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Dialogue social

Fusion des instances de représentants du personnel : Macron veut court-circuiter les syndicats

Dans le cadre de sa réforme du travail, le gouvernement prévoit de remplacer comité d'entreprise, délégués du personnel et CHSCT, par une instance unique. Une mesure passée dans l’ombre mais qui constitue une attaque d’ampleur contre les droits de représentation des salariés et s’inscrit dans une stratégie de court-circuitage des organisations syndicales.

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Crédit Photo : SFA (20 minutes)

C’est une mesure qui a fait peu parler d’elle en comparaison avec d’autres. Pourtant, l’intention de fusionner les instances représentatives du personnel (IRP), au programme de la réforme du marché du travail, fait partie des trois chantiers prioritaires annoncés par Muriel Pénicaud le 6 juin. Avec le référendum d’entreprise et l’inversion de la hiérarchie des normes, elle constitue une des pierres angulaires du « dialogue social » à la sauce Macron.

La loi Rebsamen sur le dialogue social de 2015 a déjà étendu aux entreprises de moins de 300 salariés (contre 200 auparavant), la possibilité de mettre en place, sur décision de l’employeur, une délégation unique du personnel (DUP), et, nouveauté également, d’y intégrer le CHSCT. Elle deviendrait désormais le droit commun pour toutes les entreprises quelque soient leur taille.

Cette mesure conduirait à restreindre drastiquement la représentation des employés dans les entreprises. Selon Didier Porte, de Force Ouvrière : « Aujourd’hui, une entreprise de 100 à 149 salariés passant à la DUP perd six titulaires, trois suppléants et 49 heures de délégation par mois, affirme Didier Porte. Alors oui, en théorie, une fusion ne signifie pas forcément moins de droits, mais dans la réalité, c’est ce qui se passe. » Moins d’élus, moins d’heure de délégations et donc… moins de temps pour défendre les salariés. Nombre de syndicalistes prédisent qu’on parlera beaucoup plus des questions économiques dans cette future instance unique que des questions de sécurité des travailleurs, par exemple, dont la responsabilité incombe aujourd’hui aux CHSCT. Enfin, la variété des thèmes abordés supposerait des compétences élargies et renforcerait le phénomène de professionnalisation des représentants des employés, et leur coupure avec le reste de leurs collègues.

Mais la question va encore plus loin que la seule question de la représentation des salariés. En effet, dans la continuité de la logique de « dialogue social » dans l’entreprise, le gouvernement voudrait donner à cette instance de représentation la capacité de négocier des accords dans les entreprises. La ministre du Travail envisagerait même de supprimer purement et simplement les délégués syndicaux en les intégrant également à cette instance. En clair, ces instances de représentation seraient amenées à négocier directement les conditions de travail au détriment des syndicats. Or, un représentant du personnel ne bénéficie pas du tout des mêmes conditions pour défendre les salariés : pas de protection syndicale en cas de répression, pas d’assistance extérieure, pas ou peu de formation (qui est, de plus, assurée par le patron), etc. A titre d’exemple, un tiers des salariés déclarent craindre aujourd’hui des représailles s’ils venaient à s’engager dans une instance de représentation des salariés.

Cette mesure est emblématique de la conception du « dialogue social » à la sauce Macron. Il ne s’agit plus seulement d’obtenir le consentement des directions syndicales comme ses prédécesseurs, mais de court-circuiter purement et simplement les confédérations à tous les niveaux. Couplé au référendum d’entreprise et à l’inversion de la hiérarchie des normes, la réforme du code du travail constituerait une attaque sans précédent contre les droits syndicaux acquis par le mouvement ouvrier.

La réforme du « dialogue social » a fait réagir les directions syndicales, et a réussi à susciter une levée de bouclier jusqu’aux directions syndicales les plus promptes à négocier la casse du droit du travail. Pour preuve, la déclaration de Gilles Lecuelle, chef de file de la concertation pour la CGC : « Ce serait intolérable, c’est la mort du syndicalisme ». La CFDT cherche à négocier des garde-fous, somme toute très minimum, comme la présence d’élus mandatés par un syndicat dans l’instance unique, ou le fait de rendre obligatoire la signature d’un accord majoritaire pour pouvoir intégrer l’instance de négociation dans la DUP.

Ces annonces du gouvernement expriment la nouvelle conception « dialogue social » à la sauce Macron. Celui-ci a tiré les bilans de l’efficacité de la négociation avec les syndicats qui avait permis à Hollande de faire passer la loi travail au printemps 2016 avec la complicité notamment de la direction de la CFDT. Cette première étape du « dialogue social » acquise, et dans le contexte de passivité voire de complicité affiché par les directions syndicales jusqu’à présent face à l’offensive contre le code du travail, le gouvernement cherche à aller encore plus loin. Avec le spectre de cette modification radicale des formes de représentation des salariés, Macron cherche à leur faire accepter de signer tout et n’importe quoi, par peur de voir remettre en cause leur position privilégiée dans les discussions avec le gouvernement.

Une preuve de plus que la négociation et le dialogue apaisé entre des organisations qui représentent les travailleurs et un gouvernement au service du patronat n’existe pas, d’autant plus quand ce dernier prévoit de casser le code du travail.


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