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Mouvement ouvrier

Grève au technicentre SNCF Châtillon : « Tout augmente sauf les salaires ! »

Face à la vie chère, pour les conditions de travail, les salaires et des embauches, les cheminots de Chatillon mènent la lutte depuis deux semaines. Nous avons interviewé Clément Allochon, délégué SudRail, sur les raisons de la grève.

Petra Lou

1er décembre 2021

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Hausse du coût de la vie, sous effectifs, salaires et conditions de travail : les détonateurs de la grève

Depuis la rentrée, la hausse du coût de la vie, du prix du carburant et des produits de première nécessité impactent durement le portefeuille des plus précaires. A la SNCF, comme dans d’autres secteurs, ce fut la goutte de trop : “C’est l’année de trop » commente Clément Allochon, délégué SudRail au technicentre de Châtillon : « la colère est présente depuis septembre face à la hausse du coût de la vie, tout augmente sauf les salaires ! ». Et pour cause, à la SNCF les salaires sont gelés depuis huit ans.

Mais la colère est plus profonde. Durant la crise sanitaire, les cheminots ont continué à travailler, comme d’autres secteurs de notre classe. La direction du technicentre de Chatillon a demandé que les cheminots remettent à neuf les rames en mauvais état lorsque le reste du pays était confiné, et ce sans faire la moindre preuve de reconnaissance. Profitant de la crise sanitaire, elle a au contraire mis en place de nouvelles expériences sur l’organisation du travail en vue des prochaines réorganisations et ce “pendant qu’ils [ndlr : le gouvernement Macron] exigeaient l’unité nationale et des efforts, nous on a bossé sans aucune reconnaissance !” dénonce le délégué SudRail : "tous les collègues ont pris conscience que la terre ne s’est pas arrêtée de tourner pendant la crise ».

A cela s’ajoute une autre « nouveauté » que les grévistes dénoncent : la digitalisation des traçabilités de maintenance. L’ancien logiciel avec lequel les agents travaillaient étant obsolète, la direction impose une uniformisation de la dématérialisation, en donnant des tablettes à chaque agent, faisant en arrière-plan passer le geste comme une nécessité écologique. Le problème étant que le travail de saisie n’est pas pris en compte dans l’organisation générale, ce qui forcément donne un argument à la direction pour réduire les effectifs sur le papier, tout en alourdissant considérablement les charges de travail pour les équipes. Un logiciel “non fonctionnel, truffé de bugs, donc quand on l’utilise au quotidien c’est normal qu’on pète des câbles, on ne peut même plus exercer notre métier convenablement, et la direction nous répond qu’en Mars 2022, on bascule entièrement dans ce mode ” témoigne Clément. Il ajoute : “Du coup on en est aujourd’hui à devoir faire de la commande de pièces à la place des magasiniers, et faire de la facturation de pièces, qui est le travail d’une autre équipe. Si l’entreprise prend ce chemin de la digitalisation forcée, en remplaçant la moindre action physique par un logiciel tablette, cela va même jusqu’à assurer sa sécurité sur les mouvements de rame. C’est une catastrophe. Ça représente une charge de travail supplémentaire qu’ils ne reconnaissent pas”.

Face à cela, le 25 novembre dernier, plusieurs travailleurs du technicentre de Châtillon se déclarent en grève. Une délégation est alors élue par les premières Assemblées Générales des grévistes et accompagne les délégués syndicaux pour rencontrer la direction. Elle pose plusieurs revendications sur les salaires, les conditions de travail. La direction balaye en touche, et refuse jusqu’au paiement de la prime Covid à hauteur de 1000 euros, pourtant promise pendant le premier confinement, en expliquant que cette revendication est « insensée ». Mais deux jours plus tard, SNCF voyages -l’ensemble des corps de métiers cheminots travaillant sur les TGV intercités- octroie 600 euros de prime covid. La somme, loin des 1000 euros exigés par les grévistes, est perçue comme une miette. « Ils nous arrosent de primes c’est bien, mais ça ne compte pas dans le calcul de la retraite ce n’est pas pérenne, on ne sait même plus où donner de la tête tellement qu’elles sont nombreuses mais si ils ont de l’argent pour nous donner des primes il y a des sous pour augmenter nos salaires !. D’autant plus que tous corps de métiers de la SNCF ne sont pas concernés : « C’est-à-dire que tu peux travailler dans la même gare, mais si tu travailles au RER ou TER, à réseaux ou gare connexions tu n’y a pas le droit alors que comme à Voyage, les collègue étaient là en deuxième ligne pendant la crise, dans les mêmes conditions de travail en période covid, alors qu’à l’époque on avait ni masque ni gel” explique Clément.

Assemblées générales des grévistes : il faut construire la grève

Depuis que la colère a éclaté, des Assemblées Générales ont été organisées par les cheminots au technicentre. Rassemblant d’abord une vingtaine de travailleurs, notamment du secteur de Châtillon Haut qui n’avait pourtant pas débrayé en 2019 – à l’occasion de la dernière grève importante sur le technicentre-, elles ont été ensuite rejointes par 70 cheminots après des débrayages quotidiens, pour organiser chaque jour les journées d’action et les revendications. Au menu de ce qu’ils exigent : l’augmentation des salaires pour toutes et tous, une prime de saisie à 100% et revalorisée notamment pour compenser l’utilisation des tablettes et des actions immédiates pour les tablettes et dysfonctionnements des logiciels. “La prime reconnaissance covid à 1000€, même si la SNCF Voyages a lâché 600, on veut les 400 manquants, et pour tous !” commente Clément Allochon. Ils exigent également une augmentation de la prime de travail car à la différence des autres primes celle-ci compte dans le calcul de la retraite, ainsi qu’une équivalence pour les contractuels et embauchés en 2020, des embauches massives, et enfin un meilleur accès au déroulement de carrière. "Il ne faut pas oublier qu’au Matériel nous sommes un des secteurs ou les salaires sont les plus bas à la SNCF, Voyages le sait et le disent eux même, mais ils ne mènent aucune action, on voit des collègues avec 20 ans de boite partir, des jeunes qui après 2 ans passé dans la boîte démissionnent c’est un truc de malade !"

D’autre part, les cheminots en grève exigent des EPI d’hiver pour tous : en effet, la direction a fait des coupes budgétaires sur les équipements de protection. « Résultat, des équipes travaillent en tee shirt dehors ! » dénonce le syndicaliste.

Mais cette grève au technicentre de Châtillon n’est pas isolée. “La colère existe dans de nombreux secteurs, comme les conducteurs de l’axe atlantique, les contrôleurs Tours-Montparnasse, les commerciaux gare transiliens IDF, les conducteurs de Mulhouse, et j’en oublie certainement beaucoup…”. Et face à ça, à part la journée de grève du 17 septembre, les directions syndicales ne mènent aucune politique, et restent silencieuses. “Elles n’arrivent même pas à se mettre d’accord pour une date, alors qu’il faudrait aller bien au-delà, construire la riposte, pour l’augmentation des salaires et contre les attaques de la direction et du gouvernement. Et ça, parce que la question des salaires elle est présente dans tous ces conflits locaux : ça marchera pas si on se résume à une multitude de conflits locaux. C’est pas compliqué de revendiquer ça en intersyndicale !” explique Clément qui dénonce la sectorisation des conflits organisés localement, alors que selon lui, la nécessité est de faire tache d’huile dans tout le pays.


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