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Une conquête suspendue au vote du CA ce jeudi

Grenoble. 60 migrants logés à la fac pendant la trêve hivernale, grâce à l’action des soutiens

Dans l’agglomération grenobloise, depuis le 4 décembre 2017, une soixantaine de migrant.e.s/ exilé.e.s occupent un bâtiment du campus universitaire de Saint-Martin d’Hères. Cette action a commencé par l’occupation d’un amphithéâtre pour finalement se prolonger par la mise à disposition d’un bâtiment vide par la direction de l’université.

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Cette action d’occupation a été initiée par un collectif proposant des cantines solidaires hebdomadaires sur le campus grenoblois (La Tambrouille) face au constat du grand nombre de personnes sans-abri en plein hiver, dont une soixantaine dormant près de la mairie de Grenoble et qui ont été rencontrées par des membres du collectif. Cette occupation avait vocation à fournir un hébergement à des personnes qui en sont dépourvues et qui sont pour la plupart en procédure de demande d’asile.

Ainsi, une soixantaine de personnes, qui auparavant dormait dans les parcs de Grenoble et était la proie des politiques répressives à l’encontre de ces nouveaux boucs émissaires que sont les « migrants », a trouvé refuge au Patio. De jeunes et moins jeunes hommes seuls en provenance de Guinée, de Gambie, du Soudan, d’Érythrée, du Mali, ou encore du Sénégal se mêlent aux familles Roms et aux militants associatifs et étudiants. Elles et ils auto-gèrent la vie collective du lieu de vie qu’est devenu le Patio, rythmé par les repas en commun, les réunions des habitants et les AGs, les cours de français et d’anglais mais aussi de sousou, peul, wollof ou malinké.

L’occupation du campus suspendue au vote du CA ce jeudi

« Pourquoi une occupation sur le campus ? », vous direz-vouspeut-être. Cette occupation nous permet d’avoir un autre interlocuteur que la préfecture. En temps normal celle-ci n’a que faire de nos revendications, aussi humanistes soient-elles, et expulse impunément des gens sans les reloger durablement par la suite alors-même que l’accès à un logement est un droit. Nous trouvons avec la direction de l’Université Grenoble-Alpes un interlocuteur qui accepte de prêter oreille aux problèmes que nous soulevons et, nous expulsant de l’Amphi initialement occupé, a décidé de mettre à disposition de notre collectif un bâtiment vide du campus : le Patio.

Bien que ce dialogue avec l’université soit sous-tendu par un rapport de force entre eux et nous, la direction semble disposée à nous fournir le soutien matériel dont nous avons besoin dans notre action politique de « visibilisation » du problème des sans-logis et des demandeurs d’asile. Après la mise à disposition du Patio, initialement jusqu’au 22 décembre (date de fermeture des locaux universitaires pour les vacances), face à la détermination des habitants et des militants d’y rester au-delà de cette dateet à l’engagement pris par la direction de l’Université de ne pas recourir aux forces de l’ordre pour évacuer le Patio, la direction a d’abord annoncé le maintien du Patio jusqu’à la fin des vacances de Noël(en mettant en place des astreintes de sécurité), puis jusqu’à la fin de la trêve hivernale. Cette décision devant être proposée au vote du Conseil d’Administration de l’Université le 11 janvier 2018, que se passera-t-il ensuite ? Personne ne le sait encore mais militants et habitants travaillent conjointement afin de maintenir le Patio ouvert.

Une lutte pour interpeller sur le sort des migrants et des mal-logés

Au-delà de l’aide d’urgence que le Patio solidaire apporte, cette action a vocation à interpeller les pouvoirs publics sur les pointssuivants :

1) Dans l’agglomération grenobloise il y a au moins 2 000 personnes « à la rue », 4000 dans le département, on compte pourtant environ 10 000 logements vides. Sur la base d’un constat aussi insupportable, nous appelons la préfecture à respecter les lois figurant dans le code de l’action sociale et des familles, en fournissant des solutions pérennes d’hébergement à toutes les personnes « à la rue ». Pour cela, des moyens légaux existent, permettant notamment de réquisitionner ces bâtiments vides et d’user du droit de préemption. Cela permettrait à la mairie et à la préfecture de mettre à disposition et d’aménager ces bâtiments vides, afin d’accueillir convenablement les milliers de personnes dépourvues de logement.

Précisons que la mairie de Grenoble médiatise en ce moment la mise à disposition et le conventionnement de deux maisons pour des personnes sans-abris et par le biais de structures associatives créées pour l’occasion. Il s’agit pour nous d’une occasion de rappeler deux choses : d’une part, ce conventionnement s’effectue selon des conditions très strictes (nombre d’habitants limité à cinq personnes, durée d’un an renouvelable seulement deux fois, possibilité d’y mettre fin unilatéralement par la mairie à tout moment sans indemnité ni engagement de relogement...) D’autre part, cela ne doit pas nous faire oublier la politique répressive de l’État, relayée par la mairie de Grenoble, en ce qui concerne les squats et les campements : expulsions et coupures d’électricité avant et pendant la trêve hivernale, expulsions de campements à répétition (Esmonin, Flaubert, Valmy 1 et 2), politique répressive contre les personnes dormant dans ses parcs, etc. Ainsi, il semble que ces conventionnements, aussi intéressants soient-ils pour les personnes à qui ils permettent de trouver un abri, correspondent aussi à une tentative de la mairie de Grenoble de rendre plus acceptable les agissements mentionnés plus haut, opérant un chantage « conventionnement ou expulsion » et opposant ces conventionnements aux squats existants.

2) Nous demandons que les demandeurs et demandeuses d’asile en procédure Dublin soient pris en charges par l’OFII (Office français de l’immigration et de l’intégration). Autrement dit que la procédure Dublin, mise en place par l’U.E, et visant à empêcher les demandeurs et demandeuses d’asile de choisir leur pays d’accueil ne soit pas suivie par le préfet. Et que l’État français, qui se dit le pays des droits de l’Homme, assume ses obligations et ses responsabilités en prenant en charge les personnes qui souhaitent obtenir l’asile politique sur son territoire. Nous demandons l’abrogation du règlement Dublin qui ne vise qu’à forcer les pays du sud de l’U.E à durcir leur politique migratoire, conduisant notamment à l’irrespect des droits des migrant.e.s et à des traitements inhumains et dégradants de la part des forces de sécurité des pays, tant au sud qu’au nord de l’Europe, notamment afin de forcer les migrant.e.s à donner leurs empreintes ainsi qu’au moment de leur expulsion d’un pays vers un autre.

3) Nous demandons que les personnes en procédure de demande d’asile puissent bénéficier d’un placement en CADA (centre d’accueil pour demandeurs d’asile). Nous exigeons que les places créées en CADA ainsi qu’au sein de dispositifs tels que AT-SA, HUDA, CAO et CAES, CARDA, PRAHDA, CHUM, CPH soient rapidement et effectivement mises à disposition des migrant.e.s quelle que soit leur situation. Nous demandons que leur accompagnement et leur sécurité soit assurée, notamment en mettant fin à l’intervention des services de sécurité de l’État au sein de ces dispositifs d’hébergement et en mettant fin aux pratiques d’expulsion irrespectueuses des droits des migrant.e.s et demandeurs d’asile.

4) Nous demandons à l’État français de respecter ses obligations et prendre ses responsabilité en mettant un terme à sa politique impérialiste et néo-coloniale qu’est la Françafrique, une politique qui pousse des dizaines de millier de personnes chaque année à fuir la misère et les conflits armés. Nous dénonçons donc aussi la catégorie de « migrants économiques », employée par les médias et les politiques, prétendant que notre pays ne peut accueillir « toute la misère du monde ». Affirmant ainsi que les personnes fuyant des situations de misère et de danger dont notre pays est directement responsable ne viendraient pas en France pour de « bonnes raisons », et ne seraient donc pas légitimes à y séjourner durablement.

5) Nous demandons l’arrêt des arrestations des « sans-papiers », ainsi que du harcèlement policier auquel cette véritable chasse à l’Homme donne lieu.

6) Nous demandons le retrait de la circulaire « Collomb » qui prévoit d’autoriser l’accès des forces de police aux centres d’hébergements d’urgence. Une telle mesure ne ferait qu’accroître les difficultés que connaissent déjà les exilé.e.s sur le territoire français, en légitimant des pratiques illégales déjà à l’œuvre qui forcent des personnes en situation d’extrême vulnérabilité et sans logement à refuser des solutions d’hébergement dont i.elle.s auraient besoin.

Le combat politique ne fait que commencer, et nous espérons mobiliser sur le campus grenoblois et même au-delà afin d’obtenir gain de cause sur la base des revendications que nous venons d’exposer.

Suivre la lutte sur la page Facebook du Patio solidaire.


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