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Université Paris Diderot

Etudiante infirmière, « ma collègue a reçu 422 euros pour 172 heures en renfort dans un hôpital »

Inas Sharafli est étudiante en deuxième année de soins infirmiers à l'IFSI Saint-Louis, rattaché à l'Université Paris Diderot. Elle s’est portée volontaire en renfort d'un centre pour adultes handicapés pendant la pandémie. Il y a quelques jours elle a dénoncé sur twitter le fait que certaines de ses collègues étudiantes aient été payées seulement 422 euros pour 172 heures de travail réalisé. Nous l’avons interviewé.

4 mai 2020

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Crédits : AFP

RP : Comment en es-tu arrivée à être réquisitionnée ?

Le confinement est arrivé juste après mon stage donc dans mon école on nous a proposé si on voulait être en renfort dans les hôpitaux sur la base du volontariat. Comme le stage était terminé on avait pas l’obligation de se proposer mais moi j’ai décidé quand même de me proposer.

RP : Sur RP nous avons recueillis des témoignages d’étudiants infirmiers et de médecine qui racontaient qu’on les payait 1 euro l’heure, travaillant 60 heures hebdomadaires. Ils dénonçaient le fait qu’ils ne recevraient surement pas la prime annoncée par le gouvernement. Tu pourrais nous raconter un peu comment cela se passe, où tu travailles, les difficultés, combien d’heures tu travailles et combien on te paye l’heure ?

Personnellement j’ai fait quelques nuits de réquisition avec mon école pour que ça ne m’enlève quelques jours de stage. Sinon comme je sais que l’organisation de l’APHP et de la région île de France n’est pas toujours au top, j’ai décidé de faire du renfort en tant qu’aide soignante dans un centre pour adultes handicapés. Donc je faisais des nuits de 10h et j’étais payée comme une aide soignante normale en ce qui concerne les nuits. De base on nous disait que ce serait comptabilisé et payé comme un stage normal en fait sauf qu’après on a pu comprendre qu’ils allaient revaloriser les indemnités de stage pour qu’on puisse être payé au SMIC, ce qu’a confirmé mon école. Donc le problème c’est que là aussi au moment de recevoir l’argent tout le monde n’a pas reçu la même chose. C’est le cas de ma collègue.

RP : Oui, nous avons vu ton tweet dans lequel tu dénonces le fait qu’une camarade de ta promo a été sous payée, est-ce que tu pourrais nous raconter ?

Ma collègue a reçu 422 euros alors qu’elle avait travaillé 172h. Une autre de mes collègues a reçu la même somme pour un nombre d’heures qui est beaucoup moins important, donc c’était un peu l’incompréhension. Par rapport à ça, ma collègue a essayé de constituer un dossier avec la fédération nationale des étudiants en soins infirmiers pour faire remonter l’information à l’agence régionale de la santé et avoir plus d’informations.

RP : Nous avons tous vu des soignants qui se plaignent de ne pas avoir les protections nécessaires ou de mauvaise qualité. As-tu le matériel nécessaire pour te protéger ?

Il faut savoir qu’en fonction du lieu on était plus ou moins protégés. Dans le centre des adultes handicapés dans lequel je travaillais on était très mal protégés, parfois on avait un masque chirurgicale pour toute la nuit, parfois je réussissais à avoir des masques fpp2 que je prenais des hôpitaux de Paris que je ramenais avec moi pour travailler dans le foyer mais c’est vrai qu’on n’était pas très bien protégés. Parfois on n’avait même pas de charlottes, je prenais des sur-chaussures pour protéger mes cheveux et des sur-blouses.

RP : Avec des années de casse de l’hôpital public par les gouvernements, il manque de moyens pour faire face à cette crise sanitaire. Quelle est ta perception de la situation à l’hôpital public ?

Pendant nos études on nous apprend comment se déroule une épidémie, comment la gérer mais le problème c’est que dans l’hôpital public personne n’était préparé tout simplement. La situation elle a mal été préparé malgré les efforts de tout le monde. On manquait de moyens pour répondre à cette situation exceptionnelle, on l’avait vu avec le personnel hospitalier qui sortait dans la rue pour réclamer plus de moyens...

RP : Comment te sens-tu émotionnellement et physiquement ?

Physiquement je vais bien car j’ai décidé de prendre une pause car je commençais vraiment à fatiguer. Émotionnellement, je vais mieux aussi et à la fin des dernières semaines de travail j’étais très fatiguée psychologiquement car tout simplement je faisais beaucoup d’heures et ce n’était pas facile.

RP : Nous avons vu passer un mail de la direction de l’Université de Paris par rapport aux partiels, pourrais-tu nous raconter ce qu’il disait ?

Nous on n’a pas reçu de mail spécifique, on avait reçu un mail qui disait qu’on passerait nos partiels en présentiel, ce que je ne trouve pas normal du fait qu’il y a une partie de la promo qui était en contact avec le virus et qui le sera encore à ce moment-là. Une partie de ma promo qui peut être entourée par des personnes à risque. Donc l’école elle-même ne sait pas comment ça se passe, l’école (rattachée a l’université de Paris) nous dit qu’elle attend aussi des informations de la part de l’université mais qu’elle ne répond pas. On ne sait pas encore comme ça va se passer.

RP : Comment vois-tu le fait de devoir passer des partiels ? N’est-il pas injuste que toi qui était réquisitionnée te retrouve à devoir passer des partiels ? Te sens-tu en capacité de les passer ?

Ce n’est pas évident en fait parce que tout simplement avec le nombre d’heures de travail effectuées on n’a tout simplement pas le temps de réviser correctement nos cours. Il y a aussi il faut le savoir dans les écoles infirmières beaucoup de reconversions professionnelles, c’est-à-dire des aides soignantes qui ont décidé de devenir infirmières. Celles-la ont été réquisitionnées immédiatement et automatiquement par l’hôpital, donc elles n’ont pas le choix. Elles se retrouvent à faire un nombre d’heures énorme. Déjà que pour la plupart d’entre elles reprendre l’école n’est pas évident, mais reprendre l’école à partir d’un certain âge en période de confinement, avec des horaires de travail qui sont incroyables, la famille à gérer à la maison et les cours à réviser à côté...

RP : Qu’est-ce qui t’as motivée à aller travailler en tant que renfort ?

Tout simplement ma conscience, je ne pouvais pas rester chez moi sachant que je pouvais aller aider des gens donc quand on nous a demandé si on était volontaire pour moi c’était logique d’aller aider. Bien sûr j’avais peur de mettre en danger mes études, tout simplement par rapport aux horaires car on n’a plus le même rythme de vie, la même liberté et clarté pour pouvoir réviser vu qu’on est fatigués. Moi je sais que je travaillais de nuit donc j’étais complètement décalée et après quand je me réveillais je n’avais pas l’énergie pour travailler mes cours. J’ai commencé à me mettre aux révisions que maintenant depuis que j’ai arrêté.

RP : Pensais-tu que ta faculté allait aménager les partiels pour les étudiants ayant aidé face à cette crise ?

Oui je pensais la fac allait aménager les partiels pour les étudiants pendant cette crise. Pour l’instant on n’a pas eu de retour par rapport à cela. On ne sait même pas s’ils vont le faire ou pas, mais s’ils n’aménagent pas ils vont faire face à un pourcentage d’échec important, qui va être énorme par rapport à d’habitude.

RP : Le hashtag HonteUnivParis est devenu une tendance sur twitter pour exiger la validation du semestre, c’est ce que l’on défend avec les étudiants du NPA Révolution Permanentes, tu en penses quoi ?

Je ne sais pas vraiment car il y a une partie théorique très importante donc je ne sais pas si c’est une bonne idée de valider tout un semestre qu’avec de la pratique, mais je comprends et soutiens la démarche.

Propos recueillis par Lamaga Nedme


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