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Pour les salaires et la dignité

Grève pour les salaires à Geodis : « La direction se paie des primes à 300.000€ sur notre dos ! »

Depuis le 17 octobre, les travailleurs de Geodis Calberson à Gennevilliers sont en grève reconductible pour les salaires. Les raisons de la colère sont simples : alors que les manutentionnaires touchent à peine plus de 1.300€ par mois et subissent l'inflation, l'entreprise réalise des milliards de bénéfices et les membres de la direction s'octroient des primes jusqu'à 300.000 euros. Une grève exemplaire qui montre les travailleurs précaires relever la tête et s'organiser à la base pour faire plier le patronat.

Olive Ruton

29 octobre 2022

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Piquet de grève des Geodis Calberson à Gennevilliers (92) le 25 octobre 2022.

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« Sans nous, il n’y a pas de richesses ! » A Geodis, les travailleurs précaires en grève pour les salaires

Depuis le 17 octobre, les salariés du site Gennevilliers de Geodis sont en grève reconductible suivie à 80% contre leurs conditions de travail inhumaines, pour une augmentation des salaires, et pour la dignité face à un patronat qui les surexploitent dans le plus grand des mépris. Parmi les revendications, les grévistes demandent 150€ d’augmentation des salaires pour toutes et tous, 100€ pour les salaires les plus bas et une prime vacances de 1000€.

L’étincelle qui a mis le feu aux poudres : des primes allant jusqu’à 300.000 euros que se sont octroyées les membres de la direction. Ces primes sont comme un crachat au visage de ces salariés qui travaillent tous les jours, soulèvent à répétition de très lourdes charges, subissent des horaires épuisants au détriment de leur santé, pour des salaires qui pour certains dépassent à peine les 1.300 euros, en pleine inflation. Mouloud Sahraoui, élu et secrétaire du syndicat CGT Geodis Calberson IDF, résumait ainsi l’état d’esprit des grévistes lors du rassemblement de soutien organisé le mardi 25 octobre : « Sans nous il n’y a pas de richesses, pas de salaires à 25.000€, pas de primes à 300.000€, pas de bagnoles, pas de bureaux... Donc notre revendication est simple : on ne peut pas vivre avec un SMIC ! Il faut partager les richesses ! »

Ce jour-là, le député LFI François Ruffin qui était également présent en soutien, a rappelé que « pendant la pandémie, il n’y aurait pas eu de livraison de masques, de gel hydroalcoolique sans les travailleurs de Geodis ». Et pour cause, pendant la pandémie, l’entreprise n’a pas cessé son activité, et comme dans de nombreux secteurs essentiels, les salariés ont travaillé sans interruption dans des conditions qui mettaient en danger leur santé et celle de leurs proches, en risquant chaque jour d’attraper le virus et de le transmettre. Et ce n’est pas qu’en temps de pandémie que Geodis fait preuve d’un mépris et d’une indifférence totale vis-à-vis de la vie de ses salariés, les forçant à détruire leur santé pour plus de profits. En effet, leurs journées de travail consistent à soulever de lourdes charges, jusqu’à 80 kilos, pour charger et décharger des camions, ce qui cause de l’épuisement et de nombreuses blessures. Parmi ces colis, ils transportent par exemple des animaux vivants ou différentes matières dangereuses.

Des efforts qui sont combinés à un rythme difficile, et notamment au travail de nuit. « On travaille comme des esclaves » nous confiait ainsi un manutentionnaire pendant le rassemblement, avant de raconter les effets sur sa santé des journées de travail de 23h à 7h du matin, et de dénoncer : « La direction se paie des primes à 300.000 euros sur notre dos ! » Comme lui, de nombreux salariés s’abîment tous les jours sur le site. Plus de 100 accidents du travail y ont été recensés cette année d’après mes délégués syndicaux CGT, sans compter ceux qui n’ont pas été déclarés et les dommages à long terme causés par ces conditions de travail.

Geodis filiale de la SNCF : le mépris des plus précaires

L’entreprise est une filiale privatisée de la SNCF, spécialisée dans les transports routiers, mais aussi la logistique ou encore la messagerie, qui emploie plus de 40 000 salariés. La plateforme de Gennevilliers, actuellement en grève, est la plus importante de France. En 2021, l’entreprise a réalisé 948 millions d’euros de bénéfices. C’est du haut de ces milliards qu’après avoir d’abord refusé de négocier pendant une semaine, la direction de Geodis a proposé ce jeudi une augmentation de 3% ainsi que 250 euros de prime. Une proposition loin de rattraper l’inflation ni de satisfaire aux revendications des grévistes qui ont décidé de reconduire la grève le soir même.

Par là, la SNCF se révèle dans toute son hypocrisie et son mépris des secteurs les plus précaires. Sous ses faux semblant d’ouvrir à des négociations avec les cheminots en lien avec dernières grèves et dans la crainte de voir un véritable mouvement se construire, elle surexploite les travailleurs les plus précaires, souvent des travailleurs immigrés ou issus de l’immigration, par le biais de sa filiale. Dans le même sens, une grosse partie de l’effectif est composée d’intérimaires, un biais supplémentaire non seulement de la précarité, mais aussi utiliser par la direction pour casser et réduire l’impact des grèves sur la production. Au-delà des conditions de travail et des salaires, les grévistes revendiquent donc également l’internalisation des intérimaires.

C’est sur cet aspect qu’Anasse Kazib, venu en soutien sur le piquet du 25 octobre dénonçait leurs patrons qui profitent de l’extrême précarité des travailleurs immigrés : « la direction pense que les immigrés ne vont jamais répondre, qu’ils vont courber l’échine, et que eux derrière ils vont pouvoir se gaver, mais les grévistes leur prouvent le contraire ! » Hassan, élu CGT Geodis et manutentionnaire, résume le sens de cette grève : « On se bat pour la sécurité, pour la dignité ». Car en pleine période d’inflation croissante, se détruire au travail pour ne plus avoir de quoi vivre est devenu intolérable pour les salariés.

Méprisés par la direction, ces travailleurs pour l’immense majorité immigrés se battent non seulement contre des méthodes patronales qui les exploitent pour des salaires de misère et leur font subir une violente répression syndicale depuis des années, mais aussi contre la division raciste du travail qui les astreint aux métiers les plus durs où la direction les traite « comme des esclaves » selon les mots des employés eux-mêmes. C’est conscient de ce racisme que les salariés se battent, dans cette grève reconductible, majoritaire, qui mobilise non seulement les ouvriers simples mais aussi des responsables.

Grève majoritaire reconductible : la méthode à suivre pour obtenir des augmentations de salaire

Cette grève, majoritaire, reconductible, dans un secteur aussi précaire, montre la méthode à suivre pour se battre contre le patronat, pour obtenir des victoires, des salaires à la hauteur des besoins pour vivre, leur augmentation et leur indexation sur l’inflation dans la période. Ces travailleurs qui relèvent la tête doivent être un exemple pour tous ceux qui veulent se battre pour ces revendications, pour unifier toutes les journées de grèves récentes dans de nombreux secteurs, dans une véritable bataille, et imposer aux patrons que ce soit à eux de payer la crise.

Au-delà de la détermination des grévistes, affirmée de piquet en piquet, c’est l’auto-organisation des grévistes qui permet à la grève de tenir, aux grévistes de faire front face au patron. Comme le répètent beaucoup les grévistes, « la grève appartient aux grévistes », « les vrais patrons de la boîte, c’est nous ». Et c’est sur cette ligne que s’organise la bataille. En assemblées générales, les salariés discutent le conflit au jour le jour sur le piquet et votent la reconduction de la grève.

Par là, les grévistes restent les maîtres de leur lutte et ont la main sur la fin du mouvement, sur jusqu’où peuvent aller les négociations avec la direction, etc. En effet, contre le danger des organisations syndicales qui iraient négocier dans le dos des grévistes, comme la CFDT l’a fait vis-à-vis de la grève des raffineurs, l’auto-organisation dont font preuve les salariés de Geodis illustre la marche à suivre.

Pour que ces batailles, et celles de Geodis en particulier, puissent se mener jusqu’au bout, la question financière est un toujours un point clé, d’autant pour des grévistes qui touchent déjà de très bas salaires. Sur ce point, la caisse de grève est une question primordiale, une solidarité nécessaire pour tout ceux qui soutiennent la grève, car la capacité du mouvement de tenir dans le temps repose en grande partie sur le soutien financier. Sur le piquet, Gaël Quirante, militant du NPA, a ainsi remis un chèque de 5.000 euros de la part de la caisse de grève gérée par la CGT InfoCom, la CGT GoodYear et Sud PTT 92.

Alors que tous les travailleurs souffrent aujourd’hui de l’inflation et que Macron veut casser nos retraites à coup de 49.3, l’heure est à la généralisation de mouvements de grève comme à Geodis. La coordination de tous les secteurs qui luttent, avec les méthodes de la grève reconductible, est la seule solution pour obtenir des augmentations pour tous et l’indexation des salaires sur l’inflation que de nombreux secteurs demandent. A rebours des journées de mobilisation isolées appelées par les directions syndicales, c’est en construisant le rapport de force à la base par la grève et l’auto-organisation qu’il sera possible de faire plier le patronat et le gouvernement.

Donner à la caisse de grève !


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