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La meilleure défense, c’est l’attaque (enfin, ça ne marche pas toujours…)

Fillon en pleine berlusconisation

Mis en accusation, il se place en accusateur. Un grand classique des stratégies de défense. Il en faudra un peu plus, néanmoins, pour que François Fillon réussisse à convaincre les électeurs (et surtout ses soutiens haut placés) qu’une immense machination a été ourdie contre sa femme et ses enfants.

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Fragilisé par la succession d’affaires déterrées par Le Canard Enchaîné et relayées, par la force des choses, dans tous les médias, Fillon a commencé la semaine en présentant ses excuses et a dégainé par la suite ses nouvelles armes pour se défendre : il est « en colère ». Contre qui ? Contre les juges, contre la presse et contre les autres candidats. On croirait du Trump dans le texte, mais c’est du Fillon hexagonal qui se joue en ce moment.

Les méchants contre François

Il y aurait donc la presse, à commencer par Le Canard, qui serait commandée en sous-main par les « arrière-cuisines des officines que l’on finira bien par découvrir un jour », selon Fillon. Derrière tout cela il y aurait donc l’Elysée, selon Bernard Debré, Bercy, selon Éric Ciotti et Bernard Accoyer, voire même Rachida Dati. Sur ce dernier point, il est plus aisé de mettre en cause la maire du 7ème arrondissement qu’accuser directement Sarkozy, ce qui reviendrait à déchirer un peu plus une droite déjà passablement secouée depuis le début du Penelopegate. N’en déplaise à Fillon, indépendamment des « arrière-cuisines » qui auraient concocté le repas que l’on sert matin, midi et soir, dans les médias, les casseroles sont bien de lui et, jusqu’à présent, les explications qu’il donne sont jugées peu convaincantes.

Il y a les juges, également, que Fillon attaque depuis le début de la semaine. Sur ce plan, sa défense est complètement illisible, mais il n’est plus à un détail près. Ses avocats ont demandé que le Parquet National Financier, créé juste après l’affaire Cahuzac, soit dessaisi de l’affaire, parce qu’il ne serait pas compétent en la matière, alors que celui qui se veut encore candidat de la droite souhaite qu’on l’entende au plus vite. Drôle d’idée que de vouloir passer devant un juge qui, en dernière instance, ne saurait instruire une affaire.

Le troisième élément de défense, c’est Marine Le Pen. Tout en attaquant ses concurrents tous azimuts, à commencer par Macron, accusé d’avoir « manié trop d’argent » et de payer l’ISF (que Fillon ne paie pas, en dépit de ses propriétés), Fillon tient un petit discours qui relève davantage du chantage que de la politique pour laquelle une bonne partie du Medef avait parié sur lui plus que sur Sarkozy, pour représenter la droite aux présidentielles : s’il n’est pas candidat, alors le risque serait de se retrouver avec le FN au pouvoir, ce que personne ne souhaite (encore) au sein du patronat et de l’establishment.

« C’est moi ou le chaos »

Le petit bémol de cette (mauvaise) défense à tiroirs, c’est que si Fillon a été poussé pendant les primaires pour mettre Sarkozy hors-jeu, car trop clivant et trop grillé, ce n’était pas pour que le candidat de la droite à l’Elysée, qui était censé être presque mécaniquement élu au second tour, passe, aux yeux de l’électorat, du statut de « notaire de province » à ripou parisien, pire encore que l’ex président bling-bling. Si une partie des décideurs patronaux avait misé sur Fillon, c’était, en partie, en raison des casseroles que traîne Sarkozy (de l’affaire Karachi au financement de sa campagne par la Libye de Kadhafi en passant par Bygmalion), et non pour se retrouver avec un candidat encore moins présentable au final.

De candidat appelé à colmater les brèches d’un régime bien mal en point, Fillon est donc devenu un facteur supplémentaire de crise organique. Son maintien dans la course savonne un peu plus la planche de ces « élections toboggan » que sont devenues les présidentielles du printemps. Comble du comble, il fait, aujourd’hui, dans le populisme le plus crasse.

Berlusconi en pire

Il y a ceux qui se prennent pour Mitterrand ou s’en réclament, d’une façon ou d’une autre. C’est le cas de Mélenchon ou de Hamon. Il y a celle qui fait comme son père, au final. On ne citera pas son nom. Il y a Macron qui veut faire du neuf mais dont le programme, jusqu’à présent, ressemble à s’y méprendre à celui du quinquennat en cours, mais sans citer François Hollande. Et il y a Fillon, qui fait du Berlusconi : contre les juges, contre la presse, seul contre tous.

Berlusconi a été une solution transitoire soutenue par une fraction de la bourgeoisie italienne pour sortir de la crise politique, sociale et économique du début des années 1990 que traversait la péninsule et symbolisée, notamment, par l’affaire « mains propres » qui a mis hors-jeu le système d’alternance Démocratie Chrétienne-PS sur lequel a reposé, des décennies durant, l’échiquier politique italien. Même si le dernier avatar de Berlusconi est, au final, Beppe Grillo et son Mouvement Cinq Etoiles, on peut dire, qu’à sa façon, il a fait le job.

Aujourd’hui, avec un Fillon qui se berlusconise, la bourgeoisie française a tous les inconvénients du « Cavalliere » sans ses avantages. Le problème, de surcroît, avec les personnages type Berlusconi, c’est qu’il est compliqué de les débrancher, parce qu’ils restent arrimeés au pouvoir. Les secteurs les plus lucides de la bourgeoisie italienne en ont fait l’expérience au cours des années 2000 et ils ont dû finir par le faire disjoncter en mettant en place un « gouvernement technique » directement issu de la Commission Européenne en 2011. « Difficulté à le débrancher et à s’en débarrasser » : c’est à peu près ce à quoi se heurtent, aujourd’hui, les soutiens de Fillon, qui ne savent plus comment se défaire d’un candidat devenu facteur de crise alors qu’il était censé être un efficace Monsieur Thatcher à la française.


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