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Finlande-Suède. L’expansion de l’OTAN se poursuit et ouvre une nouvelle crise pour la Russie

Ce mercredi, la Finlande et la Suède ont officiellement déposé leur demande d’adhésion pour entrer dans l’OTAN. Cette décision ouvre une crise grave pour la Russie, pendant que l’alliance transatlantique poursuit son expansion et que les États-Unis poursuivent leur projet d’endiguement de la Chine.

Irène Karalis

18 mai 2022

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Ce mercredi, la Finlande et la Suède ont officiellement déposé leur demande d’adhésion pour entrer dans l’OTAN. Si la Turquie s’oppose pour l’instant à leur intégration, leur reprochant de ne pas les aider dans sa traque réactionnaire des militants kurdes du PKK, les deux puissances nordiques semblent confiantes et si l’ensemble des 30 pays membres venaient à approuver leur intégration à l’unanimité, cette dernière devrait se faire au terme d’un processus de plusieurs mois. Ce mardi, le Parlement finlandais a déjà approuvé à 95% l’adhésion du pays à l’OTAN.

Une nouvelle étape de l’expansion de l’OTAN en Europe de l’Est

L’adhésion de la Suède et de la Finlande marque une nouvelle étape de l’expansion de l’OTAN dans le Nord-Est européen et signe un tournant dans l’histoire politique des deux pays. Depuis les guerres napoléoniennes de 1803-1815, dans lesquelles elle a refusé de prendre parti, la Suède a en effet fait de sa politique de neutralité militaire une fierté et la fin de la Guerre Froid a marqué une réduction drastique de ses dépenses militaires. Mais depuis l’invasion de la Crimée par la Russie, le gouvernement suédois avait déjà commencé un réarmement discret du pays en remilitarisant par exemple l’île de Gotland avec l’envoi d’un régiment sur l’île en 2018, en rétablissant une forme de conscription et en participant régulièrement aux manoeuvres de l’OTAN dans la région. La Finlande, elle, s’était vue imposer une politique de neutralité par l’URSS pendant la guerre froide, notamment depuis sa perte en 1944 de la Carélie, un territoire important sur les plans économique et culturel. The Conversation écrit ainsi : « En Finlande, la neutralité est subie, et résulte d’une défaite contre le grand voisin. Elle est en outre vécue comme une humiliation prolongée par de nombreux Finlandais pour lesquels la « finlandisation » est tout sauf une fierté nationale. »

Néanmoins, les deux pays ont adhéré en 1994 au Partenariat pour la paix de l’Alliance, devenant de cette manière des partenaires privilégiés de l’OTAN, puis ont adhéré à l’Union Européenne un an après. Par ailleurs, leur neutralité politique ne signifie pas un désintérêt pour les affaires militaires, puisque le service militaire est obligatoire en Finlande et que la Suède est un des principaux fabricants d’armements en Europe. Mais l’adhésion des deux puissances à l’OTAN constitue un saut dans le rapprochement avec cette dernière et acte la possibilité d’une participation des deux pays à un conflit armé, l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord prévoyant une assistance automatique des membres de l’OTAN en cas d’agression d’un autre pays membre de l’alliance. Or, cette participation à un conflit armé pourrait s’avérer non négligeable, la Finlande disposant en temps de guerre de 280 000 soldats aptes au combat et de 600 000 réservistes et la Suède de 50 000 soldats. Plus encore, si elles venaient à être intégrées à l’alliance, les deux puissances nordiques devront se hisser aux exigences militaires de l’OTAN, puisqu’en 2006, les ministres de la Défense des pays membres se sont mis d’accord pour consacrer au moins 2% de leur PIB au budget militaire. Si tous les pays ne respectent pas en pratique cette exigence, plusieurs pays comme l’Allemagne ouvrent la voie à un réarmement massif de l’Europe et la Finlande et la Suède, dont les budgets militaires constituaient respectivement 1,48% et 1,21% de leur PIB en 2020, pourraient suivre cette voie.

Dès lors, l’adhésion des deux pays marquerait un saut dans l’armement de l’Europe et dans l’expansion de l’OTAN aux portes de la Russie, puisque la Finlande partage pas moins de 1300 kilomètres de frontières avec la Russie. Les puissances impérialistes de l’OTAN se réjouissent d’ores et déjà de cette expansion, et, selon Les Échos, le Ministère des Armées aurait ainsi affirmé : « L’arrivée de la Suède et de la Finlande va donner une profondeur stratégique nouvelle sur le flanc nord de l’Europe ». Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’OTAN, s’est lui aussi réjoui ce dimanche : « Votre entrée nous rendra plus fort. Pour la première fois, tous les États du Nord seront réunis dans une même alliance. » Néanmoins, cette militarisation grandissante n’est pas sans contradiction pour les États-Unis, chefs de file de l’OTAN : en laissant leurs partenaires européens se surarmer, ils leur laissent une certaine marge de manœuvre dans leurs opérations militaires et amenuisent la dépendance militaire historique des puissances européennes vis-à-vis des États-Unis.

Nouveau camouflet pour la Russie

En poussant à l’intégration de la Finlande et de la Suède, Joe Biden, à travers l’OTAN, poursuit la volonté d’asservissement de la Russie par les États-Unis et ouvre une crise très importante pour Moscou. La Finlande offre un accès renforcé à l’Océan Arctique ainsi qu’à la mer Baltique et la Suède permet un contrôle renforcé sur l’Océan Atlantique par la Mer du Nord : la Russie se retrouve ainsi assiégée et ne disposerait plus que de deux positions stratégiques au Nord de la région, l’enclave de Kaliningrad et ses bases militaires à Saint-Pétersbourg. Dans ce contexte, le pays va probablement devoir renforcer son dispositif militaire ce qui, alors même que la guerre en Ukraine est partie pour durer, risque de lui coûter très cher.

Face à cette situation plus que délicate, Poutine commence à montrer des signes de fébrilité, malgré ses tentatives de jouer les gros bras les premiers jours. Le 13 mai, le fournisseur d’électricité RAO Nordic Oy totalement détenu par l’entreprise russe InterRao annonçait la suspension de ses livraisons à la Finlande et ce lundi, le vice-président russe des Affaires étrangères Sergueï Riabkov a ajouté que les deux adhésions constituaient une « grave erreur », menaçant les deux pays et l’OTAN de « conséquences » si leur demande aboutissait. Ce mardi, la Russie a également expulsé deux diplomates finlandais de l’ambassade et a annoncé sa sortie du Conseil des États de la mer Baltique ; une manière de montrer les muscles, alors même que la Russie avait été suspendue du conseil en mars dernier, suite à son invasion de l’Ukraine.

En réalité, la Russie est très fébrile, et ce mardi, Poutine a changé de ton et annoncé qu’il tolérerait l’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’OTAN tout en prévenant que le Kremlin réagirait si l’alliance installait des bases ou des équipements militaires dans l’un ou l’autre des pays. Poutine a également expliqué que ces adhésions ne représentaient « aucune menace directe pour la Russie » et qu’il n’avait « aucun problème » avec les deux pays. Ces déclarations constituent des signes de prudence de la part de la Russie, qui se trouve en position de faiblesse face à une accélération de l’expansion de l’OTAN sur le front centre-est européen et dans l’incapacité de résoudre la crise très grave que cela ouvre.

Et pour cause : en réalité, l’adhésion à l’OTAN ouvre la voie à de nouveaux déploiements de troupes de l’alliance transatlantique aux frontières russes et à la construction de nouvelles bases militaires. L’OTAN a ainsi déjà annoncé vouloir renforcer les « garanties de sécurité » – comprendre l’envoi de troupes ou d’armement – pour les deux pays dans le contexte de la guerre en Ukraine en attendant leur adhésion totale à l’alliance transatlantique. Cela ouvre de nouvelles contradictions pour la Russie, qui pourrait voir ses conditions piétinées par l’OTAN.

Des adhésions à visée stratégique dans la stratégie des États-Unis contre la Chine

En postulant officiellement à l’OTAN, la Suède et la Finlande montrent également une volonté de rapprochement avec les États-Unis, dans un contexte de constitution de nouveaux blocs dans la nouvelle période qui s’ouvre à l’échelle mondiale, et notamment face à la montée de la Chine. Ainsi, Joe Biden va recevoir ce jeudi la première ministre suédoise et le président finlandais à la Maison Blanche pour discuter « des candidatures de la Finlande et de la Suède à l’OTAN, et de la sécurité européenne ». En dernier lieu, ces adhésions renforcent la rupture entre l’Occident et la Russie, et le réalignement de tous les acteurs en Europe face à cette nouvelle réalité géopolitique. Or, avec sa stratégie d’affaiblissement de la Russie, Biden cherche à neutraliser le partenaire le plus faible de l’axe eurasien Russie-Chine. Dans ce projet, Biden a su se trouver des alliés. L’Allemagne en est un de premier plan, et l’annulation du projet Nord Stream II a permis un renforcement de l’alliance entre les deux puissances. Mais la puissance américaine se cherche également d’autres alliés dans la région, et en avril, Japon, Corée du Sud, Australie et Nouvelle-Zélande assistaient par exemple pour la première fois à la réunion des ministres des Affaires étrangères de l’OTAN.

Dans ce contexte, l’intégration de la Suède et de la Finlande à l’OTAN permettrait un pas en avant dans le double encerclement de la Russie et de la Chine. Plus particulièrement, elle permettrait de contrecarrer la Chine dans son projet de nouvelle route de la soie. En effet, la Chine, qui se concentre pour l’instant sur l’Asie et l’Europe centrales, rêve d’une « route polaire de la soie » qui puisse s’étendre dans le Grand Nord. Depuis plusieurs années, des investisseurs chinois achètent déjà des infrastructures portuaires en Suède et des territoires en Islande, et la Chine a pour projet de construire une nouvelle voie ferroviaire qui partirait d’Arkhangelsk, ville portuaire de Russie, qui serait connectée à une des branches de la nouvelle route de la soie. Dans ce projet, la Finlande et la Suède ont donc une position stratégique, et la Chine pourrait se retrouver en difficulté face à une alliance États-Unis - Finlande - Suède.

La possibilité d’une adhésion de la Suède et de la Finlande à l’OTAN poursuit la dynamique de recomposition de blocs géopolitiques et militaires à l’échelle mondiale, dans laquelle chaque pays est poussé à se positionner. Mais ces blocs ne sont pas exempts de contradictions, et l’unité retrouvée de l’Occident pourrait se heurter à des difficultés financières, aux conséquences économiques et énergétiques de la guerre ou encore à l’influence de la Chine dans les pays périphériques et semi-coloniaux. Enfin, la situation économique et sociale engendrée par la pandémie et accélérée par la guerre en Ukraine risque de mettre ces puissances en difficulté sur le terrain de la lutte des classes et ce, sans distinction de bloc.


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