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Travailleur mis à prix

Haine de classe. Une cheffe d’entreprise commandite l’assassinat d’un syndicaliste

C’est une histoire d’assassinats commandités via une loge maçonnique à des barbouzes, agents de la DGSE. Digne des meilleurs scenarii de téléfilm, au delà de l’invraisemblable, cette affaire est avant tout un nouveau symbole de la violence patronale qui dépense 75000 euros pour assassiner un travailleur combatif.

Tom Cannelle

3 juin 2021

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Le 24 juillet 2020, le contrôle par la police de deux agents de la DGSE postés à Créteil devant la maison de Marie-Hélène Dini, coach d’entreprise, marque le début du démantèlement d’un présumé réseau d’assassins. L’enquête commence par un hasard, mais finit par déjouer une tentative d’assassinat commanditée par une cheffe d’entreprise sur un de ses employés syndiqués, qu’elle jugeait trop combatif. Sa « phobie », dit-elle, aurait été que Hassan, CGTiste et Gilet jaune, fédère d’autres employés au point que « des syndicats se déclarent […] après on perd l’esprit familial ». Plus qu’un fait divers, cette histoire invraisemblable révèle jusqu’où peut aller la haine de classe du patronat.

Tout commence donc par l’arrestation de ces deux agents de la DGSE, en 2020. Loin d’incarner la fine fleur de l’espionnage, puisqu’ils ne sont que surveillants d’un camp d’entrainement, ils sont néanmoins armés, et équipés de pots de compotes en guise de silencieux. S’ils campent en plein jour devant sa maison, c’est bien parce qu’ils projettent d’assassiner Marie-Hélène, qui est, selon leurs dires aux policiers, une espionne au service du Mossad. En réalité, si elle est visée, c’est parce que son activité concurrence celle d’un autre coach d’entreprise, membre d’une loge dissidente de la franc-maçonnerie, qui s’avèrera être derrière ces mise à prix.

La dizaine d’arrestations qui suivirent tout au long de l’année ont ainsi révélé que cette petite officine versait dans la surveillance, le passage à tabac et jusqu’à l’assassinat, comme ça a pu être le cas de Laurent Pasquali, un pilote automobile disparu mystérieusement en 2018. Ces affaires impliquant notamment ces deux agents de la DGSE, un spécialiste de la sécurité privé, un ancien commandant de la DCRI (aujourd’hui la direction générale de la sécurité intérieure) ainsi que le « vénérable maître » de la loge maçonnique, qui dégotait les contrats parmi ses connaissances toujours selon les dires des protagonistes durant leurs interrogatoires, relatés par Le Parisien.

L’un de ces contrats était l’assassinat de Hassan, un syndicaliste CGT de l’Ain proche des Gilets Jaunes en 2019, que la cheffe d’entreprise aurait jugé « gênant » selon France 3 régions. « On a un mec qui n’arrête pas de nous emmerder et qu’on ne peut pas virer. Parfois j’aimerais bien lui casser la gueule, qu’est-ce qu’il peut nous embêter’ », aurait déclaré la Muriel M., la cheffe d’entreprise, avant de fixer un contrat sur la tête du travailleur d’une valeur de 75 000 euros.

Si tout cela revêt l’apparence d’un mauvais scénario de divertissement de deuxième partie de soirée, ce que révèle cette affaire c’est le caractère violent et jusqu’au-boutiste des patrons pour imposer leurs volontés au sein des entreprises. Si l’assassinat de Marie-Hélène Dini, comme celui de Hassan, ont été empêchés, ce n’est qu’un concours de circonstances. La concurrence pour l’une et la dictature patronale pour l’autre ont été des motifs justifiant la mise à prix de leurs têtes. Preuve s’il en fallait encore de la violence imposée par le système qui place les entreprises au cœur de la vie.

Tueur à gages ou non, ce sont bel et bien les travailleurs qui subissent en tout premier lieu cette violence. Des travailleurs comme Hassan qui tentent de relever la tête et sur lesquels s’abat la répression patronale, qui, ce coup-ci, ne prend pas la forme d’un licenciement ou d’entretiens disciplinaires, mais d’une tentative d’assassinat. Alors que la soi-disant violence des Gilets Jaunes, des grévistes d’Air France arrachant la chemise de leur DRH, est décriée, jugée et condamnée par les médias, celle que vivent les travailleurs au quotidien ainsi que leur répression quand ils osent se rebeller est passée sous silence alors que le patronat va jusqu’à employer des tueurs-à-gages pour les faire taire.

Ce qui rend aussi cette affaire si marquante est la place centrale qu’y joue une branche de la franc-maçonnerie, objet de toutes les spéculations. Bien que cette organisation alimente toute sortes de fantasmes et de théories du complot, elle ne constitue rien de plus qu’un ensemble composite qui reste un instrument au service du maintien de l’ordre bourgeois, et ce, jusque dans ses formes les plus dégénérées. Les loges maçonniques ne renferment que des individus pétri d’esprit universalistes, qui entretiennent parfois des liens avec certains dirigeants politiques autour d’un intérêt commun : le maintien de l’état des choses par l’établissement d’un réseau d’influence parfois utile pour les politicards.

En bref, cette affaire révèle bien le caractère violent et réactionnaire du système mis en place par le patronat et ses alliés pour mater les travailleurs. Il met aussi en lumière son état décrépissant, avec l’emploi de barbouzes qui ont pu tout aussi bien être au services de l’État, pour aller jusqu’à liquider physiquement les travailleurs. Un fait divers qui malgré son aspect ridicule, est plus glaçant que drôle, mais qui nous rappelle la nécessité grandissante d’en finir une bonne fois pour toutes avec le système capitaliste, la bourgeoisie et tous ses agents.


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