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Mouvement ouvrier

Grève à Vertbaudet. Face à la répression, faire front et passer à l’offensive pour gagner !

En grève depuis deux mois pour leurs salaires et pour la dignité, les salariées de Vertbaudet sont visées par une répression féroce qui ne fait que renforcer leur détermination. Pour gagner, il faut s’organiser afin d'étendre la grève et la solidarité !

Gabriella Manouchki

17 mai 2023

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Grève à Vertbaudet. Face à la répression, faire front et passer à l'offensive pour gagner !

Crédit Photo : Révolution Permanente

Près de Lille, les salarié·es de Vertbaudet, en grève depuis deux mois pour les salaires et la dignité font face à une répression particulièrement féroce. Après avoir tenté de démanteler une première fois leur piquet la semaine dernière, la police est passée à l’offensive ce lundi.

Une offensive répressive contre les grévistes de Vertbaudet

Alors qu’une partie des grévistes était au rassemblement organisé à Paris, la police a d’abord tenté ce lundi d’intimider les salariées en interpellant deux militants CGT venus les soutenir. Mardi, elle est passée à l’action pour déloger le piquet. Une opération qui, d’après les grévistes, se préparait depuis plusieurs jours, faisant suite à l’arrêté municipal du maire de Marquette-lez-Lille ordonnant l’évacuation du piquet.

« Ils ont enlevé tout ce qui était sur le piquet : notre tonnelle, nos tables, nos chaises, notre nourriture… Leur but, c’était de tout débarrasser. Ils ont mis des gros plots en béton le long de la route et ils restent sur place en permanence depuis pour nous empêcher de reprendre piquet », nous raconte Alyson, militante CGT Vertbaudet et représentante du personnel. Une opération particulièrement violente, durant laquelle la police n’a pas hésité à s’en prendre directement aux grévistes. L’une d’entre elles a été envoyée directement aux urgences après avoir été étranglée sous les yeux de ses collègues.

Le soir-même, le délégué CGT Vertbaudet a été visé par une véritable expédition punitive à son domicile : d’après un communiqué de la section syndicale, des hommes se sont rendus chez lui et l’ont embarqué, insulté de « sale gréviste », gazé, frappé et humilié, avant de le jeter du véhicule après avoir volé son portefeuille. Une action particulièrement choquante, dont les circonstances restent à élucider, comme le précise l’UL Tourcoing dans un mail ce mercredi.

« On se croirait dans un film. Même nos camarades qui ont beaucoup d’expérience à la CGT n’ont jamais vu ça. Tout va dans le sens de la direction. On nous dit tout le temps qu’ils n’ont pas le droit de nous faire ça, mais ils le font quand même », s’indigne Alyson.

Une colère grandissante face à la police et à l’inflexibilité de la direction

Si la police a réussi pour l’heure à déloger le piquet, moyennant une surveillance permanente devant l’entrepôt, les grévistes sont plus que jamais déterminées à en découdre. « On ne lâchera pas, c’est hors de question. Ça ne va pas nous freiner, ça nous a mis encore plus la rage ! », annonce Alyson. Face à la répression et à une direction qui se montre toujours aussi inflexible, les grévistes ont bien l’intention de durcir le ton.

Expulsées de leur piquet, elles se sont réunies en assemblée générale ce mardi. Il a été décidé de poursuivre la grève, mais aussi de refuser la nouvelle réunion de « dialogue social » proposée par le RH aux deux délégués syndicaux ce mardi. « Il nous a trop menti. Désormais, on refuse de discuter sans médiateur, et on veut discuter avec le PDG », explique Alyson. Pour les grévistes, la demande est toujours la même : « On veut des augmentations de salaires. Ça aurait pu durer deux jours, ils n’ont qu’à nous donner 150 euros. La direction prétend faire un pas en nous proposant de conserver notre prime d’activité, mais si on était payées convenablement, on n’aurait pas besoin de cette prime. Et tout le monde ne l’a pas. ».

« On fait 22 km par jour, on est abîmées par le travail. Ça fait 23 ans que je travaille à Vertbaudet. J’ai une hernie discale, un tendon déchiré à l’épaule. Ma santé ne me permet pas de travailler plus. On veut juste que notre travail soit reconnu à sa juste valeur », poursuit la gréviste. Une situation qui fait écho à celle de millions de travailleuses et de travailleurs dans le pays.

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La grève des Vertbaudet, un symbole pour toutes les travailleuses et les travailleurs qui relèvent la tête

Alors que, dans le fief de Darmanin, la police s’acharne contre les salariées, la grève prend une ampleur nationale. Après avoir construit pendant deux mois une très large solidarité autour de leur grève, les salariées se réjouissent de voir que le conflit est de plus en plus médiatisé. « De nouvelles initiatives seront annoncées dans les prochains jours. En attendant, on appelle toutes les organisations et soutiens à nous rejoindre en solidarité autour du piquet. On va se réinstaller, c’est sûr », annonce la militante syndicale.

Dans un contexte où Macron entend « tourner la page » de la séquence des retraites dans le plus grand mépris de toutes celles et ceux qui se sont mobilisés depuis le 19 janvier, la grève des Vertbaudet pourrait devenir un véritable symbole. Forte d’une combativité remarquable, elle incarne aujourd’hui la continuité de la colère entre le mouvement contre la réforme des retraites, durant lequel elle a commencé le 20 mars dernier, et la question des salaires.

D’ores et déjà, la fédération CGT Commerce a annoncé aux grévistes qu’elle comptait faire de leur lutte sa « priorité nationale ». Ce mercredi matin, la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet annonçait à son tour sur France Inter que la grève des Vertbaudet serait à l’ordre du jour de ses négociations avec Borne, pour exiger l’abandon de toutes les poursuites à l’encontre des grévistes ainsi que l’ouverture d’une médiation nationale avec la direction du groupe…

Mais, précisément, alors que la répression bat son plein contre les grévistes, l’heure devrait être à refuser tout « dialogue social » avec un gouvernement qui envoie la police réprimer les travailleuses en lutte pour leurs salaires ! Il n’y a en effet rien à attendre de Macron et Borne, et l’urgence est de construire une solidarité concrète, sur le terrain avec les Vertbaudet, tout en cherchant à étendre leur grève à l’ensemble des travailleurs du pays pour les salaires et contre les attaques du gouvernement. Une tâche que devrait assumer l’ensemble de l’intersyndicale, plutôt que de rejoindre la table des négociations à l’appel d’un gouvernement qui, après avoir ordonné la réquisition des grévistes, est aujourd’hui responsable de la répression des Vertbaudet et de l’ensemble du mouvement social.

S’organiser pour faire face à la répression et gagner

Dans ce moment charnière de la grève, il est possible de profiter du large soutien et de l’exposition médiatique dont elle bénéficie pour passer à l’offensive et gagner. Pour ce faire, dans la continuité de ce que les grévistes ont entrepris jusqu’à maintenant, il sera fondamental d’aller chercher jusqu’au dernier soutien disponible pour se dresser, y compris physiquement, en solidarité aux grévistes face à la police.

Comme l’a montrée le 24 mars dernier l’initiative du Réseau pour la grève générale en soutien aux raffineurs qui avaient été délogés de leur piquet suite aux réquisitions, face à la solidarité des travailleurs et de la jeunesse, il est possible de faire reculer la police et de gagner ainsi du terrain sur le plan matériel et moral.

Justement, ce 17 mai, au rassemblement appelé par le Réseau, les travailleurs ont tenu à envoyer un message de solidarité au Vertbaudet : « Ce que montre la répression de Vertbaudet, c’est que contrairement à ce qu’on veut nous faire croire, les grèves pour les salaires, ce n’est pas boîte par boîte qu’on va les gagner. Il va falloir se coordonner, parce que le gouvernement et sa police vont venir nous matraquer et nous soulever sur les piquets de grève. Il va falloir qu’on soit solides, qu’on soit organisés et qu’on se coordonne pour arracher une augmentation générale des salaires et leur indexation sur l’inflation, et c’est dans une lutte nationale que ça doit se poser et que ça va se poser », lançait Laura Varlet, cheminote et militante à Révolution Permanente.

De même, déjouer la manœuvre de la direction qui consiste à diviser les salariés entre grévistes et non grévistes est aujourd’hui une tâche prioritaire pour étendre la grève. Alors que la direction martèle un discours anti-grève au sein de l’entreprise tout en cherchant à octroyer des avantages à celles et ceux qui travaillent pour les dissuader de rejoindre le mouvement, les grévistes ont tout intérêt à continuer de tendre la main à leurs collègues pour les convaincre de saisir une opportunité de gagner bien plus.

Pour penser au jour le jour comment répondre collectivement à ces différentes menaces qui pourraient démobiliser les collègues, les assemblées générales sont un lieu d’organisation fondamental. Elles permettent non seulement de décider des suites à donner au mouvement, mais aussi de débattre en pesant le pour contre de chaque option qui s’offre aux grévistes. Cela permet à tous les collègues de s’approprier le mouvement et de donner une réponse adéquate et collective à la direction et au gouvernement qui, eux-aussi, s’organisent pour faire payer la crise aux Vertbaudet et à l’ensemble des travailleurs.

Ainsi, les grévistes de Vertbaudet ont dans leurs mains la possibilité de faire une démonstration profondément importante pour l’ensemble des travailleuses et des travailleurs du pays. Toutes les organisations syndicales, politiques et féministes, de même que la jeunesse qui se bat pour un meilleur avenir, doivent leur apporter un soutien qui sera clé pour les prochains jours. Parce que la victoire des Vertbaudet serait une victoire pour toutes et tous, c’est ensemble que nous devons les aider à gagner !

Si l’intersyndicale a refusé de poser la question des salaires pendant le mouvement contre la réforme des retraites, s’efforçant de canaliser le mouvement vers des voies institutionnelles dont la réouverture des négociations avec Borne est l’ultime expression, cette grève montre que la colère est toujours présente et qu’elle doit s’organiser autour d’un programme offensif : il faut exiger d’urgence une augmentation des salaires pour sortir la tête de l’eau ; leur indexation sur l’inflation pour faire face à la hausse des prix ; mais aussi le partage du temps de travail entre toutes et tous pour que plus personne n’ait à travailler à temps partiel pendant que d’autres sont submergés d’heures de travail ; et enfin, une retraite à 60 ans, 55 ans pour les métiers pénibles et sans condition d’annuités. Parce que ce n’est pas à nous de payer leur crise !


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