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Il y en a qui contestent, qui revendiquent, qui protestent...

Flics, « casseurs » et violences. Mélenchon mélange les genres ?

Dans un post qui fait le tour du web, Jean-Luc Mélenchon fait très fort. Tout en donnant des « conseils » de vieux sage à celles et ceux qui manifestent depuis plus d’un mois contre la loi El Khomri et contre le gouvernement, le dirigeant du Parti de gauche balance quelques pelletées d’ordures contre le mouvement, relaie les pires calomnies à propos de la mobilisation et, en prime, appelle les flics qui nous matraquent depuis des semaines à être « professionnels ». Un avant-goût de son programme présidentiel ? Corinne Rozenn

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À l’en croire, Jean-Luc a beaucoup usé ses semelles ce week-end. Après le rassemblement des lycéens contre la répression de samedi matin, il a été en manif l’après-midi pour finir, dans la soirée, à République, à Nuit Debout. Son bilan de la journée ? Enthousiasme et solidarité ? Pas du tout. Pour le député européen, le gros problème, c’est la violence… surtout quand elle vient du mouvement.

Dans son post publié dimanche, la violence, pour Mélenchon, ce ne sont pas les milliers de matraquages, les centaines d’interpellations, les dizaines de crânes fracassés. Pour lui, il faut renvoyer dos à dos « les violents [qui] isolent et minorent les mouvements sociaux en même temps qu’ils en violent le message, [et] la violence [qui] discrédite le policier qui la pratique quand il oublie la responsabilité qu’enjoint le port de l’uniforme et des couleurs républicaines ». Tout un programme qui en dit long sur le bagage politique du candidat déclaré à la présidentielle.

La théorie du « casseur » qui alimente le mauvais coup de tonfa, comme s’il pouvait y avoir une bonne matraque, légitime et républicaine, est vieux comme le mouvement ouvrier. Ceux qui s’en font l’écho ne font pas seulement fausse route. Quand il s’agit de responsables politiques de premier plan, il s’agit d’un message clair qui est délivré.

Mélenchon, en effet, précise ses propos vis-à-vis de ces casseurs casqués et plastronnés, pourvus de boucliers et d’armes de guerre que les gens de gauche, en règle générale, appellent les flics : « Mesdames, messieurs les policiers, et pour certains d’entre vous : chers camarades (sic). Il y a quelques mois le peuple vous serrait les mains, vous remerciait et vous présentait des condoléances après les attentats contre Charlie Hebdo ou ceux de la nuit du 13 novembre. Cette osmose du peuple et de ses forces de police était un atout essentiel de la cohésion de notre pays contre nos agresseurs. Ce capital de confiance et de respect ne doit pas être dispersé au fil des lacrymos et des charges contre un mouvement social populaire. Bien du mal est déjà fait, vous devez le savoir. Jeunes effectifs, n’oubliez pas le conseil de votre ancien, le syndicaliste policier Bernard Delplace qui, dans des circonstances pourtant plus rudes, s’était adressé à vos prédécesseurs : ‘qui frappe un homme à terre se déshonore’ ».

Mélenchon n’est pas un pacifiste absolu. C’est bien pour cela que, pour lui, il y aurait « nos agresseurs », et qu’il a voté les crédits de guerre pour intensifier les bombardements sur la Syrie et l’Irak au nom de la lutte contre Daech. Ce n’est pas non plus un partisan de l’action non-violente intégrale. Dans ce cas, la première chose à faire serait de dénoncer, outre la violence de cette société, la répression policière en tant que telle. C’est en tout cas le message délivré par un Martin Luther King. Ce qui « déshonore », si honneur il devait y avoir, c’est n’est pas de taper un manifestant à terre, mais le fait d’endosser l’uniforme de flics qui portent sur eux le sang des mineurs de Fourmies, des Juifs raflés par Pétain et les collabos, des Algériens jetés dans la Seine en 1961, des voltigeurs de Pasqua, de tous ces jeunes abattus comme des chiens dans les quartiers et de ceux qui ont contesté un ordre social injuste et se sont fait matraquer. L’essence même de la police, c’est de défendre la violence d’un système que Mélenchon appelle République. Il n’y a pas plus de convergence possible entre les salariés et les flics qu’entre le travail et le capital, précisément parce que les forces de « l’ordre » ne sont pas des travailleurs qui auraient un uniforme particulier. Ce sont les chiens de garde du patronat. Peu importe les raisons pour lesquelles ils auraient choisi ce « boulot particulier appelé répression ». Chauvinisme, goût de l’ordre, facilité ? Aucune ne saurait le justifier.

L’autre question serait celle de la « violence » des manifestants. Là encore une fois, dans le meilleur des cas, c’est mal poser les choses. Mélenchon, qui est un homme de lettres, devrait tout de même connaître ses classiques : « plus violent encore qu’un braquage de banque, c’est en fonder une », disait Bertold Brecht. Les « Panama Papers » n’en sont que l’énième confirmation. Ceci étant posé, il serait possible de discuter de l’efficacité et de l’utilité, pour les objectifs du mouvement, à savoir faire reculer le gouvernement et obtenir le retrait de la loi, des actions décidées en marge de la mobilisation et des AG qui seraient minorisantes, si elles ne sont pas collectives. Mais là encore, Mélenchon utilise un argument légitime… pour « montrer un ennemi du doigt » qui mélange, pêle-mêle, des « fonctionnaires de police » qui seraient « déresponsabilisés » et des manifestants exaspérés. À moins que de vouloir donner raison à la « justice » lorsqu’elle condamne les Conti pour avoir saccagé une sous-préfecture, des travailleurs d’Air France pour avoir arraché une chemise ou des Goodyear pour avoir retenu des cadres de leur boite.

Mélenchon, qui entend faire partager son « expérience de toute une vie engagée dans la lutte sur plusieurs continents » pour nous dire que « la violence ne nous mène nulle part », sait pertinemment que la « violence » qu’il faudrait davantage appeler « légitime défense » fait partie intégrante du mouvement ouvrier et du mouvement de la jeunesse depuis les origines. Ce qui leur est étranger (ou néfaste), en revanche, c’est la logique de la négociation dans le dos du mouvement, de la manif routinière qui vise à le faire crever de lassitude par absence de perspectives, du fameux « débouché politique » qui ne sauraient être que les urnes, si possible dans le cas des présidentielles. C’est bien ceux qui se font le relais de cette stratégie « qui épuisent et divisent le mouvement social ».

C’est à eux qu’il nous faudra imposer, à l’approche du second round de la mobilisation, à partir du 28 avril, la grève reconductible, dans la durée, ainsi que l’auto-protection des cortèges pour brider la répression policière, la seule façon de gagner, tous ensemble, et pas seulement contre la loi travail. Mais certains préfèrent brouiller l’horizon. Au point de dire, pour couronner le tout, comme le fait Mélenchon, que la loi El Khomri ce n’est pas l’œuvre de Hollande-Gattaz mais « la faute à l’Europe ». Pour qui roule Mélenchon ? Les militant-e-s du Parti de gauche, mobilisé-e-s depuis le début du mouvement contre la loi travail, « valent mieux que ça », dirait le hashtag.


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