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Energie

Grève à la centrale de Nogent-sur-Seine : « on fait perdre 1 à 5 millions par jour à l’entreprise »

Depuis le 5 décembre, les salariés des centrales nucléaires sont en grève contre la réforme des retraites. Révolution Permanente est allé à leur rencontre, à l’occasion d’un piquet de blocage ce lundi 17 février.

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Malgré de forts taux de grève dans les centrales nucléaires, la mobilisation dans l’énergie semble être invisible tant les médias dominants en parlent peu. A côté de la grande grève de la RATP et de la SNCF, les salariés des centrales nucléaires, pourtant mobilisés sur la même question de la réforme des retraites semblent être invisibles dans la mobilisation. Et pourtant, la mobilisation y est importante : près de 30 % de grévistes en moyenne sur ces énormes centres de production d’électricité, où les cadres sont très nombreux. A Nogent-sur-Seine, dans l’Aube, près de 1100 salariés font tourner la centrale, dont 770 agents EDF, le reste étant composé de prestataires privés. Des salariés qui ont beaucoup à perdre avec cette réforme : « pour l’énergie, un salarié qui n’a pas de prime subit 30 à 35 % de pertes nettes. Aujourd’hui, la retraite est calculée sur les six derniers mois et 75 % du dernier salaire. Avec la réforme, ce sera 50 % sur l’entièreté de la carrière : faites le calcul ! » explique rapidement Jérôme Malette, le secrétaire du syndicat CGT du site, qui s’affaire entre le blocage de l’entrée du site et l’animation de l’assemblée générale.

Car aujourd’hui, les salariés sont interdits d’entrée sur le site : un piquet de grève empêche tous ceux qui ne sont pas d’astreinte, et donc qui n’ont pas de poste indispensable au fonctionnement minimal de la centrale, de rentrer. Sur 500 mètres, les voitures des salariés patientent avant de rentrer : les grévistes en laissent passer une toutes les vingt minutes, bloquant l’unique accès à la centrale. Et alors que les grévistes avaient prévu de lever le blocage à midi, la politique de la direction, qui a demandé à tous les prestataires d’arriver à cette heure là, a poussé les grévistes à maintenir le piquet jusqu’à 17h. Outre les 80 grévistes présents sur le piquet, de nombreux syndicalistes de l’Union locale CGT de Nogent ainsi que l’Union départementale de l’Aube sont présents : des enseignants, venus de Troyes (à 50km de là), ou encore des cheminots de Romilly-sur-Seine (à 15km de Nogent) sont venus prêter main forte, apporter un élan de solidarité. Par ailleurs, une délégation de la coordination RATP-SNCF est venue discuter avec les grévistes des suites du mouvements.

A Nogent, le mouvement se déroule à une période particulière : la centrale, construite en 1981 et mise en service en 1989, arrive bientôt à la fin de sa vie réglementaire. Et si l’État veut prolonger son activité de dix ans, il doit faire une visite décennale, afin de faire une révision complète de la centrale, soit un arrêt de la production de quatre mois, indispensable pour maintenir la production sur le site. « En empêchant le programme de visite décennale, on désorganise beaucoup le travail. Beaucoup de centrales on des arrêts de tranche en ce moment et toutes les centrales ont voté d’appliquer les arrêts, ce qui désorganise les équipes prestataires nationales, qui ont un programme sur toutes les centrales et sont des « ressources rares »  » nous explique Jérôme, qui veut au maximum « toucher au porte-feuille » l’entreprise, dont l’actionnaire majoritaire est l’État. Car une grève sur une des tranches de production peut faire perdre beaucoup, « entre un et cinq millions d’euros par jour », selon une salariée.

Pour les salariés que nous avons interrogés, la victoire contre la réforme des retraites est une question de vie ou de mort. « Comme on fait du 3x8, on travaille d’astreinte, et on décède beaucoup plus tôt qu’un col blanc. Demain les col bleus ils vont travailler consommer et crever pendant que les cols blancs vont partir à 64 tout comme tout le monde : c’est ce qu’ils appellent l’égalité. Mais il n’y a pas d’égalité devant la mort. Statistiquement, on meurt 5 à 10 ans plus tôt du fait de la pénibilité » nous détaille le délégué CGT. Laura, elle aussi à la CGT, abonde dans le même sens : « je travaille en 3x8, et on avait la chance de pouvoir partir un peu plus tôt parce qu’on a une espérance de vie qui est plus courte que les autres, mais s’ils nous mettent au même niveau que les autres, on arrivera même pas à la retraite. On a déjà eu des collègues qui ont pas eu le temps de connaître la retraite. »

Si les armes entre les mains des grévistes sont puissantes, la question du calendrier de la lutte pose de nombreuses questions. Ce lundi, la grève n’a pas été reconduite au lendemain, et le prochain jour de mobilisation sera le 20 février, pour répondre à l’appel de l’intersyndicale nationale. Mais dans toutes les têtes et dans tous les propos, une idée fait son chemin : seule une grève générale pourrait faire reculer, voir faire tomber le gouvernement. Après deux mois de grève dans les transports qui n’ont pas réussi à gagner, la question de frapper tous ensemble se pose plus que jamais.


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Arthur Nicola

Journaliste pour Révolution Permanente.
Suivi des grèves, des luttes contre les licenciements et les plans sociaux et des occupations d’usine.
Twitter : @ArthurNicola_

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