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Ecole et société

Harcèlement à l’école : le spot qui fait « flop »

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Yano Lesage

Sur fond de publication de chiffres accablants, 70 000 élèves seraient victimes de harcèlement à l’école, Najet Vallaud-Belkacem, ministre de l’Education a lancé son nouveau plan de communication pour la ré-humaniser : un spot de campagne réalisée par la journaliste Mélanie Theuriau en collaboration avec une équipe des studio Disney. Pourtant, cette initiative n’est qu’un cache misère des injonctions contradictoires de la politique éducative du gouvernement. D’où les ressentiments du corps professoral.

Le spot est à destination des élèves de primaire. La scène se passe dans une salle de classe. La maîtresse, trop occupée à copier les phrases du cours au tableau, ne voit pas que, dans son dos, un élève reçoit injure et mépris de la part de ses camarades qui profitent de l’inattention de l’institutrice. Les boulettes volent, les insultes aussi. Mais la maîtresse, toujours aussi absorbée dans sa tâche ne remarque rien, et va jusqu’à interpeller l’élève en question pour le rappeler à l’ordre et au cours. La cloche sonne. Les élèves sortent. Une fillette vient voir le bouc émissaire et lui propose de se confier à elle.

Mettre en scène des enfants pour parler aux enfants, un processus simple mais efficace. La formule semble plutôt bonne. Le point fort de la vidéo est de pointer l’impact psychologiques que peuvent avoir certaines formes de violence les plus banales, anodines, existant entre camarades de classe : les moqueries renforcées par le phénomène de groupe.

Tout de même, le tout reste un tantinet suranné : « Exit » l’emprise des réseaux sociaux et leur rôle dans le processus d’intégration ou d’exclusion des élèves dans le groupe classe. « Exit » aussi, la violence dans les cours de récré, loin du regard des professeurs, les injonctions à la démonstration virile par la prouesse sportive pour les garçons, les stigmatisations physiques, ethniques, relatives au « look » et les assignations à des jeux genrés. Dans la vidéo, c’est une caricature de « harcèlement » typiquement républicain, où l’élève est un petit rouquin, chahuté parce qu’il ne sait « même pas lire », parce qu’il est « nul à l’école ».

La chose est d’autant plus étonnante quand on connaît le goût très prononcé du système éducatif français pour la sélection, le classement, et les notes. Plus élitiste, tu meurs, rappelle le rapport PISA, qui établie une comparaison internationales des différents systèmes éducatifs. Les élèves ne peuvent rester imperméables à ces principes par lesquels ils sont formés et socialisés. Faudrait-il donc que l’institution scolaire ait le monopole du harcèlement à la performance scolaire ? C’est du moins une première contradiction à pointer de la campagne menée par l’Éducation Nationale dont cette vidéo se fait le relais.

Mais pour les professeurs, qui ont fait mauvaise réception de cette vidéo de campagne, le problème reste ailleurs. Que dire de la mise en scène du professeur, collé à son tableau, derrière l’infranchissable barrière du bureau qui le sépare de la classe, totalement ignorant de l’interaction qui a lieu en classe ? Caricature du mauvais prof’ davantage intéressé par sa matière que par ses élèves ou situation crédible ? Et surtout, à qui la faute ?

De manière assez explicite, la faute est rejetée sur le professeur qui ne voit pas la situation de harcèlement. On le voir donner son cours, transformé en fonctionnaire insensible, en simple exécutant, occupant de son propre monde au sein de l’espace classe. Avec des programmes lourds à boucler, des classes à effectif surchargé, associer efficacité pédagogique, suivi individuel, et gestion de classe relève du parcours du combattant pour les enseignants, qui ne peuvent assurer sur touts les fronts. Encore une fois, les injonctions du ministère sont contradictoires : si Vallaud-Belkacem,dans les paroles, se dit prête à humaniser l’école, à travailler sur la prévention du harcèlement, à alerter les professeurs sur le danger existant, ce sont les actes qui ne suivent pas. Malgré les annonces du gouvernement d’ouvrir 60 000 postes d’enseignants supplémentaires, ce sont en réalité plutôt 30 000 qui ont été créés, un chiffre largement insuffisant pour atteindre le nombre d’enseignants requis pour une éducation de qualité.

La question du harcèlement, en outre, ne doit pas être circonscrite à l’école et appréhendée de manière isolée. L’école, c’est aussi la caisse de résonance du monde social. Quand ces situations de harcèlement se conjuguent à un environnement familial dégradé par la détresse sociale, le chômage, les situations de précarité, à un environnement hostile à d’autres formes d’épanouissement individuel, elle peut-être fatale : suicides, dépressions, comportements à risque...

Pas si sûr que la mesure soit à la hauteur des besoins, et qu’elle soit suivi d’effet, si ce n’est un effet d’annonce, sur lequel joue plus que jamais le gouvernement pour se repeindre des couleurs sociales en vue des prochaines échéances électorales.


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