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Après le succès de la journée de mobilisation du 9 mars

Hollande fait tout pour éviter le « tous ensemble »

Photos : Rosa Quesada Jódar La journée de mobilisation du mercredi 9 mars a été un franc succès. On est loin encore des plus grosses manifs du CPE, bien entendu, mais seuls les journalistes intéressés pouvaient le laisser entendre en fonction au regard du million de signatures récoltées par la pétition contre le projet de loi Travail. Comme l’affirmait hier l’AG des étudiants de Paris 1-Tolbiac, « ce n’est qu’un début… »

Juan Chingo

9 mars 2016

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Le début de la construction d’un grand mouvement social


Ce qui surprend avant tout, c’est la rapidité avec laquelle la mobilisation se construit. Alors qu’au début du mouvement anti-CPE, la mayonnaise avait mis près de deux mois à prendre, alors que ceux qui étaient contre la loi de Villepin étaient très isolés et avaient du mal à mobiliser le milieu étudiant, cette fois-ci le mouvement est parti en seulement deux semaines. Par ailleurs, à la différence des autres grands mouvements sociaux victorieux de ces dernières décennies, ce mouvement démarre avec, d’entrée de jeu, une forte tendance à l’unité ouvrière-étudiante. Le 9 mars a en effet vu défiler ensemble lycéens, étudiants et salariés à Paris comme dans 230 autres villes de province. On songera qu’en 1995, les travailleurs ont rejoint la mobilisation quand celle des étudiants finissait alors qu’en 2006 ce sont plusieurs semaines d’agitation sur les facs qui ont fini par obliger les confédérations à descendre dans la rue aux côtés des universités.

Par ailleurs, il faut également tenir compte du fait que plusieurs secteurs de la CFDT ont participé, cette fois-ci, à la mobilisation, et que la base cédétiste est en ébullition. C’est ce que l’on voit à travers l’attitude inflexible d’un Laurent Berger, patron de la CFDT, face aux propositions de négociations du gouvernement, et ce alors que la centrale a appuyé jusqu’à présent sans rechigner toutes les contre-réformes du PS. Ce n’est pas un hasard, du coup, si la manifestation à l’appel des syndicats « réformistes » de ce samedi a été maintenue. La CFDT exigeait il y a dix jours le retrait du plafonnement des indemnités prud’homales. Plus que jamais, elle en fait son préalable.
Dernier élément caractéristique de la situation, enfin : les AG de facs et les organisations étudiantes convoquent une nouvelle mobilisation pour le 17. Le spectre d’un mouvement de la jeunesse, lycéen et étudiant, qui constitue, en France, une crainte pour tout gouvernement, est bel et bien présent.

Hollande obligé à de fortes concessions…


Le projet de réforme du Code du Travail pourrait bien s’avérer être la « réforme de trop » du quinquennat de Hollande, notamment auprès de sa base électorale, qui pourrait cristalliser toutes les colères. Depuis son mauvais calcul sur le contenu et la présentation du projet El Khomri, l’Elysée tente, précisément, d’éviter que ce ras-le-bol ne déborde, entraînant dans son sillage et la présidence, et Matignon.

Ainsi, après avoir évoqué dans un premier temps que le recours au 49.3 n’était pas exclu, Hollande a dû rétro-pédaler et renvoyer au 24 mars l’examen du projet de loi qui devait se tenir hier. Il a dû par ailleurs relancer un round de discussions avec les « partenaires sociaux ». Après la manifestation du 9 mars, il va être contraint de faire d’importantes concessions sur le contenu de la loi.
Un recul de Hollande sur le projet est essentiel pour qu’une loi de réforme du marché du travail ne passe devant le Parlement et soit adoptée puisque les députés de la majorité ne sont pas prêts à voter une loi qui ne serait pas validée au préalable par la CFDT. Cela implique par conséquent que Hollande modifie profondément l’équilibre du projet de loi, à commencer, par exemple, par la question des indemnités prud’homales, des licenciements économiques et des libertés supplémentaires des patrons en matière de flexibilité.

… afin d’éviter le « tous ensemble »


Mais la véritable crainte de l’Exécutif, c’est que le mouvement se traduise par un « tous ensemble » qui entraînerait derrière lui les étudiants et les lycéens ainsi que la totalité des syndicats dans la rue, contraignant de ce fait la direction de la CFDT à se joindre à la mobilisation si le gouvernement ne fait pas mine de reculer suffisamment.

Malgré son rôle de collabo, Laurent Berger semble peu enclin à finir comme ses prédécesseurs à la tête de la centrale de Belleville, en l’occurrence Nicole Notat et François Chérèque, critiqués avec virulence par des secteurs de la base même de la CFDT en 1995 et en 2003 lors du mouvement contre la réforme Fillon. Comme le souligne Cécile de Cornudet dans le journal du Medef, « pour les proches du chef de l’Etat, il n’y a pas plusieurs chemins. Il faut reculer. "On est sur un toboggan. La question est comment on bouge d’ici lundi pour qu’il n’y ait pas de mobilisation boule de neige", explique un Hollandais du premier cercle. Il faut assumer un accord avec la CFDT et le Medef, poursuit-il. Ce qui passe par l’abandon de la mesure prud’hommes, dit un autre ». Et Cornudet de continuer, toujours dans Les Echos : « la possibilité d’un détricotage du texte, exclue jusqu’ici par le Premier ministre, est donc sur la table. Jusqu’où aller, faut-il donner à la CFDT son scalp prud’hommal, et cela suffira-t-il ? Le menu du déjeuner Hollande-Valls jeudi à l’Elysée est copieux. Et il risque de passer d’autant plus mal pour le Premier ministre que la barémisation des indemnités prud’homales est devenu son scalp à lui aussi, son symbole de réformateur. "Cette mesure est attendue par les chefs d’entreprises, des adaptations peuvent être possibles sans la remettre en cause", expliquait-il dimanche dans le JDD ». De Cornudet souligne le fond du problème dans le titre même de son article : « Loi Travail : Valls sait-il avaler les chapeaux ? ».

Une démission du locataire de Matignon n’est pas, non plus, à exclure. Il s’agit de la seule chance qui lui resterait pour conserver l’étendard de la « reforme » ainsi que le capital politique nécessaire pour se transformer en une sorte de Massimo D’Alema à la française, du nom de l’ancien dirigeant du PCI qui a piloté jusqu’au bout la transformation du vieux parti stalinien italien en direction de ce qu’est actuellement le Parti Démocrate du Premier ministre Matteo Renzi.
Ce qui est certain, c’est que ce premier tour de chauffe est suffisamment conséquent pour forcer le gouvernement à bouger fortement sur la loi. L’enjeu est de désamorcer le vrai test que sera la mobilisation à l’appel des syndicats, le 31 mars prochain. Si cette journée était un nouveau succès, alors toutes les bases seraient réunies pour le développement d’une grève générale politique pour battre en brèche le gouvernement et son projet de réforme du Code du travail.

Les tâches du moment


L’Élysée craint ce fameux « tous ensemble ». C’est la raison pour laquelle indépendamment des manœuvres de l’Exécutif, c’est la construction conséquente de la mobilisation dans la rue qui déterminera le résultat de la séquence en cours. C’est la raison pour laquelle il faut aller dans le sens de la massification du mouvement à travers la généralisation des AG sur le lieux de travail, les facs et les lycées, la coordination des secteurs en lutte comme l’ont souligné déjà plusieurs AG étudiantes, un programme offensif de lutte qui parte du retrait du projet de la loi Travail mais qui donne, de concert, des réponses aux besoins de millions de chômeurs, au ras-le-bol des précaires et aux souffrances au travail de tous ceux qui sont, soi-disant, privilégiés parce qu’ils bénéficient d’un CDI.

Ce sont ces derniers qui sont dans la ligne de mire du gouvernement. Ce sont eux que le gouvernement souhaiterait « CDDiser » définitivement et qui sont la cible des discours les plus durs de la droite contre les cheminots ou qui visent à redimensionner considérablement le nombre de fonctionnaires comme se le proposent Juppé et Sarkozy s’ils venaient à revenir au pouvoir en 2017.

Dans le capitalisme en crise, il n’existe pas la moindre marge de négociation pour un syndicalisme d’accompagnement. Soit nous ferons payer la crise aux capitalistes qui en sont responsables, soit nous reviendrons aux conditions de travail du XIXe siècle. Voilà le véritable dilemme. Il est fondamental de construire l’unité pour qu’aucun retour en arrière dans les conditions de travail n’ait lieu, mais aussi pour pouvoir penser une organisation de la vie économique et sociale rationnelle, libérant un temps libre suffisant au développement humain de chacune et chacun, parce que nos vies valent mille fois plus que leurs profits.


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Juan Chingo

@JuanChingo
Journaliste

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