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Ballet diplomatique – Acte 1

Que retenir de la rencontre Hollande-Obama à la Maison-Blanche ?

Pierre Reip Pour donner du crédit à sa posture internationale de chef de guerre, Hollande s’est lancé dans un long marathon diplomatique qui doit l’amener à rencontrer chacun des membres du Conseil de sécurité des Nations Unies. L’objectif initial de ces tribulations était de convaincre tous les acteurs engagés en Syrie de constituer une coalition militaire unique contre Daech. Après avoir reçu à l’Élysée le Premier ministre britannique David Cameron puis le président du Conseil européen Donald Tusk, Hollande a mis le cap sur Washington…

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En début de semaine, les communicants du président français avaient déjà réajusté le tir en parlant de « coordination internationale » et non plus de coalition. Par ce léger changement de lexique, ils concédaient une révision à la baisse des ambitions françaises, tout en insistant sur le fait que Hollande « n’adopte pas Bachar » et « ne laisse pas tomber l’Ukraine ». Point de lune de miel avec Poutine donc, qu’on se le tienne pour dit. La conférence de presse donnée à l’issue de l’entretien à la Maison-Blanche entérine ce recadrage.

Une belle amitié…

L’enjeu pour les caméras était d’afficher l’unité franco-américaine. La poignée de main entre « Barack » et « François » était appuyée et les deux chefs d’État ont tenu à s’appeler par leur prénom. Obama sait se montrer chaleureux. Il n’a pas hésité à prononcer quelques mots dans la langue de Jules Ferry. Il a conclu son intervention par un « Nous sommes tous français », en écho à la formule « Nous sommes tous américains » qui s’affichait en une du Monde au lendemain du 11 septembre 2001. Après avoir témoigné de sa « solidarité » avec les Français, il a fait part de sa préoccupation sur la question des réfugiés, sujet qui agite les primaires. Il a aussi tenu à exhorter l’Union européenne à fournir les informations relatives aux passagers à destination des États-Unis.

Hollande s’est montré plus empoté, comme flottant dans les habits trop grands des ambitions internationales françaises démesurées. Il faut dire que sous des dehors cordiaux, la relation entre les deux pays est loin d’être idyllique, surtout depuis l’été 2013. La question d’une intervention militaire en Syrie était déjà à l’ordre du jour, pour « stopper Bachar El Assad ». La France était encore une fois la plus prompte à se lancer à l’assaut. À cette époque — c’était il y a à peine plus de deux ans — on ne parlait pas encore de Daech…

Quoi de neuf ?

Bon prince, Obama a laissé son homologue détailler les mesures prises lors de l’entretien. Au menu, rien de bien nouveau, mais que les généraux français se rassurent, ils ne manqueront pas d’os à ronger : intensification des frappes en Syrie et en Irak pour « détruire Daech partout où il se trouve », « échanges de renseignement sur les cibles », « reprise des points clés contrôlés par Daech », « traque de ses dirigeants » et « démantèlement des réseaux » de l’organisation djihadiste. Hollande n’a pas non plus oublié la population syrienne, qu’il bombarde allégrement : il promet tout simplement la fermeture de la frontière syro-turque, sans doute par compassion pour les réfugiés qui se risqueraient sur les routes périlleuses de l’exil.

La France s’aligne sur les États-Unis

Au-delà des effets d’annonce, on est loin des discours de la semaine dernière dans lesquels le président entendait, non sans forfanterie, placer la France au cœur d’une nouvelle coalition internationale. S’il sait dégainer ses Rafales avec célérité et noyer Raqqa sous un flot de bombes, Hollande ne s’est pas transformé hic et nunc en nec plus ultra de la diplomatie internationale. Si le coûteux porte-avions Charles de Gaulle est engagé au large de la Syrie, les moyens militaires que la France peut mobiliser ne rivalisent pas avec ceux de la première armée du monde.

Hollande disait vouloir « convaincre ses homologues », et voilà qu’il s’aligne sur les États-Unis, bien décidés à ne pas céder le premier rang dans la coalition occidentale. Il a ainsi réaffirmé que nulle intervention terrestre n’était envisagée en Syrie et que les deux pays demeuraient déterminés à « soutenir tous ceux qui combattent au sol » les djihadistes de Daech.

Si l’enterrement du projet de grande coalition n’était pas assez clair, les réponses fournies par les deux présidents aux questions des journalistes suffisent à s’en persuader. La première question porte sur l’avion russe abattu par la Turquie. Obama s’empresse de répondre que la Turquie est dans son bon droit, lorsqu’elle défend son espace aérien. S’il a affirmé que la coalition était toujours ouverte à la Russie, il n’a pas manqué de critiquer certains choix stratégiques de la Russie en Syrie. C’est donc clairement aux côtés de son allié turc, membre de l’OTAN depuis 1952, que s’est placé le président américain, dans un contexte où le chiffon brûle entre les forces atlantistes et la Russie. Hollande a pour sa part estimé qu’il s’agissait d’un « évènement grave et regrettable » et a tenté de rafistoler « sa » coalition en recommandant d’« éviter toute escalade » et de « chercher à combattre ensemble Daesh ».

Un journaliste demande ensuite à Hollande si « c’en est fini de la grande coalition ». Hollande soupire et balbutie, en bon adepte de la méthode Coué : « il faut lutter contre Daech » et « travailler à une transition dans laquelle Assad ne peut avoir sa place ». Et Obama de rajouter : « Nous avons déjà une coalition de 65 États… la Russie a une coalition de deux États ». Jeu set et match : la stratégie états-unienne est réaffirmée. L’objectif de la visite de Hollande à Moscou jeudi 26 novembre s’en trouve changé : il revient au président français de convaincre la Russie de se recentrer sur la lutte contre Daech… et non plus de faire de Poutine un partenaire privilégié.

Le rideau se baisse sur ce premier acte du ballet diplomatique du Matamore Hollande.

Dans le silence, les bombes made in France tuent des innocents.


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