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Le ministre qui avait reculé sur les ABCD de l'égalité

Hamon et les droits des femmes : la nouvelle voie féministe du Parti socialiste ?

Face à une droite qui n’hésite pas à prôner les valeurs patriarcales de la famille – jusqu'à voler l'argent public pour les employer – le candidat « frondeur » et vainqueur de la primaire de la gauche aura réussi à sortir son épingle du jeu. Si le débat des primaires n'aura principalement évoqué les droits des femmes que dans le cadre de la discussion qui semble s'être imposée ces dernières années autour de la religion musulmane, Hamon a réussi, face à un Valls flirtant avec l’islamophobie, à apparaître comme le candidat progressiste, sensible à ce que le féminisme ne soit pas instrumentalisé à des fins racistes. Mais qu’y a-t-il de réellement nouveau dans le programme défendu par Hamon par rapport à ces prédécesseurs « socialistes » ?

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Quel bilan ? Quel programme ? Quel féminisme ?

Comme on peut le voir dans son programme, la candidature de Hamon propose une série de revendications féministes. Rien à voir avec la candidature de Montebourg, dont le site de campagne semblait ignorer la lutte contre l’oppression patriarcale. Pendant les mois précédant les primaires, Benoît Hamon avait cherché à se positionner sur les luttes qui animaient le mouvement féministe, que ce soit en faveur de la grève de 16h34, ou pour la libération de Jacqueline Sauvage, pour laquelle il avait publié une tribune dans Libération.

Ces prises de positions médiatiques ne parviennent néanmoins pas à masquer le bilan de l’ex-ministre et député sur les questions féministes. Interrogé par le journal Causette le 5 octobre dernier, il expliquait notamment que si le 27 juin dernier il n’avait pas voté pour l’amendement visant à rendre inéligibles les députés accusés de violences faites aux femmes, c’est parce qu’il n’était pas là – ce qui témoigne d’un grand suivi du sujet – mais surtout retournait l’accusation en disant que c’était « la faute aux assos féministes et aux lobbies qui auraient dû le prévenir » ! Un peu facile comme défense pour celui qui se positionne comme féministe, surtout sur un amendement apparemment aussi simple mais qui encore aujourd’hui reste empêchée par « nos » représentants à l’Assemblée nationale...

Plus grave, Hamon aura été le ministre qui aura enterré définitivement le projet des ABCD de l’égalité. Ce projet avait l’objectif d’avancer dans la mise en place d’une éducation moins marquée par les préjugés sexistes, en mettant en place des outils et des programmes pour les enseignants sur ces questions. Rien de bien révolutionnaire donc, mais non-négligeable pour lutter contre les idées réactionnaires de la Manif pour tous. Et c’est en réalité face à ces manifestations roses et bleues que le ministre, ainsi que l’ensemble du quinquennat Hollande, aura reculé, en renonçant à sa promesse de droit à la Procréation médicalement assistée (PMA) pour toutes les femmes, et en abandonnant le projet des ABCD de l’égalité. Le 28 juin 2014, Benoît Hamon, ministre de l’Education, annonce en effet que l’expérimentation de ce projet qui avait été menée à partir de l’automne 2013 dans 275 écoles ne saura pas être généralisée. L’association Osez le féminisme déclarait alors avec raison qu’il s’agissait, « au prétexte d’apaiser la situation, de donner satisfaction à des groupuscules réactionnaires et conservateurs qui ont fait du maintien d’une société traditionnelle, hétéronormée et patriarcale leur cheval de bataille ». C’est donc au rabais que se feront les ABCD de l’égalité, par la ministre Najat Vallaud-Belkacem avec un simple site internet pour les enseignants.

La candidature du « frondeur », si elle valorise les questions féministes, ne peut venir cacher ce bilan. Et ceci d’autant moins qu’il est difficile de voir la différence entre les promesses de Hollande en 2012 et celles de Hamon pour 2017. Celui-ci promet en effet à nouveau le droit à la PMA pour toutes les femmes, mais peut-on réellement croire qu’il ira plus loin que son prédécesseur ? S’appuyant sur le mouvement de grève de 16h34, il promet aussi de pénaliser les inégalités salariales, tout comme Hollande le faisait en 2012, avec des effets mitigés puisque seulement 107 entreprises ont été condamnées, et avec des pénalités totalisant pour l’ensemble de celles-ci un total de 610 000 euros, des chiffres qui paraissent bien faibles par rapport à l’ampleur des inégalités. Enfin, Benoît Hamon propose la création d’un service public de la petite enfance, l’alignement du congé paternité au congé post-natal dont bénéficient les mères, et la multiplication des centres de Planning familial. Autant de choses qui, si elles s’opposent au programme de la droite, n’ont rien de nouveau pour le Parti socialiste...qui fut au pouvoir pendant les dernières 5 années, n’en déplaise à Hamon qui cherche à le faire oublier.

Hamon, féminisme et laïcité : des turbulences à venir dans le mouvement féministe ?

Néanmoins, il faut bien reconnaître une chose de nouveau dans le positionnement de Hamon par rapport à ce qu’a pu porter le Parti socialiste ces dernières années : le rapport à la laïcité et au voile. C’est d’ailleurs sur ce sujet qu’il aura fait le « buzz » suite au dernier débat des primaires, face à Valls. Il a en effet affirmé « Là où le voile est imposé, je le combattrai de toutes mes forces. Mais là où une femme décide de porter le voile islamique, et il en existe, elle est libre de le faire. » Une position qui rompt avec le soutien plus ou moins prononcé que le Parti socialiste, et plus largement « la gauche » a pu apporter aux interdictions du port du voile dans les espaces publics.

Cette prise de position lui a d’ailleurs causé des ennemis. Yvette Roudy, première ministre du droit des femmes en 1981 (succédant à un « secrétariat d’État à la Condition féminine » instaurée par Valery Giscard d’Estaing, et précédant au « ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes » de Hollande) lui a en effet adressé une lettre de « rupture » au lendemain du débat des primaires : « Hier soir, tu as perdu une voix. La mienne. J’ignorais que tu défendais le port du voile... au nom de cette liberté que les pauvres femmes revendiquent sans savoir ce qu’elle cache ».

Par ces mots, Yvette Roudy revendique la position d’un secteur du mouvement féministe, qui a pu soutenir l’interdiction du voile dans les écoles ou les espaces publics, jusqu’à laisser arriver sur nos plages cet été les forces de polices pour interdire leur accès aux femmes en burkini. Que Hamon se délimite de cette sensibilité du mouvement des femmes, souvent plus intégrée aux institutions, est une nouveauté, et n’est sans doute pas sans lien avec les critiques qui ont émergé justement cet été, y compris au sein des milieux proches du Parti socialiste.

Mais si « nouveauté » il y a, celle-ci reste restreinte pour l’instant à un repositionnement symbolique, car Hamon ne s’est pas prononcé contre les lois qui ont exclu les jeunes filles voilées des écoles, et ne se délimite que sur des éléments partiels du bilan pro-patronal et militaro-nationaliste du quinquennat Hollande. Or, pour lutter pour l’émancipation des femmes, pour qu’elles décident jusqu’au bout de leur vie, de ce qu’elles portent, c’est bien d’une lutte d’ensemble dont nous avons besoin, y compris contre toutes les lois anti-sociales que Hamon aura vu défiler sous ses yeux de ministre sans mots dire et contre les guerres néo-coloniales menées avec ferveur par le Parti socialiste et qui ne font que renforcer les intégrismes religieux. Et d’un féminisme où ce n’est pas à l’Etat ni à un beau parleur à la fronde mais aux femmes elles-mêmes de s’organiser pour décider de leur vie, à rebours des politiques de ces dernières années qui ne font qu’augmenter la précarité des conditions de travail et de vie.


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