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A l’avant-veille du premier tour

Etat d’urgence, sondages, régionales. Hollande tire son épingle du jeu ?

Jean-Patrick Clech Elle se frotte les mains. A l’avant-veille du premier tour des régionales, l’amer Le Pen, comme l’appellent certains, se voit déjà à la tête de deux, voire trois régions. Tout cela reste à vérifier. Néanmoins, dans les salons de l’Elysée, il y en a un autre qui se réjouit. Depuis les attentats, en effet, François Hollande caracole en tête dans les sondages. En quelques semaines, il a pris 20 points de popularité, bien plus qu’après Charlie. Tout semble réussir à l’exécutif : Valls envisage de prolonger et de durcir l’état d’urgence, la répression qui s’est abattue sur les manifestants du dimanche 29 semble recueillir un certain consensus, peu de voix discordantes s’élèvent. Est-ce suffisant pour que cela se traduise lors des régionales ? Sans doute pas. Hollande joue-t-il un coup d billard à trois bandes, sur le long terme ? Sans doute.

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Côté politique, Hollande joue la partition gaullienne de la V° République ayant pour essence d‘isoler tout autant l’extrême gauche que l’extrême droite au profit du bipartisme.

Côté extrême gauche, le tir de sommation de dimanche était clair : 317 garde-à-vue, une répression savamment orchestrée et planifiée, accompagnée d’un discours médiatique préparé à l’avance à propos de la « profanation de la mémoire des victimes ». En plus de frapper fort les (rares) organisations politiques d’extrême gauche (dont le NPA) ayant choisi de maintenir la manifestation, l’ensemble de l’opération, bien huilée, visait à étouffer dans l’œuf ce qui aurait pu être le début d’une contestation des mesures d’exception regroupant au-delà du milieu traditionnel de organisations habituelles « anarcho-gauchistes ». Pour ce qui est de la séquence immédiate, le gouvernement semble avoir clôt ce volet, même si le mécontentement contre la prolongation de l’état d’urgence croît au sein de la « gauche de la gauche » et que les mesures prises dimanche passent mal dans certains secteurs. Il suffit de songer à ces établissements, collèges ou lycées de région parisienne, qui ont débrayé ou se sont prononcés en AG pour la libération de leurs collègues. 

Côté extrême droite, la tâche est plus ardue. PS et Républicains ont pourtant sorti l’artillerie lourde. D’un côté, c’est la presse qui mène campagne, avec à la fois la presse nationale (Libération, notamment) mais surtout régionale (La Voix du Nord, pourtant moins marquée que le journal de Joffrin). Par ailleurs, et c’est certainement encore plus important, c’est le Medef en personne qui descend dans l’arène. Alors bien sûr, Pierre Gattaz, qui n’est jamais avare de raccourcis réactionnaires (comparant le programme du FN à celui de l’Union de la gauche en 1981), charge la barque et tente de ramener la couverture à lui. Le message n’en est pas moins clair : haro sur le Front, véritable danger pour le patronat.

Au jour d’aujourd’hui, en dépit des reculades, des rectifications dans son discours ou des non-dits, que ce soit sur l’euro ou la retraite à 60 ans, le FN n’est pas l’instrument privilégié par le patronat pour conduire la politique qu’il souhaite. La question de l’euro continue en effet à être un obstacle fondamental à ce qu’une fraction significative du patronat, hors Frédéric Beigbeder et quelques autres histrions, prennent fait et cause pour le Pen tante et nièce. Reste, néanmoins, que « l’extrême centre », à savoir l’UMPS ou, ce qui est aujourd’hui le tandem PS-LR, est bien incapable de représenter des médiations adéquates aux nécessités du grand capital hexagonal en termes de « réformes » et d’attaques.

Dans ce cadre, Hollande privilégie plusieurs options, en fonction du calendrier bien précis qui est le sien et sur lequel la date des élections de 2017 est entourée en rouge.

A court terme, Hollande sait que le PS ne va pas capitaliser le soutien dont, lui, jouit. Dans ce cadre, il semble préférer un coup de tonnerre médiatique au profit du FN (en passe de remporter deux, voire trois régions) qui occulterait les scores des Républicains et détournerait l’attention de la Bérézina qui guette le PS. Hollande, ici, pratique un mitterrandisme encore plus pervers : non pas en jouant un FN-épouvantail pour faire peser sur la droite le discrédit, mais un FN-paravent, de façon à occulter ses propres faiblesses. 

A moyen terme, ce que vise Hollande, c’est de tirer le plus profit de la carte du renforceùent légitimiste quasi automatique dont bénéficie le pouvoir dans les cas exceptionnels. C’est ainsi que Hollande essaye de suivre la route tracée par de Gaulle et de se poser en « président-sauveur », y compris en raidissant plus encore le cadre de l’état d’urgence, à travers sa prolongation jusqu’en juillet (au bas mot). « Faute de politique » (à savoir de capacité à convaincre durablement sa base sociale ainsi que le patronat qu’il est l’homme de la situation), Hollande souhaiterait donc en suspendre le temps au profit de la gestion autoritaire et administrative d’une situation présentée comme exceptionnelle, dans laquelle le pays serait en péril.

Accessoirement, dans l’immédiat, et ce dans son propre camp, l’opération réussit pour l’instant à créer un rassemblement autour de sa personne. Exit, donc, les frondeurs, à l’exception de quelques uns, dont Pouria Amirshahi ou Pascal Cherki. Plus de nouvelles des frondeurs, donc, qui sont devenus de bons petits soldats de l’union sacrée. Martine Aubry, de son côté, est prête à accepter le travail du dimanche. Gérard Filoche, pourtant dissident permanent, est passé à la défense permanente de l’état d’urgence, appellant à faire bloc derrière le PS. On voit tendanciellement la même situation côté PCF, PG et les différentes variantes du Front de gauche, sans même parler des écolos de système, en l’occurrence la direction de EELV. Il suffit de voir leur réaction unanime à la suite des arrestations arbitraires de dimanche, Place de la République, à Paris : tous ont hurlé avec les loups.

Restent plusieurs écueils, néanmoins. Le système V° républicains possède ces vertus d’écarter sur sa droite et sur sa gauche toute tendance centripète. Il a néanmoins été conçu hors contexte de crise économique catastrophique et, dans l’Hexagone, la situation est très mauvaise. Au niveau extérieur, en dépit de « l’entrée en guerre » de la Grande-Bretagne, on voit la difficulté qu’à Hollande à maintenir sur pied une « grande coalition [cohérente] contre Daech ».

En termes de base sociale, tout ceci est encore plus bancal qu’il ne pourrait le sembler. Tout d’abord, sans être vent debout, la jeunesse loin d’être embrigadée derrière l’unanimisme autoritaire et militariste, affichant le drapeau tricolore sur son profil facebook. Sans s’opposer, le monde du travail est loin de donner des signes de confiance absolue à un exécutif alors que la situation sociale continue à empirer. D’où la nécessité de continuer à défendre la perspective du front le plus large possible contre la dérive autoritaire d’un gouvernement de plus en plus bonapartiste, liant question sociale, et les questions sécuritaires, austéritaires et de politique étrangère ultra-agressive. De notre côté, nous le ferons en appelant à voter pour les listes de Lutte Ouvrière, qui sont les seules à représenter une indépendance de classe lors du prochain scrutin. Mais, heureusement, l’histoire ne finit pas le 6 ou le 13 décembre. 


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