Déclaration internationale

Face au coronavirus et à la crise de santé publique : nos vies valent plus que leurs profits !

Fraction Trotskyste-Quatrième Internationale

Face au coronavirus et à la crise de santé publique : nos vies valent plus que leurs profits !

Fraction Trotskyste-Quatrième Internationale

Nous publions ci-dessous la déclaration de la Fraction Trotskyste - Quatrième Internationale -organisation internationale à laquelle appartiennent les militants de Révolution Permanente- sur la crise liée au coronavirus. Face à la pandémie, les capitalistes veulent à nouveau faire payer les travailleurs et les classes populaires. Partout dans le monde, revendiquons des mesures d’urgence qui permettent de faire face à la pandémie, et de remettre en question ce système. Les grandes crises appellent des solutions radicales.

Alors que la crise autour de la pandémie du Coronavirus est en plein développement, nous publions cette déclaration en tant qu’organisations socialistes révolutionnaire aux Etats-Unis, France, Italie, Allemagne, Etat espagnol, Argentine, Brésil, Mexique, Chili, Bolivie, Venezuela, Uruguay, Costa Rica et Pérou, membres ou sympathisantes de la Fraction Trotskiste pour la Quatrième Internationale. La situation désastreuse dans laquelle se trouvent les systèmes de santé dans la plupart des pays empêche la mise en place de réponses adaptées qui nécessiteraient des infrastructures hospitalières à la hauteur ou la mise en place de dépistages massifs. Aussi, la situation engendre des milliers de morts évitables et génère des informations confuses au sujet de la réalité de la pandémie dans chaque pays. Les gouvernements tentent de faire peser les effets économiques et financiers de la crise sur le dos des travailleurs, travailleuses et de toutes les classes populaires, qui sont en même temps les secteurs les plus démunis face au danger de l’infection. Dans ce contexte, nous proposons des mesures d’urgence pour que les grands patrons paient les coûts de la crise, car ce sont eux qui tirent toujours profit des plans d’austérité en matière de santé publique et de la précarisation du travail, orchestrés par les différents gouvernements, Etats et partis politiques à leur service. Ces mesures doivent s’inscrire dans notre lutte pour l’organisation des travailleurs, des femmes et de la jeunesse. Les grandes crises appellent de grandes solutions.

1. La crise du coronavirus a d’abord frappé essentiellement la Chine et, à partir de là, l’économie mondiale. Elle s’est ensuite étendue à l’Italie, l’Iran, la Corée du Sud et à de nombreux autres pays. Cette crise s’est combinée à un choc pétrolier, faute d’accord entre l’Arabie Saoudite et la Russie pour limiter la production et contenir la baisse des prix. La crise a fait un saut le 9 mars avec l’écroulement des bourses partout dans le monde, et s’est poursuivie toute la semaine avec de nouvelles baisses, particulièrement aigües le jeudi 12. D’une crise sanitaire limitée nous sommes passés à une crise économique - la production en Chine a été paralysée, avec des conséquences sur la chaîne de production mondialisée, des tendances à la récession et à la dévaluation qui se sont accentuées partout dans le monde -, et à une crise financière en plein développement. En même temps, la crise sanitaire continue de s’étendre, l’OMS a décrété la « pandémie » mercredi 11 mars, avec des gouvernements qui prennent des mesures extraordinaires comme en Italie, où l’ensemble du pays a été mis en quarantaine, et aux Etats-Unis, qui ont suspendu les vols entre les Etats-Unis et l’Europe déclaré « l’état d’urgence national ». Au moment où la Chine semble commencer à résoudre la crise, tous les gouvernements prévoient une aggravation de l’épidémie dans d’autres pays, avec des conséquences imprévisibles si celle-ci frappe avec force les pays les plus pauvres d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine.
 
2. Face à quel type de crise sanitaire nous trouvons-nous actuellement ? Quel type de maladie provoque le COVID-19 ? Les données dont nous disposons à l’heure actuelle, tout en tenant compte de la potentielle mutation du virus et des changements qui en découleraient, montrent qu’il existe un consensus entre les différents « spécialistes » pour affirmer que, en comparaison avec la grippe classique, qui provoque entre 290.000 et 650.000 morts par an, le COVID-19 présente des taux plus élevés de contagion et de mortalité, notamment sur les adultes âgés, même s’il est moins élevé que le SRAS et d’autres virus similaires, et bien moindre qu’Ebola, ou encore d’autres maladies.
Pour l’instant, le virus n’a pas encore atteint les chiffres de la grippe classique (influenza) qui touche chaque année entre 10 et 20% de la population mondiale (ce chiffre reste néanmoins difficile à établir réellement étant donné que de nombreuses personnes ne vont pas chez le médecin lorsqu’elles ont la grippe). Au-delà de l’absence de vaccin contre le COVID-19, le plus inquiétant reste son taux de contagion très élevé, qui entraîne une propagation de la maladie à une vitesse importante et explique les crises sanitaires. Pendant les pics de la maladie, les infrastructures hospitalières sont débordées, en particulier les « unités de réanimation et de soins intensifs », et les respirateurs artificiels viennent à manquer alors qu’ils sont essentiels pour les cas les plus critiques. Les médecins italiens ont ainsi informé que 10% des personnes infectées qui se sont rendues dans les hôpitaux ont eu besoin d’assistance respiratoire. Le taux de mortalité reste incertain car les chiffres des personnes infectées dans chaque pays ne sont pas fiables (notamment en Italie et en Chine, où les taux de mortalité ont avoisiné les 4%, contre 0,8% en Corée du Sud). La principale différence est le nombre de tests de dépistage réalisés : quelques milliers dans des pays comme l’Italie ou les Etats-Unis, contre près de 200.000 tests en Corée du Sud, ce qui explique la détection précoce et le confinement des malades. Ceci constitue une donnée clé pour définir les mesures que nous devons prendre ! Aux Etats-Unis, les tests étaient – jusqu’à récemment – réalisés uniquement sur les personnes ayant tous les symptômes, sur ordonnance et avec un coût qui pouvait aller jusqu’à 3000 dollars, alors même que la FED donne des milliards pour le sauvetage des spéculateurs financiers et que les Forces Armées nord-américaines continuent de dépenser des millions pour maintenir des blocus économiques, y compris sur des pays fortement frappés par la pandémie comme l’Iran !
 
3. Les gouvernements, qui ont été négligeants depuis le début (les Etats-Unis, l’Iran, l’Italie et bien d’autres), mettent en place des mesures qui se limitent à interdire des vols et à renforcer les quarantaines et les mesures de confinement, mais sans établir des réponses plus profondes qui permettent de réduire le plus possible le nombre de morts. Tous craignent de démontrer leur incapacité à gérer une crise sanitaire d’une telle ampleur. Trump n’a déclaré l’état d’urgence national qu’au dernier moment, et s’est mis d’accord avec les démocrates pour adopter au Parlement des mesures spéciales sur les arrêts de travail et pour la réalisation rapide de tests de dépistage. S’il apparaît comme incompétent et que le nombre de morts augmente, il risque de perdre les élections présidentielles, même face à Biden et son « déclin cognitif ». De nombreux gouvernements se trouvent dans la même situation.

En outre, les mesures de contrôle policier sur la population se multiplient. Si la gestion du gouvernement chinois apparaît maintenant comme un « succès », pendant les premières semaines après l’apparition du nouveau coronavirus celui-ci a fait preuve d’un négationnisme typique de la bureaucratie capitaliste restaurationniste. Le gouvernement avait par exemple refusé d’entendre les mises en garde de Li Wenliang, médecin qui a sonné l’alarme face à l’épidémie et aurait ainsi pu éviter de nombreux décès, mais qui a été accusé par les autorités d’avoir « propagé des rumeurs » et est finalement mort du COVID-19. La Chine a été l’exemple le plus extrême d’autoritarisme, et d’un contrôle bureaucratique de fer qui a empêché d’avoir des informations directes et fiables depuis Wuhan et d’autres zones affectées.
 
4. La crise des systèmes de santé publique est une problématique que l’on retrouve dans de nombreux pays et en particulier aux Etats-Unis, où les sondages montrent que la question de la santé se trouvait parmi les principales préoccupations de la population avant même la crise actuelle. De fait, les limites du système de santé génèrent un endettement important au sein des foyers dans un pays où 27,5 millions de personnes n’ont même pas d’assurance santé. D’ailleurs, Bernie Sanders est fortement critiqué, non seulement par Trump mais aussi par le démocrate Biden, pour avoir mis en avant la nécessité d’une assurance de santé universelle (Medicare for all) ! Tous les systèmes de santé sont organisés en fonction des profits des grands laboratoires, et le déclin de la santé publique n’est pas propre à la droite. Partout dans le monde, ceux qui se disent « progressistes » - comme en Amérique latine - ou même de « gauche », n’ont pas changé la structure d’un système de santé à deux vitesses, avec un service « de première » pour les riches et une santé publique en totale décadence pour les classes populaires, accompagné d’une dégradation forte du financement de la recherche scientifique publique. Alors que les adultes âgés sont ceux qui souffrent le plus du manque des soins médicaux et sanitaires, il est par ailleurs scandaleux de voir les attaques contre les systèmes des retraites mises en place par nombre de gouvernements, pour qui l’augmentation de l’espérance de vie des personnes est un « drame » budgétaire, quand ce sont leurs politiques qui précarisent l’emploi et réduisent toujours plus les impôts des plus riches.
 
5. Dans différents pays, en particulier dans ceux où se développe la lutte des classes, les gouvernements chercheront à faire un usage politique de la crise sanitaire du COVID-19, dans le but de restreindre les libertés démocratiques et d’empêcher les manifestations de mécontentement et les mobilisations. Le cas du Chili le montre : le gouvernement de Sebastián Piñera, est passé d’une négligence totale à un discours affirmant que les conséquences du virus pourraient être énormes ; il prend donc des mesures comme l’annulation d’événements publics massifs mais il ne garantit pas que les travailleurs puissent avoir accès aux tests gratuits et maintient le système de santé publique dans un état de délabrement et de crise. Ainsi, il alimente un climat visant à décourager les mobilisations qui ont lieu chaque semaine dans les principaux centres urbains du pays. Piñera pourrait également utiliser l’argument sanitaire pour faire passer des lois répressives comme celle qui vise à habiliter le président à décréter la militarisation des « infrastructures critiques » (hôpitaux, ports, etc.). Nous rejetons toute mesure répressive déguisée en politique sanitaire, contre les masses et leurs mobilisations (organisées ou spontanées). Ce n’est pas le gouvernement qui devrait décider de la tenue ou non d’une manifestation, mais les organisations en lutte avec les conseils des professionnels de la santé et des chercheurs.
 
6. La dynamique de la crise économique et financière entraînera un approfondissement des tendances récessives, aggravant les effets de la crise sanitaire, dont la durée et la profondeur dépendra de la combinaison de ces deux crises. Les krachs boursiers sont en train de faire éclater la bulle qui a contribué à maintenir à flot la faible croissance économique, notamment aux États-Unis, sans avoir résolu aucun des problèmes structurels qui ont éclaté avec la crise de 2008 : faible productivité, faible taux d’investissement. Les entreprises sont plus endettées qu’en 2008, de sorte qu’une série de faillites (compagnies aériennes, compagnies pétrolières de gazs de schiste aux États-Unis, tourisme, etc.) pourrait toucher les banques. Contrairement à 2008, les banques sont apparemment mieux loties, mais tout va dépendre de la profondeur de la récession. Mais il y a d’autres grandes différences avec la crise antérieure. Alors qu’en 2009, face à la terreur provoquée par la profondeur de la crise, les principales puissances s’étaient coordonnées, aujourd’hui ce sont les affrontements entre elles qui prévalent en raison des tensions géopolitiques et de la concurrence impitoyable non seulement entre les États-Unis et la Chine, mais aussi entre les Etats-Unis et l’Allemagne – qui entretient des liens économiques forts avec la Chine - et même entre le Royaume-Uni et l’Union européenne.
 
7. Pour toutes ces raisons, nous appelons les travailleurs et travailleuses, le mouvement des femmes et de la jeunesse à prendre en main la lutte pour des mesures permettant de faire face à la crise. En Italie, les travailleurs se rebellent déjà dans les usines et les entreprises contre le manque de mesures de protection et le refus des congés payés face à l’épidémie. Nous défendons les mesures suivantes, qui devront trouver pour chaque pays leur expression concrète :
 
 Les Etats doivent prendre le contrôle des grands laboratoires privés pour garantir la distribution gratuite de tout ce qui est nécessaire à la prévention et à la détection précoce de l’infection : des éléments de base (gel hydroalcoolique, savon, masques, gants, etc.) aux kits de tests nécessaires pour dépister gratuitement et massivement toute personne présentant des symptômes. Selon les pays, cela peut impliquer une production locale ou le déblocage de fonds pour des importations d’urgence, ainsi que la réquisition des entreprises qui produisent ces éléments, et leur mise sous contrôle de leurs travailleurs et techniciens. Prise en charge par l’Etat de la production de tous les médicaments efficaces (testés par les agences de contrôle) pour faire face à la pandémie.
 
 Centralisation de l’ensemble du système de santé, y compris la santé privée (des grands laboratoires aux cliniques et hôpitaux privés), sous gestion publique et sous contrôle des travailleurs et des spécialistes, pour garantir les mesures du point précédent et recevoir les personnes infectées qui doivent être hospitalisées : confiscation de toutes les chambres manquantes (hôtels, etc.) et approvisionnement massif en respirateurs artificiels - par la production d’urgence, l’importation, etc.
 
 Un congé payé à 100% du salaire (pris en charge par les employeurs et l’État) pour toute personne infectée ou risquant de l’être, ainsi que pour toute personne de plus de 65 ans et pour les parents qui ne peuvent pas envoyer leurs enfants à l’école pour cause de fermeture. L’État et les employeurs doivent également accorder des congés payés aux travailleurs et travailleuses qui travaillent au noir, aux travailleurs « ubérisés » et aux sans-papiers dans les zones touchées, afin qu’ils ne soient pas contraints de travailler au risque d’être contaminés. Interdiction des licenciements. Le gel des loyers à partir de décembre 2019 et un moratoire sur leur paiement dans les pays où la vague de licenciements et de non-renouvellement des contrats précaires laisse des centaines de milliers de personnes dans la rue. Suspension de toutes les procédures d’expulsion au moment où de nombreuses familles vont subir des pertes de salaires.
 
 Augmentation d’urgence de l’ensemble du personnel du système de santé publique, à commencer par les hôpitaux et les cliniques. Formation immédiate et augmentation des salaires. Réintégration de tout le personnel médical et infirmier au chômage ou licencié ces dernières années.
 
 Des commissions indépendantes composées de professionnels compétents et de membres d’organisations du mouvement ouvrier et populaire, qui aient accès à toutes les informations dont dispose l’État sans aucune forme de censure : données sur l’évolution de l’épidémie, comparaison avec d’autres épidémies, mesures préventives conseillées à la population, etc. L’information en matière de santé publique ne peut être laissée entre les mains de l’État, qui répond toujours aux lobbies des grandes entreprises. L’OMS doit également être contrôlée (rappelons le scandale de corruption des grands laboratoires qui avait été dévoilé à propos de sa gestion de la crise de la grippe H1N1).
 
 
 Des comités d’hygiène et de sécurité sur les lieux de travail, avec tous les pouvoirs pour enquêter, consulter, remettre en question les mesures concernant la sécurité des travailleurs et des usagers (dans le cas des services publics).
 
 Augmentation d’urgence des budgets de la santé et de l’aide sociale, arrêt du paiement de la dette et imposition d’impôts progressifs et extraordinaires aux grands capitalistes. Levée des sanctions américaines contre l’Iran, l’un des pays les plus touchés par la pandémie, le Venezuela et Cuba.
 
 
Les organisations de la classe ouvrière doivent intervenir avec un programme indépendant des différentes factions capitalistes dans la crise, et souligner la nécessité de s’affronter au pouvoir des capitalistes pour mettre fin à leur exploitation irrationnelle des travailleurs dans le monde entier et à l’exploitation de la planète elle-même (changement climatique). Nous nous battons pour des gouvernements ouvriers et pour la révolution socialiste afin de changer radicalement cette société organisée selon la logique du profit. Les grandes crises appellent de grandes solutions.

VOIR TOUS LES ARTICLES DE CETTE ÉDITION
MOTS-CLÉS

[Santé Travail Social]   /   [Crise sanitaire]   /   [Crise économique]   /   [Épidémie]   /   [Coronavirus]   /   [Crise sociale]   /   [Services publics]   /   [Impérialisme]   /   [Santé]   /   [Secteur de la santé]   /   [Fraction Trotskyste - Quatrième Internationale]   /   [Fonction publique]   /   [Internationalisme]   /   [Débats]   /   [International]