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impunité policière

Babacar, menacé, étranglé et frappé par la police : la justice classe l’affaire sans suite

Le 16 mai 2019, Babacar est interpellé par la Compagnie de sécurisation et d’intervention de Seine-Saint-Denis (la CSI 93). Menacé, étranglé et mis à terre, son état lui vaudra 60 jours d’incapacité totale de travail (ITT). Début 2021, la justice enterre l’affaire alors même que l’enquête menée par l’IGPN dévoile l’ampleur des violences subies et la supercherie qu’est le récit des agents.

Louis McKinson

17 décembre 2021

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Le 16 mai 2019 à Epinay-sur-seine, alors que Babacar va pour garer son
scooter, il tombe sur l’interpellation en cours d’un homme suspecté de détenir des stupéfiants, brutalement interpellé à son tour, Babacar s’en sortira avec 60 jours d’ITT..
L’instruction de la plainte qu’il dépose à l’IGPN et l’arbitraire de la violence qui s’est abattu sur lui ce jour-là de la part de la CSI 93 établi n’empêcheront pas le parquet de Bobigny de classer l’affaire sans suite.

Selon le rapport de synthèse de l’IGPN consulté par Libération : quand Babacar arrive sur place, un policier le braque avec son arme de service, Babacar se fige de panique alors que le policier lui commande de partir. La suite de la séquence est captée par trois témoins qui filment l’opération. La première vidéo commence quand, après l’avoir braqué, le brigadier-chef est en train d’étrangler Babacar sur son scooter. Son collègue le rejoint, lui saisit le bras, et Babacar se fait mettre à terre si violemment que son tendon rotulien cède. C’est cette blessure au genou qui lui vaudra deux opérations et les soixante jours d’incapacité totale de travailler (ITT).

Interrogés lors d’un procès-verbal, les deux policiers justifient cette violence en affirmant que suite à l’interpellation du supposé détenteur de stupéfiants : « ils ont été pris à partie par une vingtaine d’individus ». Or les trois vidéos démentent cette affirmation. Dans la première on observe qu’il n’y a qu’une autre personne à proximité, elle est assise et menottée… Dans une autre vidéo : « les images permettent de voir la présence de Babacar, toujours au sol, près de son scooter. Autour de lui, huit policiers, dont quatre motards, marchent sur le parking quasi désert », selon le rapport. Et dans un autre,
Babacar est «  couché au sol, tout comme son scooter, entouré de trois individus calmes semblant lui porter secours, l’attitude passive des policiers motocyclistes laisse supposer une situation calme ».

Donc, au cas où l’état des corps et les témoignages ne suffisaient pas, les vidéos abondent. Le récit policier inverse du tout au tout le rapport de force, L’IGPN elle-même est obligé d’admettre que « contrairement à ce que le gardien de la paix écrivait, aucun individu hostile n’a été aperçu aux abords immédiats de Babacar ».

Les dix autres agents de la CSI 93 présents ce jour-là et qui ont été auditionnés ont tous défendu la thèse de l’hostilité sur place – et ce donc à l’encontre de ce que même l’IGPN a réussi à voir sur les vidéos. Le brigadier-chef avait quand même une autre excuse, il craignait « qu’il ne fonce sur lui avec son deux-roues ». Mais la palme du mensonge doit revenir à ses collègues qui ont quand même soutenu ne pas avoir été témoins des violences commises sur Babacar par leurs collègues.

Malgré toute l’enquête et les preuves, le tribunal de justice de Bobigny ferme les yeux et retient uniquement que Babacar c’est immiscé dans le contrôle. Quant au procès verbal des policiers, le procureur l’a jugé « incomplet et maladroit ». Aucun élément du dossier n’a été jugé suffisant pour ouvrir des poursuites pour faux en écriture publique et selon le procureur, il n’y a rien qui puisse prouver « une volonté de travestir la vérité ».

Et ainsi au tragique de la police aura succédé la comédie de la justice.

Les vidéos démentent le récit des policiers ?
– Oh ce n’est pas si simple, les caméras aussi ont un angle,et puis comment être sûr que ce n’est pas le réel qui se trompe ? Retenons le récit, dans le doute.

Les récits des policiers se contredisent ?
– Oh il y a « des versions qui sont très contradictoires dans cette affaire ».
Le procès-verbal est « incomplet ». Mais,« ce qui ressort du dossier, c’est
que cette personne est venue s’immiscer dans le contrôle » !

Les policiers justifient-ils des violences dont ils nient eux-mêmes l’existence ?
– Ah oui pardon, le procès-verbal est aussi « maladroit ».

Police partout, Justice ?
– Derrière.

Encore une nouvelle affaire qui s’inscrit dans la longue histoire le l’impunité policière. Face à cette impunité, pour la justice et la vérité de toutes les victimes de violences policières, il est toujours plus nécessaire de crier haut et fort que la police tue et mutile.


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