×

Coupe du monde

France-Maroc : le match (réactionnaire) dans le match

De Zemmour au Rassemblement national, l’affiche de la demi-finale suscite les pires outrances réactionnaires et xénophobes. Ou comment pour l’extrême droite, gagner un match de foot c’est déjà trop lorsqu’on ne joue pas (ou ne supporte pas) avec le fanion bleu blanc rouge.

Nathan Deas

14 décembre 2022

Facebook Twitter

hoto : AFP/Fadel Senna

Cachez-moi cette joie que je ne saurais voir. Depuis plusieurs jours, la droite identitaire tient la chronique minutieuse des manifestations d’allégresse de la diaspora marocaine en Europe. Officiellement, au RN, chez Reconquête et chez certains élus LR on « craint » des « débordements » mais force est de constater qu’ils sont partout dans les médias pour diffuser cette « crainte » avec une gourmandise qu’ils ont bien du mal à masquer.

Dans ce qui ressemble à un quasi-lapsus, Alain Finkielkraut a d’ailleurs fini par lâcher le morceau sur C News. « L’illusion du vivre-ensemble va en prendre un sacré coup » mercredi soir « avec une preuve supplémentaire que la francophobie est un sentiment de plus en plus répandu en France ». Et de conclure : « Nous ne sommes pas à l’abri d’une bonne surprise ».

Une « bonne surprise » aux airs de « choc des civilisations footballistique » pour Eric Zemmour. Comprenez, les effusions de joie marocaines seraient la démonstration (à large échelle, coupe du monde oblige) d’une « colonisation inversée ». De son côté, le RN déroule un argumentaire identique, même s’il l’emballe un peu mieux dans sa stratégie de respectabilité : un soutien à l’équipe du Maroc est synonyme de refus « d’assimilation ». Jordan Bardella de commenter, reprenant une citation légèrement tronquée de l’historien Max Gallo : « Il y a des gens qui sont d’ici mais dont l’âme est incontestablement d’ailleurs ».

En fait, les plus énervés n’ont pas attendu la demi-finale pour brandir leurs « arguments ». Dès la victoire du Maroc sur la Belgique, les troupes d’Eric Zemmour sont montées au créneau pour dénoncer les « colons » marocains qui « remplaçaient » le drapeau belge par celui de leur pays d’origine. « Bienvenue au Belgikistan » titrait le torchon de la droite identitaire Valeurs Actuelles pendant que la victoire du Maroc sur l’Espagne accouchait de l’arrêt de toutes les subventions pour tout un quartier dans la municipalité Rassemblement National de Fréjus. Sur cette voie, en prévision des demies finales, Stéphane Ravier, cadre de Reconquête et conseiller municipal à Marseille, a défendu l’interdiction des drapeaux marocains.

Derrière cette rhétorique, l’extrême-droite tente d’entonner le vieux refrain des « ennemis de l’intérieur ». Les binationaux français sommés de choisir se verront reprocher de préférer le temps d’un match le drapeau rouge à étoile verte. De son côté, l’Etat Français, qui a convoqué pour l’occasion un dispositif policier « format XXL » se prépare à réprimer massivement les Marocains ou descendants marocains qui auraient l’audace de célébrer le parcours historique de leur équipe de foot. Une vielle habitude dans les puissances impérialistes, où les expressions de joies populaires de populations subissant l’oppression nationale et ethnique (d’autant plus lorsqu’il s’agit d’anciennes colonies) rencontrent systématiquement la violence policière et la matraque.

A l’encontre de ces délires racistes, espérons que quel que soit le résultat du match de ce soir, la force de la classe ouvrière et des couches populaires sera suffisamment puissante pour détruire les manipulations et discours racistes qui attendent toute opportunité pour alimenter la division des opprimés et des exploités. Il y a quelques jours, un homme blanc, était filmé arborant un drapeau marocain et criant : « c’est pour mineurs marocains » en référence aux 78 000 ouvriers marocains qui ont été amenés en France pour travailler dans les mines du nord du pays. A bon entendeur.

Sur cette voie, à bien des égards, l’équipe du Maroc a déjà réussi un exploit. Dans toute l’Afrique, dans tout le Moyen-Orient, et dans une grande partie de la planète les lions de l’Atlas ont attiré la sympathie des supporters de football et le temps d’une compétition de football des opprimés du monde entier. C’est que parmi, les belles images que les joueurs du Maroc nous ont offert, on retrouve des commémorations aux couleurs de la Palestine et comme un air de lutte des classes : celui de la victoire du petit contre les grands, de l’ancien colonisé contre l’ancien colonisateur. Une joie symbolique et gratuite. Et donc insupportable pour l’extrême-droite et la bourgeoisie impérialiste.


Facebook Twitter
Anasse Kazib convoqué par la police : « une procédure politique contre des dizaines de soutiens de Gaza »

Anasse Kazib convoqué par la police : « une procédure politique contre des dizaines de soutiens de Gaza »

Un an de prison avec sursis pour avoir soutenu la Palestine : exigeons la relaxe pour Jean-Paul Delescaut !

Un an de prison avec sursis pour avoir soutenu la Palestine : exigeons la relaxe pour Jean-Paul Delescaut !

Conférence de LFI interdite par l'Etat : une censure politique en pleine campagne des européennes

Conférence de LFI interdite par l’Etat : une censure politique en pleine campagne des européennes

Jeux Olympiques : le budget explose pendant que le gouvernement prépare l'austérité

Jeux Olympiques : le budget explose pendant que le gouvernement prépare l’austérité

TIG pour les parents, comparution immédiate : le nouveau projet d'Attal pour mettre au pas la jeunesse

TIG pour les parents, comparution immédiate : le nouveau projet d’Attal pour mettre au pas la jeunesse

Salariés réservistes de l'armée : Lecornu appelle au « patriotisme du capitalisme français »

Salariés réservistes de l’armée : Lecornu appelle au « patriotisme du capitalisme français »

Répression coloniale. A Pointe-à-Pitre, Darmanin instaure un couvre-feu pour les mineurs

Répression coloniale. A Pointe-à-Pitre, Darmanin instaure un couvre-feu pour les mineurs

100 jours d'Attal : la dette et les européennes réactivent le spectre de la crise politique

100 jours d’Attal : la dette et les européennes réactivent le spectre de la crise politique