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États-Unis et Iran, un pas de plus vers la guerre ?

La décision de Donald Trump de se retirer de l’accord nucléaire avec l’Iran était peu être l’acte le plus prévisible de sa présidence étonnante. Le timing est lié à la situation extérieure : il semble que ce soit la Russie et l’Iran qui vont dicter les termes de l’après guerre en Syrie.

14 mai 2018

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Sur le plan intérieur, l’arrivée à la Maison Blanche de Mike Pompeo et John Bolton, deux personnages violemment anti-iraniens a accéléré ce retournement vers une politique extérieure plus agressive - tant pour les ennemis que pour les alliés - en accord avec la devise « America first » qui est devenue le mantra de l’administration Trump.

Pour les EUA, claquer la porte du « plan d’action conjoint » (nom formel de l’accord nucléaire avec l’Iran, connu aussi comme P5+1) permet de revendiquer l’unilatéralisme, d’exhiber un impérialisme plus qu’explicite, sans se cacher derrière un prétendu but humanitaire et sans rechercher une supposée légalité internationale. Ce n’est pas une réponse à une quelconque violation des engagements pris par l’Iran. C’est plus que cela, selon les signataires de l’accord et l’agence internationale de l’Energie Atomique, l’organisme chargé de superviser le geL du programme nucléaire iranien.

Dans son discours, Trump n’a même pas cherché à donner une justification acceptable aux autres puissances signataires. Sa justification a été de dire qu’il abandonnait cet accord « horrible », « ridicule », « ruineux », premièrement parce qu’il ne correspondait pas aux intérêts impériaux des USA et deuxièmement parce qu’il ne correspondait pas non plus à ceux de ses alliés régionaux : Israël et l’Arabie Saoudite.

Le président nord-américain a accusé Téhéran de promouvoir le terrorisme. Il l’a fait avec si peu de rigueur que, dans la liste des ennemis sponsorisés par l’Iran, il a mentionné Al Qaeda et les talibans, c’est à dire les ennemis sunnites principaux du régime chiite iranien. Il a aussi dénoncé les « activités malignes et sinistres » dans la région, en faisant allusion à la participation de l’Iran dans la guerre civile au Yémen.

Comme preuve de ses affirmations, Trump a montré un power-point de mauvaise qualité fabriqué par les services secrets israélien, un document qu’a utilisé Benjamin Netanyahou il y a quelques jours pour démontrer que « l’Iran ment ». Impossible de ne pas comparer ce show avec celui qu’avait joué, sans même rougir, Colin Powell lorsqu’il avait exhibé des images truquées d’armes de destruction massive qu’était censé posséder Saddam Hussein. C’était il y a 15 ans et ce fut le prétexte, le casus belli, de l’invasion de l’Irak. Pour autant, comme nous allons le voir, cela ne signifie pas que la stratégie de Trump soit de se lancer dans une guerre avec l’Iran.

Trump a de nouveau humilié ses alliés européens. Le "groupe des trois M" - Merkel, May et Macro n-, a assumé la tâche délicate de sauver l’accord, en essayant que l’Iran accepte de faire des concessions importantes pour calmer Trump. Ainsi Macron et à Merkel sont allés a Washington afin de le persuader. Même Theresa May, la première ministre britannique, conservatrice, de la même couleur que Trump, a essayé. Mais ce travail de lobbying n’a pas marché. Et, un par un, le magnat new-yorkais les a dédaignés.

Ce nouvel affront contre l’occident s’ajoute au retrait des USA des accords de Paris et à l’imposition des tarifs sur l’acier et l’aluminium.
L’Europe est restée sur la défensive et tente de protéger ses intérêts. Ils sont économiques, puisqu’une grande partie des entreprises qui ont établies des relations commerciales avec l’Iran sont européennes. mais aussi politiques puisque des nouvelles guerres dans le Moyen-Orient amèneraient avec elles de nouvelles vagues de réfugiés et possiblement aussi, la menace de nouveaux attentats comme ceux qui ont eut lieu à Paris, Berlin, Londres et en Belgique.

Jusqu’à maintenant, ces pays font comme si ils allaient pouvoir maintenir l’accord, trouver un moyen d’empêcher que leurs entreprises ne souffrent des sanctions secondaires que les USA vont imposer à toute entreprise qui a des relations commerciales avec l’Iran. Cependant ce plan paraît peu crédible, et le plus probable c’est que, en plus de la crise que traverse l’alliance transatlantique, apparaisse également au grand jour l’impuissance européenne à influer de manière décisive sur la politique mondiale.

Mais c’est au Moyen-Orient, et en particulier en Syrie, que ce changement de politique nord-américaine risque potentiellement de provoquer une escalade belliqueuse.

Le renforcement régional de l’Iran a été le résultat non voulu de la politique des USA, qui, avec la guerre en Irak et le renversement du régime de Saddam Hussein, a permis a la majorité chiite alliée à l’Iran d’accéder au pouvoir. Avec cette position, Téhéran a a cherché a construire un bouclier défensif régional - « l’axe de la résistance » comme il l’appelle - qui va du Liban au Yémen, et dans lequel la Syrie a un rôle stratégique fondamental afin de contrer l’hostilité de l’Arabie Saoudite et d’Israël, les deux principaux alliés des USA dans la région.

Tenir l’Iran en échec est un problème stratégique de premier ordre pour les États Unis (et ses alliés régionaux, en particulier Israël, l’Arabie Saoudite et les monarchies du golfe) depuis la révolution de 1979.

Pendant les présidences de Barack Obama, les États-Unis ont imposé un système de sanctions économiques multilatérales très fortes contre l’Iran, auxquelles ont participé les puissances européennes afin de l’obliger à arrêter son programme nucléaire. Cependant, l’émergence de l’État islamique qui, en 2014, a établi son califat sur un territoire qui comprend des parties de la Syrie et de l’Irak a changé les priorités des USA, qui ; en raison des défaites des guerres en Irak et en Afghanistan et de la désastreuse intervention en Lybie, n’étaient pas en mesure de lancer une nouvelle guerre au Moyen-Orient. Du point de vue impérialiste il fallait la collaboration de l’Iran pour combatte l’État Islamique (un ennemi des deux) et stabiliser de nouveau la région.

C’est dans ce contexte qu’a été signé l’accord sur le nucléaire avec l’Iran en 2015, impulsé par Obama et garanti par les quatre autres membres permanent du Conseil de Sécurité des nations Unies (France, Royaume-Uni, Russie et Chine) et Allemagne. Cet accord a été un changement géopolitique de grande ampleur ; qui a été critiqué avec force par le régime saoudien et Israel, et au États-Unis par la majorité du parti républicain.

L’échec de l’Etat Islamique a changé radicalement le scénario et les priorités des USA, qui essaient maintenant d’éviter que ce soit la Russie, l’Iran et en moindre mesure la Turquie (qui s’est raccroché tardivement au wagon des vainqueurs) qui dictent les règles de la fin de la guerre en Syrie.

Selon Trump, Obama a négocié en étant dans une position de faiblesse auto-infligé et a fait des concessions trop généreuses au régime iranien. En peu de mots, les sanctions ont suffit à asseoir ce dernier à la table des négociations mais jamais à le mettre à genoux. Sa stratégie est de redoubler la pression, avec l’étouffement économique et la menace militaire, pour extraire les meilleures concessions possibles.

Devant la situation critique interne des deux fractions du régime des ayatollahs - les réformistes du président H. Rohani et l’aile dure de l’ex-président M Ahmadinejad et le clergé plus conservateur - qui furent de manière égale la cible des protestations populaires de décembre et janvier, le pari de Trump est qu’ils préféreront survivre plutôt que de s’immoler. De plus, Netanyahu cultive patiemment une relation avec la Russie, qui, s’il maintient pour l’instant son alliance avec l’Iran, a des intérêts communs à maintenir à distance les États Unis bien qu’ils divergent sur le futur de la Syrie et du régime de Al-Assad.

Le retrait des USA de l’accord nucléaire n’est pas par lui même une déclaration de guerre, mais peut être qu’il pourrait l’être. Ou, au minimum, pourrait-il mener à une escalade qui se terminerait en guerre entre les deux principaux belligérants, l’Iran et Israël. Une guerre régionale par sa forme mais internationale de par son contenu.
Un aperçu de cela est ce que l’on est entrain de voir en Syrie, où Israel vient de lancer une attaque massive contre la population iranienne depuis les hauteurs du Golan, le territoire syrien occupé depuis la Guerre des 7 jours, tout en continuant de massacrer le peuple palestinien sous le regard complice de l’Occident.


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