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La Précarité Tue

Frédérique Vidal pleure une grille arrachée, mais pas un mot sur la précarité

Depuis l’immolation par le feu d’un étudiant lyonnais pour dénoncer sa situation de précarité, de nombreux rassemblements de soutien ont eu lieu et les étudiants commencent à se mobiliser. Face à ça la seule réaction de la ministre de l’Enseignement Supérieur a été de « condamner la violence » et « l’intrusion » à la conférence de François Hollande.

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Crédit Photo : Twitter // Julien Bouteiller

Obligée de prendre position alors que l’immolation d’un étudiant lyonnais commence à faire du bruit dans les universités et après des rassemblements importants devant les Crous, Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, a sorti hier un communiqué. Mais surprise ! Si elle y « condamne la violence et les dégradations », elle ne dit pas un mot sur la précarité et n’apporte aucune réponse à la situation des étudiants, alors qu’environ 20% d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté.

Depuis vendredi, la ministre et le reste du gouvernement sont restés plutôt silencieux. Si Frédérique Vidal s’est rendue à Lyon, sa visite est restée discrète. Sur place, elle n’a discuté qu’avec le personnel et la direction de l’université, et n’a pas dit un mot sur le lien entre le geste de ce jeune et l’augmentation de la précarité étudiante due aux réformes successives du marché du travail et de l’université.

De fait, la volonté du gouvernement et des directions des Universités est de faire baisser la contestation qui commence à grandir à la suite de cet acte et leur stratégie est simple : individualiser et dépolitiser le choix de ce jeune homme. Ainsi, la présidente de l’Université Lyon II, a déclaré ne pas « avoir connaissance de difficultés personnelles concernant cet étudiant » et rappelé que ce dernier « triplait sa deuxième année de licence » comme pour justifier la décision de ne pas lui donner de bourse. La ministre de l’Enseignement supérieur parle elle d’un « geste tragique » et de « l’émotion légitime » qu’il suscite avant de s’empresser de mettre en avant les « violences » des manifestations de soutien.

En effet, des étudiants ont décidé de se rassembler devant les Crous depuis ce week-end, hier ils étaient près de 1500 à Paris et les universités de Lyon et Lille se mobilisent. A Paris les jeunes rassemblés ont décidé de partir en manifestation sauvage jusqu’au ministère de l’Enseignement supérieur, dont la grille a été enfoncée. A Lille c’est à une conférence de François Hollande que les étudiants ont fait irruption. Cette radicalité qui s’exprime dans une partie de la jeunesse fait peur, d’où la réaction de Vidal qui refuse d’assumer sa responsabilité et celle des institutions dans le désarroi de nombreux jeunes et dans l’acte suicidaire de cet étudiant. Le gouvernement a peur que ce dernier soit l’étincelle qui réchauffe les braises, celle de 2018 et de la mobilisation d’ampleur contre Parcoursup et que les étudiants suivent le monde du travail et les Gilets jaunes, unis contre la réforme des retraites.

Au travers de son communiqué, la ministre cherche donc à dépolitiser cet acte profondément politique et militant, et à faire croire à la responsabilité individuelle du jeune étudiant sur sa situation. L’étudiant lyonnais est ainsi décrit comme un cas particulier, dont les difficultés ne seraient pas dues aux dysfonctionnements du système éducatif et à la destruction des acquis sociaux. Pourtant, dans sa lettre publiée sur Facebook ou il explique son acte, l’étudiant explique clairement qu’il accuse « Macron, Sarkozy et Hollande de l’avoir tué en créant des incertitudes sur l’avenir de tou-tes ». Comme l’explique une de ses amies, Beverly Rubin à Libération, « il avait du mal à payer ses factures avec sa seule bourse. En plus, son logement étudiant était insalubre, avec des punaises de lit, des cafards ». Une situation partagée par de nombreux étudiants, obligés de vivre dans des appartements minuscules ou insalubre et qui vivent avec très peu.

Cet acte a ainsi poussé de nombreux étudiants à sortir du silence sur leur difficultés, racontant comme Alberta sur France 3 devoir « travailler 12h par semaine » seulement pour se nourrir, ou, comme Sophie qui explique à Brut « s’en sortir en travaillant au black » et en s’entassant dans des petits appartements. D’autres étudiants ont dû dormir dans la rue ou chez des amis, n’ayant pas de quoi se trouver un logement. Alors que les loyers augmentent et que les APL ont baissé suite à une mesure gouvernementale, que la vie étudiante coute de plus en plus chère (+2,83 % en 2019), que la sélection se fait de plus en plus dure et que la pression à réussir est renforcée, oui « la précarité tue ».

Contre le gouvernement, qui a dénoncé ce matin au travers de Sibeth Ndiaye toute « instrumentalisation politique » de cet acte, il s’agit donc au contraire de construire une réponse politique car collective à ce geste désespéré et à la situation de précarité qui frappe la jeunesse. Comme les étudiants chiliens, équatoriens, algériens, irakiens, libanais et dans le monde entier, la jeunesse française a le pouvoir de se relever pour demander une vie qui corresponde à ses aspirations.

Organisons-nous sur nos lieux d’études pour que le message que nous adresse Anas ne reste pas lettre morte et pour répondre à Frédérique Vidal que ce qui est violent ce n’est pas de déchirer un livre ou d’enfoncer un grillage, mais bien le quotidien de toute une partie de la jeunesse qui subit pauvreté et précarité.


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