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Greenwashing : Total ferme des sites en France au nom de l’écologie mais ravage l’Afrique

En mai dernier, Total annonçait avec aplomb son objectif « neutralité carbone » pour 2050. C’est ainsi qu’au nom de cette « reconversion au vert » que le groupe pétrolier peut décider de la fermeture des unités de raffinage de Grandpuits (Seine-et-Marne), site sur lequel les travailleurs luttent depuis des mois. Parallèlement, Total s’implante en Ouganda et finance un grand projet de pipeline aux conséquences sociaux-économiques et environnementales s’annonçant désastreuses.

Eli Sand

2 septembre 2020

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Crédits photo : Rig de forage en Ouganda. ©Laurent Zylberman - Tota

Avenir incertain pour les unités de raffinage du site de Grandpuits : quand Total se la joue écolo

Depuis plusieurs mois, les travailleurs de Grandpuits se préparent à la lutte pour empêcher la fermeture des unités de raffinage de ce site de Seine-et-Marne, mais également contre l’issue proposée par Total, à savoir, une reconversion de l’usine vers une production de bioplastique. Une solution loin d’être souhaitable pour tous les salariés de Grandpuits. Et pour cause, si la raffinerie de La Mède près de Marseille, et contrairement aux raffineries des Flandres près de Dunkerque, de celles de Reichstett (Bas-Rhin), de Berre (Bouches-du-Rhône) ou encore de Petit-Couronne (Seine-Maritime), a échappé à ce déclin du raffinage en France durant la dernière décennie en subissant une reconversion aux biocarburants, le bilan social et salarial est loin d’être admirable. Sur les 430 salariés qu’employaient la Mède, seuls 250 ont pu conserver leur poste selon les chiffres de Total lui-même.

Autrement dit, une reconversion du site de Grandpuits engendrerait la suppression de plusieurs centaines de postes, menaçant également les emplois de tous ceux qui travaillent sur le site en tant que sous-traitants ou prestataires mais aussi dans les bars et restaurants alentours.

Des conséquences sociales désastreuses au nom d’une reconversion « verte » affichée avec insolence par Total. C’est ainsi qu’en mai dernier, la multinationale annonçait son ambition « neutralité carbone » pour 2050, et poursuivait par une déclaration de son PDG, Patrick Pouyanné dans le cadre de la coalition Climate Action 100+ : « Les marchés de l’énergie évoluent, tirés par le changement climatique, les technologies et les attentes de la société civile. Total s’engage à contribuer activement à relever le double défi consistant à fournir plus d’énergie avec moins d’émissions. »

Un énième greenwashing donné à voir pour faire bonne presse. De fait, la sincérité de Total sur ses préoccupations climatiques et environnementales est plus que contestable.

La promotion du vert sur fond de précarisation salariale et de danger social et environnemental

Ainsi, c’est au nom de cette « reconversion au vert » que le groupe pétrolier peut décider de la fermeture des unités de raffinage de Grandpuits (Seine-et-Marne), alors même que la raison principale, selon la CGT, syndicat majoritaire, serait le coût de la remise en état du pipeline d’Ile-de-France (PLIF). En effet, endommagé, cet oléoduc qui alimente en pétrole brut la raffinerie de Seine-et-Marne a déjà connu deux fuites (2014 et 2019). Mais voilà, des travaux estimés à 300 millions d’euros c’est trop pour Total, bien que le 1er avril dernier le groupe versait près de 1,8 milliards d’euros de dividendes pour ses actionnaires

Le groupe préfère donc se cacher derrière le drapeau vert de l’écologie, affichant son engagement dans « une stratégie de développement rentable des énergies durables », toujours selon les mots de son PDG. Pourtant, additionnant les contradictions, Total n’hésite pas parallèlement à cet étalage écologiste, à aller s’implanter dans des aires naturelles protégées en devenant opérateur principal d’un gigantesque projet pétrolier et pour lequel le groupe versera près de 575 millions d’euros au pays en question. Ce pays, c’est l’Ouganda et ce projet porte le doux nom de « Tilenga ».

Agissements qui ne sont finalement pas si surprenants ; comme l’explicitait Adrien Cornet, travailleur et délégué CGT à Grandpuits dans une interview pour Révolution Permanente : « Fermer une raffinerie c’est aller produire du carburant dans des pays où les normes sociales et environnementales sont plus basses qu’en France ».

Afin d’assouvir sa soif d’or noir et de capitaux, la multinationale française en collaboration avec d’autres compagnies pétrolières anglaises et chinoises investit dans ce projet colossal dénonçait par plusieurs ONG, dont les Amis de la Terre. Cette dernière a lancé une pétition afin de dénoncer ce projet dont les conséquences seraient désastreuses sur de nombreux plans.

D’une part, sur le plan environnemental, Total a pour ambition de forer plus de 400 puits pour l’extraction, or, les réserves de pétrole se situent en plein cœur du parc naturel protégé des Murchison Falls et l’oléoduc long de 1 445 km qui servirait au transport du pétrole impacterait des territoires en Ouganda et en Tanzanie.

D’autre part, les conséquences socio-économiques sur les populations sont à prévoir, certaines ont d’ailleurs déjà été expérimentées. Les témoignages recueillis par les Amis de la Terre révèlent alors les pratiques déplorables du groupe et ses stratégies d’intimidation sur les habitants qui doivent quitter leurs terres. De plus, pour la plupart vivant de l’agriculture, les familles qui ont été expulsées ont bénéficié d’une indemnisation trop maigre pour leur permettre de racheter des terres et refaire leur vie. Mobabazi témoigne : « Nos enfants ne sont allés à l’école depuis 2017 car nous n’avons plus d’argent pour cultiver puis vendre nos récoltes ».

Sur de tels projets pétroliers, la production de capital est des milliards de fois plus importante que la production d’emplois. Et comme toujours dans cette société où le capitalisme est roi, les bénéfices économiques iront avant tout dans les poches du groupe aux milliards de capitaux : de cet or noir, le pays et la population ougandaise ne pourront en recueillir que quelques infimes gouttes.

Expulser des familles entières de leurs lieux de vie par des intimidations à répétitions, accaparer les terres agricoles et détruire la faune et la flore locale, menacer l’éducation des enfants… c’est donc ça le projet d’avenir de Total ?

Le greenwashing par Total ou la distraction par le vert

Hier, Total était fier de nous annoncer son association avec une filiale du groupe financier australien Macquarie, pour développer cinq projets d’éoliens flottants offshore aux larges des cotes de Corée du Sud. Encore une fois, Total rajoute une nouvelle couche de son vernis plus verdâtre que vert sur ses agissements, pour prouver que lui aussi est dans la ligne des Accords de Paris.

Personne n’est dupe, le groupe pétrolier n’en a que faire des impératifs sociaux et environnementaux. Il ouvre les vannes de la précarisation de milliers de familles ougandaises, de centaines de travailleurs et sous-traitants françaises. Mais ni ces travailleurs ni ces populations ne doivent payer pour permettre au capitalisme de mettre du vert à sa toile.

Total est à ce jour en audience d’appel, qui se tiendra à la Cour d’Appel de Versailles en octobre prochain, pour son projet en Ouganda pour non-respect de la loi sur le devoir de vigilance. De leur coté, les travailleurs de Grandpuits continuent de se préparer à la lutte contre la fermeture des unités de raffinage sur leur site.


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