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« Petites misères » de la vie de caissière

Fadila, victime d’une fausse couche en caisse à Auchan City, témoigne de son calvaire

Dans une lettre datée du 20 décembre 2016 et que nous reproduisons ci-dessous, Fadila, caissière au Auchan City de Tourcoing, s’adresse à la direction du magasin, livrant son témoignage glaçant sur les terribles conditions de travail et l’humiliation vécue lorsqu’elle en est arrivée à vivre une fausse couche sur son lieu de travail. Nous publions également le communiqué de l’UL CGT Tourcoing et environs.

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Monsieur le Directeur,

J’ai signé un contrat de professionnalisation avec vous qui a débuté en novembre dernier. Pour des raisons médicales sérieuses, j’ai dû, hélas, contracter un arrêt maladie dès le 3 novembre, suite à des malaises persistants. Ces malaises étaient en fait conséquents à une situation de grossesse, découverte à ce moment-là. J’en ai immédiatement prévenu Wendy, ma chef de caisse.

J’ai repris le travail le 7 novembre, en découvrant un planning particulièrement chargé, ce qui m’a inquiétée. J’ai demandé des changements d’horaires, ce qui m’a été refusé. J’ai donc travaillé chaque jour selon les horaires prescrits, mais j’étais toujours souffrante, avec des envies de vomissements telles que, empêchée de quitter mon poste, j’étais obligée de ravaler lesdites envies.

Le 14 novembre suivant, face à la dégradation de mon état de santé, j’ai été contrainte de me remettre en arrêt maladie.

J’ai repris le travail le 21 novembre, et j’ai à nouveau découvert un planning assez lourd. J’aurais aimé que, face à ma situation, il y eût davantage de considération. J’ai prévenu de la fragilité de ma situation et indiqué qu’en cas de malaise, je le signalerais pour prévenir un évanouissement, en soulignant la nécessité pour moi de me rendre régulièrement aux toilettes.

Vers 14 heures, j’ai pris mon poste à la caisse 1. Vers 15 heures j’ai ressenti d’intenses douleurs. J’ai fait appel pour en prévenir ma responsable qui m’a répondu qu’elle était occupée. J’ai tenu jusque 16h35, heure de ma pause. Je me suis rendue aux toilettes. A l’issue de cette pause, j’ai repris place à mon poste. Je ressentais de très fortes douleurs. Il n’y avait personne à l’accueil à ce moment-là.

J’ai alors téléphoné à une collègue pour lui demander un doliprane. Elle a semblé inquiète et m’a demandé de faire appel à la sécurité. J’ai donc appelé la sécurité du pointeau, laquelle m’a demandé d’appeler une autre sécurité. C’est ce que j’ai fait. On m’a dirigé, par téléphone, vers le PC. Où l’on m’a répondu que le responsable possédant des doliprane n’était pas présent.

J’ai continué, ressentant des douleurs de plus en plus vives, mon travail, avec toujours plus de clients, et au bord de la perte de conscience. Les clients eux-mêmes se montraient inquiets quant à mon état de santé, et ont depuis, pris des nouvelles. C’est d’ailleurs de ces seuls clients que j’ai reçu quelque commisération.

Sur le moment, deux collègues (Fatoumata et Marie-Renée), se sont inquiétées de mon état de santé. J’ai demandé à la seconde de me ramener un doliprane. Elle est partie m’en chercher un. Je n’ai pas eu le temps d’attendre son retour.

En effet, en me levant de mon siège, je me suis aperçue qu’il était ensanglanté, ainsi que mon pantalon.

J’ai immédiatement demandé aux clients de se diriger vers d’autres caisses. Ce que voyant, Samuel intervint en me déclarant que ce n’était pas l’heure de fermer ma caisse. Je lui ai fait part de mon malaise. Il me demanda de rester assise. J’étais en pleurs, et complètement désespérée.

C’est alors que le responsable de la sécurité de la galerie est venu me chercher, muni d’un fauteuil roulant. Il appela les pompiers, qui arrivèrent très vite.

Ces derniers me demandèrent si j’avais pu aller aux toilettes. Je leur répondis que j’en avais été empêchée. Ils m’invitèrent à m’y rendre dans l’immédiat. Ce que je fis.

Mon sang ne cessait de s’écouler, c’était interminable. Finalement, je sortis et, un pompier, muni de gants, alla chercher un fœtus dans la cuvette et m’annonça la perte de mon bébé.

J’ai passé la nuit à l’hôpital et n’en suis sortie que le lendemain en fin de matinée. J’ai appelé immédiatement le magasin et demandé à mon interlocutrice (Vanessa) de prévenir ma chef (Wendy) afin que cette dernière m’appelle pour que je la tienne au courant.

Sans nouvelle j’ai rappelé plus tard et j’ai pu m’entretenir avec Wendy, à qui j’ai expliqué ce qui s’était produit. Elle réagit de la manière suivante : « Il faudra ramener le justificatif ».

Je l’ai amené dans la journée. On me fit remarquer que j’étais partie avant l’heure et on me demanda si j’allais venir travailler le lendemain. J’ai été meurtrie par cette absence manifeste d’empathie et de compassion.

A ce jour, je suis en possession d’un bulletin de salaire du mois de novembre, avec en tout et pour tout 350,64 euros. En effet, la période d’arrêt consécutive à ce drame personnel ne m’a pas été rémunérée. Par ailleurs, vous m’avez déduit une semaine de travail effectif, pour une raison que j’ignore (« absence non excusée du 6 au 13/11 »).

Par la présente je vous demande donc de bien vouloir remplir une attestation d’accident du travail (modèle S6201C), sachant que cette absence de déclaration a laissé les frais d’hospitalisation à ma charge, et de régulariser ma fiche de paie du mois de novembre en conséquence et eu égard à la semaine de travail effectuée du 6 au 13 novembre.

Vous comprendrez, Monsieur le Directeur, que j’ai vécu une situation particulièrement difficile. J’espère que vous noterez que votre responsabilité est engagée, et que vous êtes comptable des manquements répétés à mon égard.

Je souhaite ardemment poursuivre ma formation et trouver un emploi stable. Mais il vous appartient de prendre en compte que des considérations plus élevées peuvent parfois dépasser le cadre professionnel. Il y a derrière chaque salarié une personne humaine, et je crains que cela soit ignoré dans le magasin que vous dirigez.

Aussi, par la présente, et faisant copie, je demande au CHSCT de diligenter une enquête sur cet accident du travail dont j’ai été victime et sur les éléments qui ont conduit à celui-ci dans un contexte d’indifférence inquiétant.

Je fais également copie à l’inspection du travail, et au délégué syndical CGT, M. Hamdoud, afin d’obtenir enfin un peu de considération et l’assurance de mes droits recouvrés.

Veuillez agréer, Monsieur le Directeur, mes salutations distinguées.


Communiqué de l’UL CGT Tourcoing et environs, le 23 décembre 2016

Fausse couche en caisse : le management à Auchan City reste fermé à toute dignité humaine

Vous trouverez ci-dessous un lien vers l’interview de « Fadila », réalisée hier par Radio Campus Lille. « Fadila » a 23 ans, elle est entrée en novembre à Auchan City Tourcoing, après avoir signé un contrat de professionnalisation (une aubaine pour les patrons, dont les Mulliez ne se privent pas).

« Fadila » apprend au mois de novembre dernier qu’elle est enceinte. Malaises, vomissements, nécessité de se rendre aux toilettes, bien des femmes connaissent ces contraintes (lesquelles accouchent ensuite d’un grand bonheur). La direction d’Auchan City les a ignorées avec une indifférence confinant au mépris.

A tel point que le 21 novembre, « Fadila », malgré toutes les alertes qu’elle a lancées, est victime d’une fausse couche à la caisse où elle travaille, sans considérations pour son état.

La direction d’Auchan City tire-t-elle des conclusions sur un management (et une charge de travail excessive pour tous les salariés) qui a déjà fait parler de lui en d’autres circonstances, et dont notre Union Locale connaît tous les effets (le nombre de salariés de ce magasin qui sont syndiqués nous permet de disposer d’informations sûres, vérifiées, incontestables) ?

Pour « Fadila », ce sera, suite à cette fausse couche en caisse : retraits indus sur sa fiche de paie de novembre (!!!), « absence injustifiée » (!!!) et aucune mention de l’accident du travail. Négation totale de ce drame humain… Personne pour prendre de ses nouvelles, et un organisme de formation qui lui reproche ses absences à Auchan et menace de mettre fin au contrat.

Où est l’humanité ? Que veulent-ils que les salariés deviennent ? Nous sommes effarés de constater, jour après jour, les coups portés par le patronat envers les travailleurs, en particulier les plus fragilisés, en particulier les femmes.

Vous trouverez ci-joint le courrier que « Fadila » a envoyé à la direction du magasin, laquelle prétendrait« ne pas être au courant ». Il a pourtant bien fallu que quelqu’un nettoie le siège ensanglanté de la caissière après que celle-ci fut emportée par les pompiers… Sans doute pas le Directeur, mais comment un tel évènement peut-il être « ignoré » ? Il semble que le « management » Auchan City soit un savant mélange d’indifférence, de mépris et d’incompétence. Quand les revendications de la CGT, maintes fois exprimées, obtiendront-elles satisfaction ?

On ne lâche rien ni personne. Les travailleuses et travailleurs de ce magasin sont mis en danger par des stratégies managériales indignes. Ceux qui se taisent face à cette situation portent une grande responsabilité.


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