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Grèce-Eurogroupe. Vers un troisième plan de « sauvetage » ?

Plan d’austérité aggravé ou "Grexit" : chantage extrême sur la Grèce.

Damien Bernard Au surlendemain de la victoire du « non » et après le « Varoufexit », le débarquement de l’ancien ministre de l’Economie, sacrifié sur l’autel de la conciliation, Alexis Tsipras a proposé à ses créanciers, devant l’Eurogroupe, une solution provisoire visant à couvrir les besoins en financement des banques grecques sur l’ensemble du mois de juillet. Le premier ministre grec vise, par là, un accord à long terme avec les créanciers qui comporterait de nouvelles concessions, inspirées du plan d’austérité alternatif déjà proposé à la Troika, le 30 juin, tout en négociant une mise en discussion du rééchelonnement ou de la restructuration de la dette grecque. Pour Athènes, la justification avancée est celle, comme d’habitude, de « gagner du temps ». Suffisant pour justifier cette nouvelle reculade ?

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Tsipras prêt à de nouvelles concessions

Après le rejet, dimanche, par les Grecs du plan d’austérité proposé par la Troïka, Tsipras, accompagné de son nouveau ministre des finances, Euclide Tsakalotos, a accepté les exigences de Berlin consistant à présenter de nouvelles propositions devant l’Eurogroupe, à Bruxelles, ce mardi 7 juillet. La veille, la décision de la BCE de resserrer, plus encore, les conditions de financement des banques grecques, ont contribué à asphyxier un peu plus l’économie hellénique, secondant ainsi la ligne dure dictée par Merkel qui, malgré la défaite du « oui », maintient la pression sur Athènes.

Le nouveau ministre des Finances, Euclide Tskalotos, ancien négociateur en chef des Grecs devant l’Eurogroupe, a préféré laisser Tsipras intervenir, moins par un respect de l’étiquette que par une énième manœuvre du Premier ministre. Il s’est avancé sur le moins possible, à l’exception que l’essentiel des mesures proposées par la Troïka soient reprises, uniquement, cependant, à la condition qu’Athènes puisse poser sur le tapis la question de la dette.

A la sortie de l’Eurogroupe, son président, Jeroen Dijsselbloem, a confirmé, que la Grèce demanderait officiellement mercredi « une nouvelle aide financière au MES », le fonds de « sauvetage », en vue d’un « troisième plan d’aide », devant permettre « un accord restaurant des liquidités dans le système bancaire grec ».

Tsipras et le gouvernement grec se montrent à nouveau prêts à accepter les impositions des créanciers pour un nouveau plan d’austérité. Ces nouvelles propositions de contre-réformes seront présentées ce mercredi dans une nouvelle réunion de l’Eurogroupe, dans un texte de synthèse, tenant compte « des propositions des institutions », « des résultats du référendum », et de la position commune des partis politiques grecs, née de « l’union nationale », invoqué par Tsipras suite aux résultats du scrutin de dimanche.

Pour la Troïka et les impérialistes, éviter un « grexit »

En amont de la réunion de l’Eurogroupe, l’Allemagne a entendu donner de la voix. Elle s’exprime à travers les propos tenus par Sigmar Gabriel, vice-chancelier social-démocrate de Merkel qui, a réaffirmé qu’une éventuelle discussion sur un allègement de la dette grecque n’était pas envisageable…. avant la mise en œuvre de réformes par Athènes. La chancelière a estimé, de son côté, qu’il n’y a toujours pas de base pour des négociations avec la Grèce, évoquant un délai de plusieurs jours pour parvenir à un accord avec Athènes. Cela visait à maintenir sous pression la Grèce avant les négociations.

Mais cette pression a été contrebalancée, au cours de la séance de discussions de ce soir, faisant transparaître de possibles compromis concernant la restructuration de la dette, ce dont l’Allemagne, pour des raisons autant structurelles que de politiques intérieure, refuse de parler. L’Irlandais Michael Noonan, souvent classé comme le plus virulent en séance derrière l’Allemand Wolfgang Schäuble, a ainsi pu déclarer « vouloir négocier », ajoutant même que « la restructuration de la dette faisait partie des discussions ».

Il s’agit, en effet, pour les dirigeants de la zone Euro, d’une étape charnière. Indépendamment des fortes pressions exercées sur et depuis Berlin, le risque serait qu’Athènes en vienne à basculer par « accident » hors de la zone euro. Le diktat de la ligne dure imposée par l’Allemagne, la pression de la Troïka et, surtout, la fermeture des robinets de financement de la BCE, qui visaient avant tout à faire payer politiquement « l’insolence » de Tsipras, ont poussé la Grèce et ses banques aux limites mêmes de la faillite, risquant ainsi une sortie « désordonnée » de la Grèce de la zone euro. Une telle sortie pourrait déboucher sur une crise politique et économique sans précédent pour la zone euro et faire boule de neige dans les pays périphériques, à commencer par l’Etat espagnol ou le Portugal, voire même l’Italie.

Cette voie, bien trop risquée, n’est aujourd’hui pas le choix des impérialistes ni de la Troika. Aussi bien les Etats-Unis et son président, Barack Obama, que les dirigeants européens ont exprimé une « volonté politique » de donner une autre chance à la Grèce. Merkel elle-même a pu ainsi déclarer dans une conférence de presse, suite au sommet européen, qu’elle n’excluait pas un troisième plan d’aide à la Grèce. « Aujourd’hui, nous menons le débat sur un troisième programme pour amener la Grèce à une situation stable », ouvrant ainsi les possibilités d’un accord qui même cet après-midi ne lui semblait pas à l’ordre du jour.

« Prêt relais » en vue d’un troisième plan de « sauvetage »

En échange, les créanciers donneraient dans un premier temps, à la Grèce, une sorte de « prêt relais » de quelques milliards d’euros très rapidement. Cyniquement, l’argent proviendrait notamment des « bénéfices » réalisés par la BCE, en 2014 et 2015, sur les obligations helléniques, dont les intérêts ont été financés par les coupes imposées par les plans d’austérités touchant le peuple Grec.

Après avoir asphyxié la Grèce, l’objectif pour les créanciers est d’éviter toute sortie « accidentelle » de la Grèce. La France en premier lieu, plaide pour une solution qui permette à la Grèce de passer les échéances financières de l’été (3,5 milliards d’euros dus à la BCE le 20 juillet et 1,5 milliard au FMI en juillet notamment, puis 9 milliards en août).

Dans un second temps, un troisième plan de « sauvetage », d’une durée de 18 à 24 mois serait mis en place par les créanciers. Selon une source proche du gouvernement grec, Tsipras pourrait remettre sur la table les propositions du 30 juin « améliorées », incluant « des réformes, un programme d’investissement et une restructuration de la dette ». Sorte de reculade reproposée, donc, mâtinée de renégociation partielle de la dette, si tant est que Berlin le permettait, voilà ce que Tsipras est en train de « décrocher ».

Une capitulation de plus pour Tsipras

Le résultat du référendum, a démontré qu’il existe une majorité claire du monde du travail et des classes populaires qui s’oppose aux politiques austéritaires. Pour Tsipras, cependant, il s’agit de poursuivre les efforts « fort de l’arme robuste du verdict du peuple grec (...) qui s’est prononcé à une large majorité en faveur d’un accord viable pour mettre fin aux discussions et ouvrir la voie à une sortie de crise ». Ainsi, Tsipras use de ce « non », pour capituler une fois de plus devant le monde du travail, en visant à imposer un nouveau plan d’austérité remanié aux masses grecques.

Confisqué par Tsipras, le « non » au référendum pourrait redonner l’initiative à la Troïka et aux créanciers. Ces derniers veulent faire payer leur crise aux travailleurs grecs. Pour mettre un frein à la capitulation en cours de Tsipras, et pour faire payer à l’impérialisme et au patronat grec la facture de la crise, l’heure est aux manifestations et à l’action sur les lieux de travail. C’est bien-là la seule « négociation » envisageable. Face à la tyrannie économique et politique des diktats de la Troïka et aux échecs successifs de la stratégie de négociations de Tsipras, seuls les travailleurs, la jeunesse et l’ensemble des exploités et des opprimés peuvent présenter une réelle opposition à l’austérité et à l’Europe du capital.


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