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Tournant droitier

État espagnol : la droite profite à fond du désenchantement vis-à-vis de la gauche au pouvoir

Les résultats des élections municipales et de la douzaine d'élections régionales du 28 mai marquent un tournant à droite dans l'Etat Espagnol. Le Parti Populaire gouvernera 4 des 5 grandes mairies, toutes les capitales andalouses et les gouvernements de la Communauté Valencienne, d'Aragon, de La Rioja, des Baléares, de Cantabrie et d’Estrémadure.

Sergio Linares

29 mai 2023

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État espagnol : la droite profite à fond du désenchantement vis-à-vis de la gauche au pouvoir

Crédit photo : European Parliament - Creative commons

Nous publions cette traduction d’un article sur les résultats des élections municipales et régionales en Espagne. Suite à ces résultats, le premier ministre Pedro Sanchez a annoncé la convocation d’élections législatives anticipées qui auront lieu en juillet.

Les résultats des élections municipales et de la douzaine d’élections régionales du 28 mai marquent un tournant à droite et une augmentation de l’abstention en Catalogne et dans les grandes villes comme Madrid. L’idée que lorsque le « progressisme » au pouvoir applique des politiques de droite, c’est la droite qui se renforce, s’est confirmée avec la perte de nombreux conseils municipaux et gouvernements régionaux.

Le PP renforce son pouvoir municipal avec l’aide de Vox

Le Parti populaire (PP) conserve son principal point d’appui, Madrid, où il obtient la majorité absolue. Il récupère Séville et Valence, l’un de ses fiefs historiques, et conserve Saragosse, où il avait déjà conclu un accord avec l’extrême droite. Quatre des cinq grandes capitales restent aux mains du parti d’Alberto Núñez Feijóo.

Le PP a également réussi à arracher au parti socialiste (PSOE) des municipalités comme Valladolid et gouvernera toutes les grandes villes andalouses, à l’exception de Cadix. Mais dans la plupart des cas, le soutien du parti d’extrême droite Vox sera essentiel. Celui-ci a par ailleurs déjà annoncé qu’il exigerait de faire partie des gouvernements municipaux et régionaux dans lesquels ses votes seraient décisifs pour que le PP puisse obtenir la victoire, suivant l’exemple du gouvernement de Castilla y León.

Vox cherche ainsi à arriver aux élections législatives avec une forte présence institutionnelle et préparer le terrain pour une éventuelle entrée au gouvernement central. Le grand perdant à droite reste Ciudadanos, qui a été exclu de pratiquement tous les conseils municipaux et parlements régionaux dans lesquels il était en lice. Le parti de l’IBEX35 [équivalent du CAC40 dans l’Etat Espagnol] et de l’anti-catalanisme forcené a aujourd’hui signé son arrêt de mort.

La gauche néo-réformiste perd ses principales positions

Il n’y a qu’à Barcelone que le PSOE a remporté une victoire exceptionnelle. Le Parti Socialiste de Catalogne est parvenu à dépasser la liste d’Ada Colau à Barcelone, même si la droite reste la force politique ayant reçu le plus de votes. Une victoire pour Pedro Sánchez qui passe par l’affaiblissement de son alliée et rivale Yolanda Díaz de Sumar, qui avait soutenu Colau afin de préparer sa candidature pour les élections législatives.

Barcelone était, avec Cadix, la seule mairie qui avait été conservée depuis 2019. Cette autre mairie, aux mains de Kichi González de Anticapitalistas et Adelante Andalucía, passe aux mains du PP après que le parti de Kichi ait perdu la moitié de ses conseillers.

Dans le même temps, Podemos est au bord de la déroute, et perd toute représentation dans des communautés telles que Madrid ou la Communauté valencienne, et dans des dizaines de conseils municipaux, y compris celui de la capitale. Cette crise est le résultat de sa subordination au PSOE et de la lutte artificielle (sans véritables différences de programme) que l’organisation mène contre Sumar.

Un pouvoir régional teinté de bleu

Au niveau régional, le PP a reculé uniquement dans deux régions sur les douze où se sont déroulées les élections. La journée se termine par le maintien de la Communauté de Madrid, où Ayuso obtiendrait la majorité absolue. Le PP conserve également Murcie et arrache au PSOE et aux différentes coalitions de la gauche néo-réformiste qui lui ont apporté leur soutien, la Comunidad Valenciana, l’Aragon, les Baléares, la Cantabrie, l’Estrémadure et La Rioja. Dans tous ces cas, il dépendra de Vox, comme en Castille et Léon.

Le PSOE ne conserverait que les Asturies, la Castille-La Manche, les Canaries et la Navarre. Cela signifie que la droite gouvernerait 8 des 15 communautés, plus les enclaves coloniales de Ceuta et Melilla.

La gauche indépendantiste : entre la montée des Basques et des Galiciens et la crise de la CUP

Le groupe basque EH Bildu obtiendrait de bons résultats tant en Navarre - où il pourrait rééditer ses accords avec le PSOE pour gouverner - que dans plusieurs villes basques. Le BNG (Bloc national Galicien) a également obtenu de bons résultats dans plusieurs municipalités galiciennes.

La CUP [indépendantistes catalans] a pour sa part connu un recul significatif. Non seulement elle n’est pas parvenue à faire une percée à Barcelone, mais ses deux expériences de gouvernement de coalition ont eu des conséquences désastreuses. À Sant Cugat, la CUP a perdu la moitié de ses représentants et ses partenaires du PSC et de l’ERC ont également perdu du terrain, ce qui a rendu impossible le rétablissement de la coalition. À Tarragone, où ils ont gouverné avec l’ERC et JxCat, ils ont perdu le seul conseiller qu’ils avaient et le PSC gouvernera à nouveau.

On ne peut pas combattre la vraie droite avec une fausse gauche

S’il y a une chose que ce 28M montre, c’est que ceux qui voulaient se présenter comme la digue contre la droite ont fini par lui dérouler le tapis rouge. Lorsque le « progressisme » au pouvoir applique les grandes lignes du consensus de « l’extrême centre » en matière de politique économique, sociale, de logement, de services publics ou de sécurité, ce n’est pas ce « progressisme » qui se renforce mais la droite et l’extrême droite qui avancent, sans entrave, sur le terrain qui leur est le plus confortable.

Il n’est pas possible d’affronter la droite amie du patronat en se vantant d’avoir réussi à maintenir Barcelone comme lieu d’accueil des méga-événements capitalistes, comme l’a fait Colau à Barcelone. Il n’est pas possible d’affronter l’aile droite de Jusapol en promettant plus de policiers, comme l’a fait Rita Maestre à Madrid. On ne peut pas lutter contre la Desokupa de droite en expulsant des centres sociaux à Barcelone ou en les qualifiant d’illégaux comme le fait Más Madrid.
La progression inquiétante de la droite et de l’extrême droite, qui feront probablement partie de nombreux gouvernements dans les semaines à venir, ne pourra s’affronter main dans la main avec cette gauche incapable de s’attaquer aux grands problèmes sociaux. La classe ouvrière et la jeunesse ont devant elles le défi de construire une alternative politique de classe, anticapitaliste et socialiste, capable de lutter contre les politiques de droite, quels que soient ceux qui les appliquent.


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