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Europe forteresse

Européennes : comment la classe politique veut imposer l’immigration au centre des débats

Les Européennes qui arrivent, dans la situation de crise globale que connaît le pouvoir macronien depuis novembre, présentent pour plusieurs « prétendants » un enjeu politique fort. Le dernier grand débat des européennes diffusé par Cnews a illustré de manière criante la façon dont les classes dominantes comptent imposer l’immigration comme question centrale pour tenter de rejouer le second tour de la présidentielle.

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L’immigration, un match programmé Macron / Le Pen

Dès novembre dernier, Macron a balisé le terrain où vont se jouer les Européennes : le camp des progressistes – le sien – contre celui des nationalismes. Il pouvait s’offrir ainsi des conditions favorables, en ciblant l’extrême droite pour en faire son adversaire privilégié, celui qui pouvait lui offrir l’élection dans un fauteuil. L’épouvantail raciste apparait en effet comme le meilleur moyen de renforcer la bourgeoisie qui fait des manières mais, dans les faits, pratique déjà une politique de persécution et de répression des « migrants ». Marine Le Pen, qui s’est bien évidemment reconnue tout de suite, a saisi la balle au bond, radotant une fois de plus sur la « question de l’immigration », son véritable fonds de commerce – comparant, dimanche dernier, les immigrés aux éoliennes, « que l’on apprécie quand elles sont loin de soi », elle montre avec brio qu’aujourd’hui en France, on peut faire de la politique en faisant joujou avec ses excréments.

Mais ça fait des années, maintenant, qu’en Europe on parle d’immigration. Des années qu’on en pose le « problème » et qu’on instrumentalise une réalité humaine et politique tout entière impliquée dans le long XXème siècle et les rapports de force internationaux, entre colonisation, décolonisation, Françafrique et guerres de la bourgeoisie impérialiste. Des années que les médias construisent une figure – « le migrant » – pour l’articuler à des fantasmes tous issus de l’idéologie de l’extrême droite : le « grand remplacement » ou l’identité hallucinée des « français de souche ». Des années que les discours politiques, les législations européennes, les médias, les partis d’extrême droite recouvrent la réalité dont des milliers d’hommes et de femmes font l’épreuve à nos frontières, des années que des milliers meurent dans le silence et l’anonymat pour avoir voulu passer la frontière de l’UE, ce « projet de paix » des pères fondateurs, des années que la police les pourchasse, les maltraite et les enferme pour le seul fait d’être en vie en Europe.

Si nous ne savons rien de ce que vivent ceux qui arrivent, de leur parcours, des violences subies, de ceux qui sont morts en route, nous constatons pourtant que l’immigration est devenue un « objet » bien utile pour la classe politique, qui peut exagérer ses divisions internes sur le sujet, et camoufler un peu plus ses puissants points d’accord – la défense des intérêts de la bourgeoisie, que Marine Le Pen commence à flatter ces derniers jours.

Un « souverainisme de gauche » difficile à assumer

Mais si la perche est tendue spécialement à l’extrême droite, c’est l’ensemble de la classe politique qui est contrainte de se positionner sur la question. Mélenchon en a bien conscience et argumente son refus d’élaborer une position définitive sur le sujet en disant que « faire de l’immigration la question centrale des européennes, c’est servir la soupe à Macron et à Le Pen » (octobre 2018, l’Humanité). Mais, en interne, la FI connaît des dissensions, entre Clémentine Autain, signataire du Manifeste pour l’accueil des migrants lancé par Médiapart et Politis, et Manuel Bompard, numéro 2 de la liste FI pour les européennes. Des dissensions qui sont révélatrices, car c’est sur le sujet de l’immigration que le « souverainisme de gauche » de la France Insoumise montre le mieux ses limites.

Difficultés, en effet, d’un « souverainisme de gauche » qui voudra se présenter comme cohérent : la défense du protectionnisme socio-économique conduit assez logiquement à une défense des frontières et donc à prendre aussi position pour le contrôle du territoire contre ceux et celles qui, menacé/e/s ailleurs, voudraient passer la frontière. Sauf que dans « souverainisme de gauche », il y a « gauche » : impossible d’adopter les mêmes politiques que le gouvernement en place, qui criminalise la seule entrée sur le territoire. Mélenchon sauve la baraque FI en faisant une place au flou programmatique, au flottement, en fonction des prises de parole, des orateurs et oratrices ou des contextes.
Le renoncement à maintenir une boussole de classe pourrait avoir cet avantage d’obliger à ces prouesses rhétoriques et ces casse-têtes incessants qui passionnent les déconstructivistes post-modernes, mais en attendant que la FI clarifie sa position et – peut-être – s’aperçoive qu’aujourd’hui comme hier, la vérité c’est que les prolétaires n’ont pas de patrie, des hommes et des femmes meurent en Méditerranée.
C’est ce carnage qui nous est présenté à l’unisson comme la ligne de fracture des élections européennes : la bourgeoisie fait son beurre sur le dos de nos morts.


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