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Trahison

Etats-Unis. Comment le « squad » et AOC ont aidé Joe Biden à casser la grève des cheminots

Joe Biden s’est appuyé sur le Congrès ce lundi pour casser une grève des cheminots qui devait avoir lieu en ce mois de décembre. A gauche, le « squad » et Alexandria Ocasio-Cortez, ont beau avoir critiqué l’accord, ils l’ont aussi voté.

Julian Vile

9 décembre 2022

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Crédits photo : BRENDAN SMIALOWSKI/AFP

Elu.e.s dans la foulée de l’engouement pour la campagne aux primaires de Bernie Sanders en 2016, les membres du « squad », l’aile supposée progressiste du parti démocrate, avaient fait de leurs chevaux de bataille des réformes telles que le « medicare for all » ou le salaire minimum à $15 de l’heure. Derrière les messages radicaux et la volonté de se présenter comme une gauche de rupture, Alexandria Ocasio-Cortez, Ayanna Presley, Cori Bush et leurs collègues ont mené une toute autre politique, jusqu’à devenir des briseurs de grève aux ordres du patronat.

Une trahison massive de plus de 115 000 cheminots

Craignant de lourdes perturbations logistiques à la veille des fêtes, Joe Biden en personne avait appelé le congrès à agir pour empêcher la grève du rail annoncée par les syndicats. Le mouvement de grève visait à l’amélioration des conditions de travail, atrocement dégradées au cours de ces quinze dernières années.

Le point central des revendications était la ratification de quatorze jours d’arrêt maladie payés par an, les cheminots américains ne disposaient avant les négociations d’aucun jour de congé maladie tout en étant soumis à un rythme de travail brutal. Récemment, un cheminot à la retraite écrivait :

« Les chemins de fer de fret fonctionnent 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et 365 jours par an. Presque tous les employés des trains peuvent être mobilisés avec seulement 2 heures ou moins de préavis avant de se rendre au travail, sans compter le temps de déplacement. Avec les coupures massives de personnel récentes, tout le monde doit vivre près de son téléphone. Il n’est pas rare que les employés de certains chemins de fer travaillent 3 semaines ou plus sans aucun temps de repos réel autre que les périodes de repos prescrites par le gouvernement fédéral entre les quarts de travail (dont la majorité servent uniquement à dormir). De nombreux employés ont fait l’objet de sanctions disciplinaires, c’est-à-dire de suspensions sans salaire. Dans certains cas, on leur a même refusé la possibilité d’assister à des funérailles familiales sous la menace d’une suspension et/ou d’un licenciement. C’est pourquoi les employés se battent cette fois-ci. Trop, c’est trop ».

En juin dernier, un cheminot de 51 ans est mort sur son lieu de travail après avoir été forcé de repousser un rendez-vous chez son médecin.

Les démocrates progressistes forcent les cheminots à retourner au travail

Tout porterait à croire que ce type de mobilisation verrait un soutien sans faille du « squad », l’aile gauche du parti démocrate. Cependant, tous.tes sauf une ont voté oui à la mesure forçant une convention collective en faveur du patronat et interdisant la grève de facto. Certains comme AOC ont tenté de se couvrir en votant une seconde mesure à la chambre des représentants qui aurait inclus sept jours de congés maladie (deux fois moins que les demandes des syndicats) tout en sachant pertinemment que la mesure serait rejetée une fois arrivée au sénat, ce qui fut le cas dès le lendemain.

Le Washington Post lui-même a relevé à quel point l’action du congrès pour briser la grève a marqué une rare cohésion entre les rangs démocrates et républicains. Cette unité face aux grévistes a donc été pleinement embrassée par le « squad » qui malgré ses justifications plaintives, n’a rien fait pour acter son soutien aux cheminots en dehors de quelques vagues déclarations de soutien pour protéger leur crédibilité.

Cette dernière trahison en date de ces prétendus soutiens des travailleurs ne devrait pourtant étonner personne. En dehors de postures ponctuelles en faveur de mesures progressistes, le « squad » est un cas d’école de la décomposition d’une stratégie d’opposition interne au Parti Démocrate. Nombres d’échéances politiques phares qui auraient donné au caucus progressiste l’occasion de se démarquer de la ligne impérialiste et néolibérale du parti démocrate ont vu les députés se soumettre à leur hiérarchie tout en gesticulant des excuses pour rassurer leur base dont ils s’éloignent un peu plus chaque jour.

Que ce soit l’abstention d’AOC au vote pour financer encore davantage les infrastructures militaires israéliennes, l’abandon de leur mesure phare du « medicare for all » qui constituait pourtant la clé de voûte de la campagne Sanders ou leur soutien indéfectible aux budgets impérialistes ayant fait suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, il est clair que le « squad » est devenue ce que toute force progressiste ayant pour illusion de noyauter la machine politique américaine est vouée à devenir : une simple caution de gauche pour tenir en respect les protestations de l’électorat Sanders.

Les votes successifs des mesures et budgets impérialistes, leur attrition de façade aux conséquences de leurs propres votes et ce dernier épisode en date de trahison des travailleurs du rail devrait achever de montrer les limites de l’expérience avortée qu’a voulu être le « Squad ». Alors que la formation jouit d’un soft power à l’étranger à travers des portraits dithyrambiques dans la presse de gauche, cette nouvelle trahison rappelle son rôle réel dans la machine politique américaine. Le rôle d’une couverture sur sa gauche d’un parti démocrate prêt à tout pour préserver les intérêts du patronat.


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