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Les vœux du chef de l’Etat aux acteurs de l’entreprise et de l’emploi

Hollande. Le Plan d’urgence contre le chômage, c’est pire que l’état d’urgence

Le président l’avait annoncé lors de ses « vœux aux Français » pour 2016 : l’emploi et le chômage allaient devenir une grande cause nationale et on allait voir ce qu’on allait voir… Après l’état d’urgence, donc, voilà venu le temps du « Plan d’urgence contre le chômage ». Un plan d’urgence pour le patronat, plutôt… Jean-Patrick Clech

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Depuis le Conseil Economique, Social et Ecologique, cette vénérable institution où se retrouvent, épisodiquement, anciens bureaucrates syndicaux et représentants patronaux pour valider les mauvais coups du gouvernement, Hollande n’aura pas dérogé à la règle. « Entre le libéralisme sans conscience et l’immobilisme sans avenir, il y a une autre voie », a affirmé le chef de l’Etat hier matin, en guise d’introduction à son « Plan ». Anthony Giddens, conseiller spécial de Tony Blair et idéologique du social-libéralisme avait inventé le terme « Troisième voie ». Dans le cas de Hollande, c’est celle « la voie du patronat », tout simplement, qu’il prend, et le Medef ne s’y trompe pas : Pierre Gattaz applaudit à tout rompre.

De A à D, le tour de passe-passe

La droite, de son côté, peste et trépigne. Eric Woerth, pour Les Républicains, dénonce un « baisse artificielle des chiffres du chômage » alors que l’UDI tempête contre le « maquillage des chiffres ». Pour une fois, on ne peut leur donner tout à fait tort. Il y a bel et bien entourloupe. Le premier volet du plan de Hollande concerne en effet « la formation et l’apprentissage ». Hollande et sa ministre du Travail, Myriam El Komri, ont annoncé 500.000 chômeurs de moins d’ici à la fin de l’année dans les secteurs sous tension, à savoir ceux qui devraient pouvoir embaucher mais où les postes ne sont pas pourvus, comme dans le BTP, l’énergie, le numérique ou le soin à la personne. En réalité, l’opération consiste à mettre sur le tapis un milliard d’euros, à partager entre plusieurs acteurs (régions, Pôle Emploi, etc.) et bassins d’emploi, afin de former des apprentis, le nouveau cheval de bataille des socialistes français. Mais là où le bât blesse, c’est que même les moins critiques des universitaires proches du Parti Socialiste pointent le fait qu’un milliard d’euro, c’est bien trop peu, y compris d’un strict point de vue du marché du travail actuel, pour mettre en œuvre une « réelle politique de l’apprentissage », comme dans l’Allemagne d’Angela Merkel. En revanche, soulignent les plus sceptiques, cela permettrait de faire passer 500.000 chômeurs de la catégorie A à la catégorie D, à savoir dans la catégorie de « demandeurs d’emploi en formation »… soit les sortir des statistiques du chômage.

Du cash pour les patrons

Hollande n’oublie pas les « chefs d’entreprise créateurs d’emploi ». Le Plan du gouvernement prévoit des aides de 2.000 euros pour toute nouvelle embauche dans les PME de… moins de 250 salariés. Hollande a également confirmé que le Crédit Impôt Compétitivité (CICE), une autre aide directe au patronat qui coûte près de 130.000 euros par emploi créé selon la sociologue Dominique Méda, serait tout bonnement pérennisé. On avait parlé, un temps, en 2013, dans le sillage du pacte de Compétitivité, d’un rapport « donnant-donnant », les aides étant corrélées à l’embauche. Las. Le CICE, c’est désormais un autre robinet de cash ouvert pour le patronat puisqu’il sera transformé en allégement pérenne.

De quoi réjouir Gattaz

Dernier cadeau : le marché du travail. Gattaz avait bien entendu fait savoir au moment où Valls recevait les syndicats, la semaine dernière, que le Medef souhaitait voir la mise en œuvre de « CDI agiles ». Dans un passé pas si lointain, Yvon Gattaz, père de l’actuel dirigeant du Medef, s’était fait le porte-voix des Encas (Emplois Nouveaux à Contraintes Allégées). Le fils est fidèle aux provocations du père. Et Hollande aussi compréhensif pour les patrons que Mitterrand avant lui. Il n’y aura pas de CDI assoupli, donc, mais une mise en musique de la plupart des recommandations du rapport Combrexelle, ce qui revient au même.

D’un côté, il y aura une « simplification des grands principes du Code du Travail ». De l’autre, le gouvernement a annoncé que, de façon croissante, ce seront les accords d’entreprise qui primeront sur les négociations collectives. Ce seront donc aux patrons de fixer directement, boite par boite, le niveau de majoration des heures supplémentaires. Une telle mesure, c’est un peu comme flinguer le plafonnement hebdomadaire de la durée du travail. C’est d’ailleurs l’expression qu’a utilisée un proche de Martine Aubry, qui n’est pourtant pas une syndicaliste révolutionnaire. Dernière « gattazerie » : la barémisation des indemnités prudhommales, en cas de licenciements. Finies donc les « primes extra-légales » et les « indemnités Continental ».

Donnant-donnant ?

Ces vœux ont également été l’occasion, pour Hollande, d’actualiser sa philosophie social-démocrate 2.0 du « dialogue social (…) dont certains [lire… Sarkozy…] voudraient se passer considérant que les corps intermédiaires sont inutiles ». Mais cette apologie du dialogue « donnant-donnant » relève davantage du chantage et de la terreur que de la causerie. L’objectif, a fait savoir le président, « c’est plus de liberté pour l’entreprise pour investir, pour innover, pour créer des emplois, mais aussi plus de liberté pour le salarié pour choisir son métier, sa formation, la conduite de sa vie professionnelle ». Comme si la grande majorité des salariés décidaient librement de là où ils voulaient travailler pour gagner leur croute… « Mais c’est aussi plus de sécurité pour l’entreprise pour embaucher, pour adapter son effectif lorsque les circonstances économiques le demandent [lire… licencier..]. Mais c’est aussi plus de sécurité pour le salarié face aux mutations et aux mobilités ». Comme si celui qu’on licenciait pouvait se sentir, un seul instant, rassuré…

Hollande entend finaliser le chantier de la réforme du coût du travail initié en 2013 par le Pacte de Responsabilité. Une façon, pour lui et ses ministres, de dire combien ils sont « responsables » et capables d’appliquer une politique pro-Médef avec plus d’efficacité que la droite, toute à ses querelles intestines en vue des primaires. Inutile de dire que du côté des salariés, ça risque d’être moins convainquant et que la question des « vœux du président » seront au cœur des manifestations de la journée d’action et de grève du 26 janvier prochain.


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