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Casse de l'hôpital public

Fermeture de lits, suppressions de postes : à Strasbourg, la casse de l’hôpital public se poursuit

Vendredi 18 Mars, les directions de l’Agence régionale de santé (ARS) Grand-Est et des Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS) ont signé un accord pour redresser les comptes de l’hôpital d’ici à 2026. Destruction de postes, précarisation du personnel, augmentation de la cadence, suppression de lits, réduction des soins, le « contrat d’avenir », intercepté par rue89 Strasbourg et relayé par Médiapart, est une nouvelle déclaration de guerre contre l’hôpital.

Louis McKinson

29 avril 2022

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Crédits photo : Europe 1. Mobilisation des personnels hospitaliers de Strasbourg le 30 juin 2020

Alors qu’un patient décédait à la mi-mars après 10 heures d’attente aux urgences, les directions avaient rendez-vous le lendemain au petit matin pour aller plus loin. Le document confidentiel signé alors n’a rien d’innovant : 150 pages de mesures austéritaires pour redresser (financièrement) l’hôpital.

Objectif : autonomie financière 2026. Après quelques déclarations de principe en préambule, le document, « contrat d’avenir », se propose de répondre à la problématique suivante : comment augmenter l’activité de 5% avec moins de moyens ? Révélé par rue 89 Strasbourg, le document empile les mesures assassines.

Les vertus du nouveau management public 

Avec un résultat structurel qui passe de -10,1 millions d’euros en 2019 à -45 millions en 2020, les comptes des HUS sont mauvais : « Fortement endettés, présentant une insuffisance d’autofinancement, les HUS ne parviennent plus à faire face au remboursement du capital de la dette et au financement des investissements courants » précise la note.

Le document promet donc 36,4 millions d’euros par an. Mais pas sous la forme d’une subvention, sous celle d’un investissement dont l’attribution se fera « en fonction de l’atteinte des objectifs de l’année précédente ».

Pour l’hôpital mis sous tutelle et pour répondre à ses objectif financiers, une mise au pas managériale s’impose. Il faut « concentrer les secteurs, les ressources humaines et techniques autour de plateaux techniques plus denses et mieux équipés ». Renforcer, concentrer et verticaliser le flicage qu’opèrent les nouvelles intendances gestionnaires.

A noter, la simplicité de l’indicateur central mesurant la performance RH : « le nombre d’équivalents temps plein (ETP) supprimés ».

C’est qu’il va falloir tailler les services à l’os, et d’abord en luttant contre « l’éparpillement » (inefficace) des services, et ce quitte à désorganiser certaines activités et perdre des compétences.

Le service hépato-gastro-entérologie, service présent sur le site du Nouvel Hôpital civil et de l’Hôpital de Hautepierre, dont on impute les difficultés à la « dispersion des ressources médicales », fusionnera pour passer de 39 à 32 lits. Hautepierre ayant déjà perdus 12 lits depuis la crise du covid, la perte est de 19 lits. En réanimation, on doit passer de 105 à 97 lits. Au pôle Minerd de médecine interne, rhumatologie, nutrition, endocrinologie et diabétologie, on regroupe tout sur le site de Hautepierre, 13 lits en moins. Sans compter les 29 déjà fermés faute de personnel. Variante, la filière gériatrie, particulièrement exsangue, surchargée et vétuste, doit ouvrir 33 lits. Mais sans embauche, on craint, à juste titre, « occulter la capacité à mener des projets de telle ampleur par la surconsommation des énergies dans la gestion des difficultés quotidiennes ».

Du coté des patients, la dégradation de la qualité des soins promet d’être massive. De manière générale, la nouvelle philosophie de l’établissement promet le développement « des alternatives à l’hospitalisation complète » ainsi que l’optimisation des « durées moyennes de séjour à l’hôpital ». Les lits fermés par manque de personnel le resteront et le développement « d’alternatives à l’hospitalisation conventionnelle » doit, au total, produire une économie d’un peu plus deux millions d’euros.

Du côté du personnel, 460 000 euros seront rognés sur les primes jugées « non réglementaires ». Et si le personnel médical est sanctuarisé, le personnel non médical doit rendre 54 000 pour chaque poste supprimé. Avec un objectif de 90 ETP à supprimer, 48 600 euros d’économies devraient être dégagés entre 2021 et 2025. Enfin, pour 540 000 d’euros sur la même période (2 ETP par an), suppression également de la carence de trois mois en cas de remplacement de poste vacant.

Maltraitance en bande organisée

Au final, cette augmentation de l’activité sans embauche coté soignants et avec des postes en moins et le renforcement de l’externalisation du côté des petites mains de l’hôpital constitue une offensive catastrophique pour les hôpitaux strasbourgeois. En remplissant tous les critères de la « feuille de route » néolibérale vis-à-vis de l’hôpital public, ce contrat est une piqûre de rappel vis-à-vis de ce qu’est la politique de santé du gouvernement.

Alors que la bourgeoisie payait en médailles les hospitaliers en blouse-sac-poubelle au cœur de la crise covid et s’admirait les applaudissant par les fenêtres, elle poursuivait en pleine pandémie la casse de l’hôpital public et la privatisation du secteur de la santé, au mépris de la vie et de la dignité humaine, comme le rappelle le scandale d’ORPEA. Le gouvernement Macron n’aura d’ailleurs pas menti bien longtemps entre ces mandats.

Celui qui, tout en continuant tout du long de cette crise à supprimer des lits fanfaronnait sur le caractère historique de son Ségur, aura à peine eu le temps de reprendre le slogan « nos vies avant le profit » lors de sa campagne avant que de nouvelles mesures d’austérité ne renforcent la casse de l’hôpital public.

Pris dans les logiques de rentabilité, l’hôpital s’abîme toujours plus dans la marchandisation de la santé. Pour que la vie soit enfin la priorité de l’hôpital, il convient de remettre, par la lutte, la santé dans les mains de ceux qui la font et qu’elle concerne.


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