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Hommage à Samuel Paty : le gouvernement à la manœuvre pour se poser en garant de la liberté d’expression

Un an après le terrible assassinat de Samuel Paty, l’heure est nécessairement au recueillement et à la solidarité. Un hommage, une mémoire que le gouvernement cherche à instrumentaliser pour se poser comme le garant de la liberté d’expression au nom de la défense de la République. Une façon de continuer à se poser en chantre du progressisme, les présidentielles approchant à grand pas....

Philomène Rozan

16 octobre 2021

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Crédit photo:PASCAL GUYOT / AFP

Il y a un an avait lieu l’assassinat abject de Samuel Paty enseignant d’histoire-géographie au collège du Bois d’Aulne à Conflans-Saint-Honorine. Depuis, le gouvernement n’a eu cesse d’instrumentaliser cette mort terrible ; d’abord en appelant à une union nationale, puis pour relancer son offensive sécuritaire et raciste.

Un hommage instrumentalisé pour se poser en garant de la liberté d’expression

Aujourd’hui la famille de Samuel Paty sera reçue par Macron et un peu partout en France des salles, des places prennent le nom du professeur. Hier des moments de « recueillements et d’échanges » demandés par Jean-Michel Blanquer avaient lieu dans les écoles et le ministre de l’éducation nationale appelait à se souvenir d’un « héros » mort dans une bataille « pour notre bien commun, qui commence par la liberté, qui passe par la liberté d’expression ».S’il parle de liberté d’expression, Jean Michel Blanquer ne tolère qu’un discours, le sien, et il a cherché à ériger Samuel Paty en héros de la République, en un défenseur du droit, de la force de la République. Une République à défendre envers et contre tout par un Blanquer qui lançait son think tank « Le laboratoire de la République » il y a quelques jours à peine en pointant une nécessité de lutter contre le « wokisme » chez les jeunes., avec derrière l’objectif clair de discipliner enseignants et élèves, de faire taire toutes les voix qui pourraient s’élever contre les attaques gouvernementales.

Un an après le gouvernement cherche à s’approprier la mémoire de cet événement en instrumentalisant l’hommage à Samuel Paty pour l’ériger en symbole de la liberté d’expression. Mais comment imaginer une seule seconde le gouvernement, Macron, Castex et Blanquer en garant de la liberté d’expression ?

Cet hommage au nom de la « liberté d’expression » pourrait faire sourire tant le gouvernement joue de son autoritarisme. L’an dernier déjà, à l’occasion du premier hommage à Samuel Paty, le temps de concertation entre enseignants avait été supprimé, tandis que le discours de Jaurès choisit pour l’occasion avait été tronqué au profit d’une minute de silence rendue et d’un discours tourné vers les « valeurs de la République ».

Cette défense de la liberté d’expression, c’est aussi celle qui s’est illustrée brillamment par l’empêchement de l’hommage à Christine Renon par Blanquer qui est allé jusqu’à opérer une retenue sur salaire pour les enseignants qui lui ont rendu hommage.

Un hommage volé aux enseignants à des fins d’instrumentalisation

Cette année encore la colère s’est fait sentir chez une partie des enseignants. Tristane, enseignante en région Toulousaine témoigne par exemple auprès de Révolution Permanente : « On a été mis au courant de l’hommage deux jours avant et on a su pour la minute de silence la veille à 20h ». Pour Sud Education là réside le problème, ils dénoncent un hommage dicté par le gouvernement et ils défendent notamment « que l’hommage nécessaire à notre collègue se fasse dans des conditions dignes et respectueuses de la liberté pédagogique des équipes, avec un temps d’échanges prévu entre collègues ».

En somme le gouvernement cherche à instrumentaliser la mémoire de Samuel Paty, à des fins d’une défense de la « laïcité » à géométrie variable. Ils visent à faire de Samuel Paty le porte étendard -non consentant- d’une offensive raciste. Pour exemple sur le site du gouvernement à la suite des préconisations pour la journée d’hommage, sont mis en avant les dispositifs pour « promouvoir la laïcité » avec en tête de file : les affiches « C’est ça la laïcité » mises en place par Blanquer. Cette campagne une fois de plus présente les personnes assimilées musulmanes comme un obstacle à la laïcité, qui serait elle-même le dernier rempart avant une guerre de civilisation.

Ainsi, le gouvernement par son instrumentalisation de l’hommage cherche à installer dans le temps l’idée que Samuel Paty était un défenseur de la République face à un « ennemi intérieur », l’islam qu’il se garde bien de nommer trop explicitement. Une façon pour le gouvernement de repartir à l’offensive en cherchant encore une fois à créer l’idée qu’il existerait un potentiel terroriste chez les musulmans et que leurs défenseurs -par là le milieu anti-raciste, une partie de la gauche et de l’extrême-gauche- seraient finalement complices des djihadistes.

Face à l’instrumentalisation, la nécessité de reprendre nos affaires, et nos hommages en main !

Dans ce contexte, rendre réellement hommage à Samuel Paty passe aussi par dénoncer l’instrumentalisation de sa mémoire par le gouvernement qui n’a qu’une obsession : redorer son blason vis-à-vis des professeurs à quelques encablures des élections présidentielles. C’est dans ce cadre que Macron a calé son agenda pour faire ses annonces sur les « rénovations d’écoles » à Marseille ce samedi.

Mais pour rendre réellement hommage à Samuel Paty, et à tous les autres, il s’agit en premier lieu de reprendre nos affaires en main. Si le gouvernement a pu mener à bien son hommage-récupération c’est aussi parce qu’il a eu le champ libre pour le faire. De ce point de vue, les résultats très mitigées de la journée de mobilisation du 23 septembre montre à la fois qu’une colère profonde existe au sein du milieu enseignants mais qu’elle ne se parvient pas à se cristalliser politiquement dans la rue « tous ensemble ».

De la vapeur, il y en a. C’est ce qu’a montré, dans la dernière période, le retour de la grève reconductible comme moyen de lutte lors de la « grève sanitaire » en Ile de France, ou encore les nombreuses grèves localisées qui ont précédé le 23 octobre. Mais cette colère peine à se concrétiser dans la rue, et ne trouve comme issue que des grèves de 24h, sans plan de bataille. De ce point de vue, les directions syndicales ne proposent clairement pas un plan de bataille qui soit réellement à même de répondre à cette colère latente à la base.

Pour rendre hommage à Samuel Paty, il faut dénoncer l’instrumentalisation de sa mémoire. Parce qu’il n’est pas possible que ceux qui cassent les conditions de travail et d’études, qui coupent les budgets, qui répriment les voix qui dérangent puissent parler de liberté d’expression ou de liberté d’enseignement.


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Philomène Rozan

Etudiante à l’Université Paris Cité , élue pour Le Poing Levé au Conseil d’Administration

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