentiellement pour faciliter l’impunité des crimes du franquisme et le contrôle politique des militants de la transition démocratique de 1978. L’abrogation de la loi sur les secrets officiels et la déclassification de tous les documents historiques, est une tâche essentielle pour mettre fin à l’impunité et révéler les crimes du régime de Franco encore protégés aujourd’hui, mais aussi de l’État Espagnol post-franquiste, comme par exemple dans sa répression meurtrière de l’indépendantisme basque par les GAL. Mais ce n’est pas un gouvernement du PSOE, pilier du régime de 1978, qui risque d’y trouver quelque chose à redire.

Bien qu’en 2021, le gouvernement ait annoncé la création d’une commission composée des principaux ministères de l’État, chargée de rédiger un texte législatif qui permettrait d’aligner la loi sur celle des pays voisins et de s’aligner sur les principes des organisations internationales auxquelles elle appartient, l’ensemble du processus est resté bloqué sous prétexte de la grave crise économique et sociale provoquée par la pandémie du Covid-19. Bien qu’il semble qu’il y ait eu des réunions discrètes pour avancer sur une nouvelle loi, celle-ci laisserait hors de son champ d’application la réglementation de la CNI, qui est l’organisme incontournable pour contrôler les affaires de l’État, et même le contrôle des ventes d’armes.

Le manque d’intérêt du gouvernement de Sánchez et de Podemos, surtout de la part du PSOE, pour modifier définitivement cette loi franquiste est évident et vient mettre en lumière le fait que le pseudo-progressisme de la coalition au pouvoir est surtout affaire de slogan de campagne. Il en est de même pour la sortie de Robles lors de la séance de contrôle au Congrès de mercredi dernier, répondant à une députée sur l’affaire : "Que doit faire un État quand quelqu’un viole la Constitution, quand quelqu’un déclare l’indépendance, quand quelqu’un coupe les voies publiques, fait du désordre public ?”.

Ainsi, ce gouvernement de coalition « réformiste et progressiste” n’hésite pas à user des lois franquistes laissée en vigueur pour se protéger et légitimer ainsi le régime en place, régime que Podemos critiquait encore durement il n’y a de ça que quelques années. Il est plus que visible que les promesses de changement de système données par Podemos dans les urnes, à l’instar des autres médiations néo-réformistes comme Syriza, n’étaient que des illusions.

Nos camarades du CRT poursuivent : “la nécessité d’affronter ce gouvernement de “gauche” par une mobilisation indépendante et de construire une autre gauche pour une issue anticapitaliste et de classe devient de plus en plus urgente et impérative”. Pour se faire, ils font émerger trois revendications élémentaires :

1) Formation d’une commission d’enquête indépendante sur les actions de l’État, afin de déterminer les faits et de faire juger et punir les personnes matériellement et politiquement responsables de l’espionnage ;

2) Dissolution du CNI, abrogation de la loi franquiste sur les secrets officiels et déclassification de toutes les archives secrètes aux mains de l’État et de ses services de renseignement ;

3) L’arrêt de toutes les persécutions politiques et la libération des prisonniers politiques qui sont encore en prison à la suite des procès et de toutes les luttes sociales et citoyennes.


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