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Une nouvelle journée de répression et de lutte

Hier Leonarda, aujourd’hui La Chapelle. Le gouvernement se heurte à la détermination des migrants

Enea Rossi Le calvaire des migrants expulsés à répétition, de La Chapelle puis de la rue Pajol, n’a pas cessé. Hébergés ces dernières nuits dans le jardin associatif du Bois-Dormoy, les migrants ont dû une nouvelle fois quitter les lieux, hier, jeudi 11 juin. L’association du Bois-Dormoy ne pouvait plus continuer à héberger ces personnes dont l’extrême précarité est, de façon scandaleuse, approfondie par la politique cynique de la ville de Paris et du gouvernement Valls-Cazeneuve, qui continuer de les expulser d’un endroit à l’autre sans avancer de proposition sérieuse qui puisse préserver un minimum leur dignité.

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D’évacuation en évacuation…

Hier jeudi 11 juin, à 17h30, plus d’une centaine de migrants ont quitté de manière disciplinée le jardin qui les hébergeait. Afin de les soutenir dans leur recherche d’une autre solution pour la nuit, plusieurs centaines d’habitants du quartier, de militants associatifs et politiques (NPA, PG, PCF) ont rejoint le jardin du 18ème. Au cours de la journée la mairie avait annoncé que les migrants allaient être logés le soir, notamment par l’intermédiaire de deux associations : Emmaüs Solidarité et Aurore. Sauf qu’Aurore a informé très rapidement la mairie qu’elle ne disposait pas de places d’hébergement à pouvoir mettre à disposition.

C’est ainsi qu’au moment de l’évacuation du jardin partagé, la proposition de la mairie était celle d’offrir 45 places pour trois nuits à Nanterre, et d’autoriser les autres à dormir dans un parc du 18ème. Cette proposition des institutions a été rejetée par l’immense majorité des réfugiés, qui étaient déterminés à rester ensemble et à rejeter toute proposition visant à les diviser et à briser la solidarité qui s’est nouée entre eux. Par leur refus, les réfugiés ont affirmé que la seule proposition acceptable était une prise en charge collective.

…les migrants prennent leur sort en main

Alors que le premier ministre, Manuel Valls, peut s’offrir le luxe de faire des allers-retours France-Allemagne aux frais de nos impôts (pour s’offrir à lui et à ses enfants la finale de Champions League de son équipe préférée, durant le congrès du PS), le gouvernement ne serait pas capable de mettre à disposition de personnes en détresse un bâtiment public qui puisse les accueillir de manière provisoire afin de donner du temps pour trouver un vrai solution.

C’est ainsi que les migrants ont imposé le départ d’une manifestation, comme d’habitude non autorisée, qui, en remontant la rue Marx Dormoy jusqu’à La Chapelle, a ensuite viré pour aller occuper l’ancienne caserne des pompiers de la rue de l’aqueduc, près de Gare du Nord. Le PCF a essayé de diriger la manifestation vers le parc « offert » par la mairie, en se prêtant au jeu de division poursuivi par la mairie. Mais en vain, leur cordon a été finalement débordé par un groupe de sans-papiers décidés à poursuivre jusqu’à une occupation.

Suite à la prise de la caserne, les CRS sont arrivés en force pour mettre fin à l’action, sans cependant y réussir. À coups de gaz lacrymogène, de matraques et de boucliers, ils se sont alors emparés de la place située à l’entrée du bâtiment, sans pour autant réussir à pénétrer dans la caserne. Et ainsi environ 300 personnes, dont plus d’une centaine de réfugiés, ont réussi à se barricader dans la caserne.

Face à la pression exercée par le mouvement de solidarité, la mairie a de nouveau essayé de diviser les réfugiés en augmentant le nombre d’hébergements offerts, tout en condamnant l’action et le « rôle de certains groupuscules d’extrême gauche ». Soixante places ont ainsi été proposées par l’entremise du médiateur du sous-préfet de Paris, venu sur place pour conduire les négociations.

Les migrants se sont réunis en AG pour prendre position sur la nouvelle offre avancée par les institutions et élire un porte-parole de l’ensemble des migrants. Après discussion, ceux-ci ont encore une fois refusé toute solution qui ne prenne pas en charge tout le monde. Soit un hébergement pour tous, soit la poursuite de l’occupation : leur revendication était claire.

Durant les pourparlers de la mairie et du gouvernement, une bonne ambiance règne à l’intérieur de la caserne : AG, matchs de foot, repas distribués par l’Armée du salut (qui travaille dans le bâtiment et qui distribue un repas complet aux occupants). De l’autre côté des murs, une centaine de CRS continuent d’encadrer environ 400 sympathisants venus apporter leur soutien à l’occupation.

Ce n’est que plus tard dans la soirée que la mairie avance une nouvelle proposition. 110 places d’hébergement sont offertes, ainsi qu’une accélération de la demande d’asile et un accompagnement pour la recherche d’un logement social. Des propositions qui restent vagues et qui ne sont pas mises par écrit. Ainsi rien n’est dit sur la durée de l’hébergement, ni sur les modalités de cet accompagnement. Par ailleurs les places offertes ne concernent qu’une partie des migrants, 110 d’entre eux sur un total de 170.

Le fait que les pouvoirs publics aient dû, au cours de la journée, augmenter le nombre de prises en charge offertes dévoile clairement que le refus de l’administration n’était pas le fruit d’un manque de moyens, mais d’une volonté politique de criminalisation des étrangers. À l’image du traitement infligé à ceux qui, au cours de ces expulsions, ont fini en centre de rétention, et pour lesquels il faudra continuer à mener la bataille pour obtenir leur libération et l’octroi d’un permis de séjour.

22h30. L’AG des migrants décide enfin d’accepter les propositions de la mairie et d’évacuer la caserne. Les occupants sont accueillis en sortant par quelque 400 personnes venus exprimer leur solidarité contre lesquelles s’est exercée le gros de la répression. C’est ainsi que, parmi les camarades blessés par les CRS, on compte notamment deux militants du NPA, dont l’un blessé gravement à l’œil, et Guillaume Loïc, membre du Comité de rédaction de revolutionpermanente.fr.

Un bilan à tirer pour poursuivre la mobilisation

La détermination des migrants, dans les conditions extrêmement précaires qui sont les leurs, est en train d’ouvrir une brèche dans le monolithisme autoritaire gouvernemental. Comme hier dans le cas de Leonarda, la question des réfugiés met aujourd’hui en lumière toutes les contradictions d’un gouvernement en voie de lepénisation. C’est en ce sens que la politique du PCF, contre l’occupation et pour que les réfugiés acceptent les diverses propositions de la mairie, ne sert pas les intérêts des migrants mais alimentent les possibles divisions, entravant ainsi la possible généralisation de leur lutte, laissant du mou au gouvernement.

Le mouvement en solidarité avec les réfugiés du 18ème a démontré qu’il ne faut pas compter sur les négociations « institutionnelles » pour arracher des avancées dans les droits démocratiques élémentaires. Ceux-ci doivent être imposés par une mobilisation de plus en plus large du monde du travail à côté de tous les exploités. Croire en la bonne volonté des socialistes pour résoudre les problèmes sociaux n’est pas seulement vain, mais très dangereux. C’est pour toutes ces raisons que les organisations du mouvement ouvrier doivent passer de la parole aux actes si elles entendent combattre réellement le racisme.

Dans l’immédiat, il est fondamental de maintenir la mobilisation. Notre tâche est de veiller à ce que les propositions faites par la mairie soient réellement appliquées, et que les migrants ne soient pas jetés de nouveau à la rue dans les prochains jours. La bataille devra également s’étendre à celles et ceux (en particulier les femmes et les enfants) qui n’ont pas eu le courage, vu les violences des jours passés, de poursuivre le combat jusqu’à l’occupation. Enfin, l’examen de la contre-réforme du droit d’asile arrivant prochainement en lecture au Sénat, il s’agit de développer la plus large mobilisation en faveur du respect du droit d’asile et de la régularisation des sans-papiers, en étendant la mobilisation aux autres camps, de celui de Calais à celui du 13ème arrondissement parisien.

Si les migrants sont arrivés à imposer leurs revendications contre le gouvernement, c’est une victoire pour tous ceux qui se battent contre toute forme de racisme et d’oppression sociale. Si, au contraire, c’étaient les CRS de Valls et Hidalgo qui avaient cassé le mouvement, cela aurait été un recul pour toutes nos luttes. Il faut approfondir et généraliser ces luttes en les étendant à tou-s-tes les exploité-e-s.

Toutes les photos de la journée :

La journée du 11 juin en images, depuis le bois Dormoy jusqu'au départ en cars en passant par l'occupation d'une...

Posted by Révolution Permanente on vendredi 12 juin 2015


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