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Vincent Lambert et les autres patients en fin de vie : justice et médecins imposeront leur volonté

Fin de vie : De quel droit ?

De l'Assemblée Nationale ou du tribunal de Châlons-en-Champagne, qui aura le dernier mot quant au débat sur la fin de vie ? Certainement pas le patient en tout cas, pourtant premier concerné. Alors que nos députés votaient en deuxième lecture la proposition de loi transpartisane sur la fin de vie de Jean Léonetti et Alain Claeys mardi 6 octobre dernier, apportant de relatives avancées sur le sujet, le cas Vincent Lambert était remis entre les mains de la justice ce vendredi, et celle-ci a rejeté la demande d'arrêt des traitements formulée depuis 7 ans par ses proches. Dans un cas comme dans l'autre, le débat s'est rouvert entre les anti- et les pro-euthanasie, sans être tranché au final en faveur de l'auto-détermination du malade. Camilla Ernst

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Vincent Lambert ne sera pas l’exception qui confirme la règle

Le dossier est vieux de sept ans. Vincent Lambert, plongé dans un état végétatif à la suite d’un grave accident de la route en 2008, souffre des imprécisions de la loi relative à la fin de vie, dite loi Léonetti, un flou qui laisse place aussi bien à l’arbitraire médical qu’à la pression morale de la religion catholique, avec laquelle la république laïque n’a jamais totalement rompue.

Pourtant, à la demande de ses proches, son épouse, son neveu, et ses cinq frères et sœurs, le médecin responsable de Vincent, le Docteur Kariger, avait pris la décision d’arrêter l’alimentation et l’hydratation artificielle qui le maintenait en vie en janvier 2014. Une décision vite contestée en justice par ses parents, proches de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X, une organisation catholique intégriste d’extrême-droite qui n’a pas hésité au cours de la procédure à exercer une pression sur l’épouse du concerné. Et si le Conseil d’Etat, puis la Cour Européenne des Droits de l’Homme en juin, se sont prononcés pour l’arrêt des traitements, et contre l’obstination déraisonnable, la médecin nouvellement en charge des soins, Docteure Simon, qui avait pourtant engagé une « nouvelle procédure collégiale en vue d’une décision d’arrêt des soins », l’a suspendue une semaine plus tard invoquant des pressions externes nuisant à la sécurité du patient et des équipes médicales. En réalité, c’est « l’indépendance professionnelle et morale » des médecins qui est brandie dans cette affaire, défendue par la rapporteuse lors de l’audience du 29 septembre, puis aujourd’hui par le tribunal de Châlons-en-Champagne lorsqu’il a décidé de rejeter la demande d’arrêt des traitements.

La loi Léonetti, encore effective à l’heure actuelle, prévoit, pour un malade en phase avancée ou terminale d’une affection grave ou incurable et hors d’état d’exprimer sa volonté, la possibilité de se référer à des directives anticipées rédigées par le malade ou, en leur absence, l’expression de sa volonté attestée par deux témoins ou par sa personne de confiance. Mais s’il doit en tenir compte, ces dispositions ne sont pas contraignantes et, en dernière instance, c’est le médecin, au sein d’une procédure collégiale, qui a tout pouvoir de décision quant à la poursuite ou non des traitements, même si ceux-ci maintiennent artificiellement la personne en vie.

Vers un assouplissement de la loi, mais toujours pas de véritable liberté individuelle pour le patient

Au cours du dernier mois, deux autres affaires du même type que celle de Vincent Lambert, les affaires Mercier et Bonnemaison, sont venues réactiver le débat. Il était donc urgent de réviser cette loi relative à la fin de vie, vieille de dix ans. Et c’est la proposition de loi de deux députés, l’un PS, Alain Claeys, et l’autre des Républicains, Jean Léonetti, qui a été adoptée en deuxième lecture à l’Assemblée Nationale mardi.

Deux mesures phares ressortent du texte qui instaure le « droit à la sédation profonde et continue […] jusqu’au décès », et qui propose de rendre contraignantes pour le médecin les directives anticipées du malade. De relatives avancées donc, mais déjà restreintes à certaines situations particulières, et qui laissent une marge (trop) importante à l’interprétation. La sédation oui, mais uniquement lorsque les patients présentent en phase terminale des souffrances réfractaires ? ; en cas d’arrêt d’un traitement de suppléance vitale, afin d’éviter une agonie pénible ?? ; ou s’ils se trouvent hors d’état d’exprimer leur volonté. Les directives anticipées quant à elles, ne seront contraignantes qu’en dehors des cas où le médecin les jugera « manifestement inappropriées » ou en cas d’« urgence vitale ». A chacun d’interpréter à sa sauce...

Mais des avancées trop rapides pour les collectifs anti-euthanasie, qui craignent une « dérive euthanasique » et ont réunis plusieurs centaines de manifestants devant les préfectures des 13 nouvelles régions, ainsi que pour les députés de l’opposition, qui avaient, au moment de la première lecture du texte en mars, rejeté un amendement à l’initiative de députés PS visant à parler réellement d’euthanasie.

Et en effet, là est bien l’insuffisance de ce texte qui, s’il prévoit la possibilité de sédation, ne se prononce ni pour l’euthanasie active, ni pour le suicide assisté. Des conséquences terribles pour les proches : voir leur parent ou ami s’éteindre lentement sous sédation, après l’arrêt des traitements et alimentation artificielle, comme une agonie, sans douleur, prolongée. On ne mentionne pas le fait que Vincent Lambert avait tenu à l’époque 14 jours après la suppression de son alimentation et hydratation, avant d’être de nouveau nourri sous la pression de ses parents. Chacun a le droit de disposer de son corps jusqu’à son dernier jour et chacun devrait être libre de décider, s’il en a la possibilité, des conditions de sa mort.


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