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Edito

Geneviève Legay : symbole du tournant répressif de la macronie

Geneviève Legay 73 ans gilet jaune, retraitée et militante du collectif ATTAC 06, a été violemment bousculée à Nice lors d’une charge policière pendant l’Acte 19. Cette image a fait le tour des réseaux sociaux. Elle a suscité une vague d’indignation au-delà des frontières et en dit long sur le virage autoritaire que vient de prendre le gouvernement après l’Acte 18, pour mater la contestation sociale des gilets jaunes.

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Une image qui va rester dans les mémoires !

L’histoire des luttes est aussi souvent liée à ces images qui traversent les décennies et qui témoignent d’une situation sans avoir besoin de sous-titre, comme par exemple celle de cet étudiant debout devant un char militaire place Tiananmen en 1989. La photo de Geneviève Legay prise par un photographe de l’agence Reuters, où on la voit au sol, grièvement blessée et enjambée sans ménagement par les forces de répression restera longtemps dans les mémoires. Elle témoigne de cette politique bourgeoise et autoritaire qu’adopte le gouvernement du Président Macron, pour réprimer les manifestations.

Depuis 48 heures Geneviève Legay est le symbole de la contestation sociale, de ce droit de manifester et de lutter contre la politique du gouvernement. C’est le sujet central de toutes les rédactions depuis samedi soir et même en top tendance des sujets abordés sur twitter, avec le hashtag #GenevieveLegay.

Une image pleine de symbole, le corps inanimé au sol de cette retraitée de 73 ans, son rainbow flag « PAIX » tombé des mains, les policiers lui passant au-dessus comme on passe au-dessus d’une crotte de chien ou d’une flaque d’eau devant un trottoir, finissant par piétiner ce drapeau « Paix » que la septuagénaire portait depuis le début de la matinée. Cette photo envoie le message d’un autoritarisme décomplexé, ne considérant aucunement la santé ou la vie d’une manifestante de 73 ans. Les CRS s’opposant même, d’après des témoins de la scène, à ce qu’un Street Medic puisse prodiguer d’urgence les premiers soins. Il témoigne : « les gendarmes se sont écartés pour nous laisser passer. C’est là qu’on a vu surgir un haut gradé avec un casque blanc et une écharpe tricolore. Il hurlait. Il a ordonné à ses hommes de nous empêcher de passer. Les policiers eux-mêmes étaient embêtés, ils ne savaient pas quoi faire. Le commissaire était très énervé. On n’a rien dit, on voulait juste prodiguer les premiers soins à la dame. Il nous a fait embarquer et on a tous passé 10 heures en garde à vue ! ». C’est plus tard en voyant que la retraitée était encore inanimée, que l’un des CRS s’est dépêché de plonger ses doigts dans la bouche de Geneviève Legay, pour lui retenir la langue, afin qu’elle ne l’avale pas, le temps que soient contactés les pompiers.

Toujours hospitalisée dans un état critique, après avoir frôlé la mort, elle n’aura pas eu le droit aux mêmes attentions de la part du gouvernement que la devanture du Fouquet’s. Emmanuel Macron est même allé jusqu’à lui faire porter la culpabilité de l’agression qu’elle a subie, avec des propos ignobles dans Nice Matin « Elle s’est mise en situation d’aller dans un endroit interdit, de manière explicite ». C’est donc Geneviève Legay qui a cogné volontairement le bouclier et fait exprès de se fracturer le crâne contre un poteau, le tout « de manière explicite ». Il faudra donc sûrement attribuer le prix Nobel de la paix à Emmanuel Macron, qui protège coûte que coûte les policiers, qui pourront ainsi continuer à blesser, mutiler, éborgner en toute impunité.

Une retraitée de 73 ans ou une « militante altermondialiste » ?

Les relais médiatiques de la morale bourgeoise sont toujours en avance en ce qui concerne la manière de traiter un sujet, tantôt pour aggraver les choses, tantôt pour essayer de les banaliser.

C’est en ce sens que lors de l’Acte 18, nous avions eu le droit par exemple, aux meilleures tirades, « le fouquet’s saigné », « la plus belle avenue du monde défigurée », « les assassins du fouquet’s », « des salariés au chômage technique ». C’était d’ailleurs la même chose pour Sébastien, ce gilet jaune qui a eu la main arrachée devant l’assemblée nationale, et qui avait eu le droit, lui aussi, à tous les décryptages techniques pour le rendre coupable d’avoir perdu sa main.
Si Geneviève a pu bénéficier pendant quelques heures d’une certaine présomption d’innocence, étant « une retraitée de 73 ans », aujourd’hui finies les gentillesses. Comprenez que les termes ont un sens pour justifier le tournant autoritaire du gouvernement. Continuer à parler de retraitée de 73 ans fait tâche dans le discours martial que veut instaurer la Macronie. Voilà donc qu’une retraitée pacifique de 73 ans avec son drapeau « Paix » est devenue dans la bouche des éditorialistes, « une militante altermondialiste ».

Qui pourrait bien se soucier de la vie ou la mort d’une militante, hein ? D’une retraitée de 73 ans, très certainement, mais d’une militante, de surcroît « altermondialiste » ? C’est tout juste si les politiques et les journalistes n’avaient pas envie de dire qu’elle l’avait bien cherché. C’est en tous cas à quelques tournures de phrases près, le discours des médias depuis 24h, qui ne cessent de mettre en avant le militantisme de Geneviève Legay. Et ce comme si on ne pouvait être militante et âgée de 73 ans. Marlène Schiappa qui n’a de féministe que le nom de son ministère est prête à tout pour protéger son gouvernement et a même expliqué dans l’émission des Grandes Gueules qu’« Elle n’a pas été en contact direct avec les policiers, mais [qu’] il s’agissait d’un mouvement de foule ». L’animateur Eric Brunet est allé jusqu’à dire que « C’était un acte de transgression. C’est dégueulasse de dire que c’est la faute de la police alors qu’elle est tombée sur un poteau ». Dans cet océan d’ignominies, les soutiens et l’indignation contre cette violence sont plus nombreux que ceux qui ont le monopole médiatique dans cette période. Des messages et témoignages de soutien par milliers, de militants politiques, associatifs ou syndicaux, mais également de gilets jaunes et même de personnes jusque là opposées au mouvement, mais qui n’acceptent pas la manière de gérer cette crise sociale avec l’armée, les gaz et les matraques.

Retour du spectre de la révolution ?

Cette crise, ouverte avec le mouvement des gilets jaunes montre encore à quel point celles et ceux qui se disent les garants de la « démocratie » ou des « libertés fondamentales », n’en ont en réalité que faire quand les intérêts de la classe dominante sont menacés. Pour cela, ils sont prêts à faire appel à l’armée, à réclamer qu’on tire à balles réelles, ou encore à criminaliser quelqu’un qui s’est fait réprimer comme Geneviève Legay à 73 ans ou les dizaines d’autres blessés graves du mouvement des gilets jaunes. Ils diront pourtant demain la main sur le cœur qu’il faut penser « à nos petits retraités » et donc augmenter le nombre d’années de travail, pour financer leurs retraites.

Ils revendiquent l’ONU, mais n’aiment pas recevoir de leçons de la part de Michelle Bachelet, haut-commissaire au droit de l’homme aux nations unies. Ils créent des postes fictifs de « Défenseur des droits », mais récusent toutes dénonciations des violences policières par ce dernier. Ils refusent la suppression du Sénat, demandée par les gilets jaunes, mais le boycottent comme l’a fait Edouard Philippe, lorsque les sénateurs mettent leur nez dans l’affaire Benalla.

Un système bourgeois, pour la bourgeoisie et par la bourgeoisie, qui au final ne sert à rien si ce n’est être là pour garantir uniquement une chose, les intérêts de sa classe. C’est pour cela qu’une femme comme Geneviève LEGAY n’est rien pour eux à côté d’une vitrine cassée du Fouquet’s.

Ils le savent pertinemment, il y a un retour du spectre de la révolution. Yves Thréard éditorialiste au Figaro sur le plateau de C dans l’air, explique « Il y a aujourd’hui une forme de lutte des classes, avec ce mouvement des gilets jaunes ». Dans un sondage récent pour Atlantico, 39% des sondés disent qu’il y a besoin d’une révolution pour changer le système.

C’est dans ce sens que tout le bloc bourgeois se barricade derrière l’autoritarisme, seule manière pour eux d’essayer d’arrêter une crise sociale qui dépasse le cadre pacifique des manifestations syndicales habituelles. Ils utilisent la loi et les institutions à leur avantage, jamais pour celui de la classe ouvrière. C’est surement ce que dénoncent le plus les gilets jaunes, les « inégalités » au sens large, qu’elles soient fiscales, sociales ou institutionnelles. La lecture de classe de la situation n’a pas été aussi intense depuis bien longtemps. Ils condamnent des vitres brisées, mais jamais les vies brisées par le capitalisme, les millions de chômeurs, de précaires, les 566 SDF morts en 2018 dans les rues. Pour reprendre une expression bien connue de Macron, c’est la lutte de ceux qui « ne sont rien » contre ceux qui « sont tout » , en d’autres termes, la lutte des classes, celle des ouvriers des chômeurs, des paysans, des petits commerçants, des retraités, des prolétaires, la classe de celles et ceux qui n’ont que leur force de travail pour vivre, face à la classe bourgeoise, celle des élites, des grandes familles, des financiers, des patrons du CAC40, qui exploitent et pillent les richesses dans le monde.

La prise de la Bastille n’était pas déclarée en préfecture

Ils dépensent des millions en commémoration de la révolution de 1789, ou encore très récemment pour le cinquantenaire de Mai 68, organisant les meilleurs feux d’artifice, mais ne tolèrent pas qu’une manifestation puisse avoir lieu pour réclamer du pouvoir d’achat ou contester le pouvoir en place. On entend parfois sur les plateaux télé « ce sont des révolutionnaires », voilà que cela devient péjoratif dans la bouche de ceux qui ferment les Champs-Elysées chaque 14 Juillet pour faire défiler les militaires, sur le dos de la révolution.

Leur nouvelle arme : parler d’interdiction de manifester, mais une interdiction de manifester ne peut arrêter un processus révolutionnaire. En réalité ils s’en fichent, mais c’est sous couvert de ces interdictions que le pouvoir en place se permet de réprimer plus durement le mouvement et justifier peut-être demain des morts, sous les balles de la police, ou sous les matraques des voltigeurs comme pour Malek Oussekine.

L’interdiction de manifester est contestée par les gilets jaunes, en effet cette obligation de déclarer les manifestations est liberticide. Sa création en 1935 a justement servi à mettre un frein à la contestation sociale des grandes grèves de 1934 à 1936. Encore dans de nombreux pays, les manifestations sont autorisées sans avoir besoin d’être déclarée, comme par exemple au Brésil ou en Argentine. Criminaliser des manifestants d’un mouvement spontané, sans organisation ni dirigeants élus, ni structure, sous prétexte que les manifestations ne sont pas déclarées, relève de l’absurde. Donc avant chaque samedi, il va falloir qu’un gilet jaune lambda, déclare une manifestation, sans être une organisation officielle, prendre la responsabilité pour des dizaines de milliers de personnes, pénalement et juridiquement.

De qui se moque-t-on ?

Il est donc urgent et primordial que dans les revendications partielles de ce mouvement, l’ensemble des gilets jaunes et du mouvement ouvrier réclament l’abrogation des lois d’interdiction et d’obligations de déclaration de manifestation. Heureusement en tout cas, pour ces charlatans du gouvernement, que la prise de la Bastille n’était pas déclarée !


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