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Une production hollywoodienne sur France 3

Hollande « Au coeur du pouvoir ». Ou comment ressusciter Charlie pour légitimer l’état d’urgence

En ce lundi de rentrée de l’année 2016, France 3 a diffusé, une fois n’est pas coutume, une super production Hollywoodienne « Au Coeur du pouvoir ». Francois Hollande, son premier ministre Manuel Valls, son ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve, et ses forces de répressions se sont livrés dans une reconstitution digne d’un blockbuster à l’exercice périlleux de la rétrospective des attentats du 7 janvier, et des attentats du 13 novembre à Paris et à Saint-Denis. Un pari réussi ? Damien Bernard

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Dans l’ombre de la constitutionnalisation de l’état d’urgence permanent et de l’extension de la déchéance de nationalité, Hollande et son gouvernement se sont adonnés, sur une chaîne de télévision publique et aux frais du contribuable, à un exercice de propagande dont l’objectif est clair : Revenir sur les terribles attentats de l’année 2015, et la menace terroriste, pour justifier l’ensemble des mesures liberticide, répressives, guerrière et xénophobes empruntées à la droite et à l’extrême droite.

Acte 1 : Patronat, « dialogue social », humanisme

Le résultat cinématographique est plutôt convainquant. La réalisation est millimétrée, les scènes au cœur du pouvoir sont reconstituées dans les moindres détails agglomérant des vidéos prises en direct lors des attentats, des photos prises dans le feu de l’action, le tout largement agrémenté de reconstitution et d’interviews « exclusives » du président, de son gouvernement, et des principaux protagonistes à droite, Sarkozy et à l’extrême droite, Marine Le Pen.

Les événements s’enchaînent sans temps mort. L’acte premier commence par la réception de plusieurs hôtes dans les salons du président qui n’ont de prime abord pas de rapport avec les attentats. Dans un premier temps, c’est un invité de « prestige » que Francois Hollande accueille dans ses salons en la personne du PDG de TOTAL. Ce sont ensuite les intermittents du spectacle qui sont accueillis par Manuel Valls, avant que la Ligue des Droits de l’Homme, une organisation humanitaire viennent clore l’acte.

A première vue, ces rencontres n’ont que peu de rapport avec les attentats. Pourtant, la symbolique est claire. Il s’agit de légitimer la politique que Hollande n’a cessé de promouvoir depuis le début de son quinquennat, une politique au service du MEDEF et notamment du grand patronat, celui qui est le plus internationalisé, concentré et dont les intérêts économiques sont mis en danger au Moyen-Orient, notamment en Syrie. La rencontre avec les intermittents vise à refléter quant à elle, le « dialogue social » tant vantée et systématisé, à savoir l’accompagnement par les directions syndicales des contre réformes. Avec la rencontre avec la LDH, le gouvernement tente d’afficher son regard humaniste alors qu’il a récemment assigné à résidence ces mêmes militants.

Acte 2 : Ressusciter Charlie pour mieux légitimer l’état d’urgence ?

L’acte 2 fait la part belle à Charlie. Après avoir mis à son crédit la réussite de l’assaut à l’hyper cacher, le président Hollande et son gouvernement ont insisté fortement sur « l’émotion populaire » qu’ont suscité ces attentats et notamment la « défense de la liberté d’expression ». Il met alors en exergue la « spontanéité » de la solidarité de ces trois millions de personnes tout en exprimant la nécessité pour lui de devoir se mettre à la tête de la manifestation du 11 janvier pour éviter les « amalgames » et que l’extrême droite l’instrumentalise à ses fins.

Près des trois quart de cette vidéo de propagande sont ainsi dédiés à l’enchaînement des terribles attentats du 7 janvier, au « formidable » élan de solidarité du « peuple de gauche » et à « l’union nationale », dont la manifestation monstre du 11 janvier regroupant les dirigeants les plus réactionnaires, jusqu’à l’extrême droite Israélienne. Alors que cela pourrait s’entendre, notamment à presque un an des attentats à Charlie Hebdo et à l’hyper cacher, il apparaît clairement que c’est bien Charlie, et l’appui du « peuple de gauche » et aux forces de répressions qu’il avait suscité, que Hollande souhaite ressusciter. En effet, celui-ci semble beaucoup moins légitime après les attentats du 13 novembre, cela s’exprimant par l’état vacillant de son état d’urgence permanent, qui voit des oppositions naître.

Alors que le contraste avec les attentats du 13 novembre est marqué notamment par l’absence de mobilisation de masse et de soutien du « peuple de gauche », ce que Hollande explique tout simplement par la mise en place de l’état d’urgence, il apparaît que le gouvernement vise, pour maintenir la légitimité de état d’urgence et la déchéance de nationalité, à ressusciter Charlie et ses « valeurs » de gauche, pour reconquérir sa base électorale.

Acte 3 : Un état d’urgence pour lutter contre l’instrumentalisation des attentats par l’extrême droite ?

L’acte 3 consiste à revenir sur les attentats du 13 novembre. L’acte 2 avait vu le Front National, malgré sa réception par le président à l’Elysée, mis au dehors de « l’unité nationale ». Ce fait, Hollande le récuse par un sanglant« Aucune personne n’est interdite de manifester en France », un paradoxe aujourd’hui alors que cette interdiction est pourtant en voie d’être constitutionnalisée. Le gouvernement avait alors réussi le coup double d’une unité nationale dans laquelle Marine Le Pen ne pouvait que s’inscrire tout en la plaçant en dehors du jeu « républicain ».

Cette prouesse le gouvernement n’a pas pu la reproduire dans l’acte 3. Ainsi comment rejouer l’acte 2 de l’union nationale avec les armes et la politique de l’extrême droite tout en refusant de l’inscrire dans l’unité nationale. Nous apprenons ainsi dans cette troisième partie que le gouvernement a décrété l’état d’urgence pour éviter que l’extrême droite n’instrumentalise de nouveau les attentats à ses propres fins.

Une contradiction flagrante apparaît dans les termes, notamment car cet état d’exception avait été instauré pour « lutter » contre le « terrorisme ». Ce changement de stratégie peut notamment s’expliquer par la confirmation de la dynamique du FN aux dernières élections régionales, qui même s’il n’a pas gagné de région, a réalisé son score le plus élevé en termes de voies. Il s’agirait alors d’agiter le « front républicain » en amont des présidentielles pour tenter de reconquérir et remobiliser le « peuple de gauche », tout en se posant comme seul rempart crédible face au FN par rapport à la droite auquel il a déjà siphonné une bonne partie de son programme.


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