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Allocution de Véran

Hôpitaux presque saturés : Véran garde le cap et va droit dans le mur

Si Véran admet que la « situation est tendue et inquiétante », le ministre de la Santé semble miser sur le tournant gouvernemental en matière vaccinale, sur fond de polémique autour du vaccin AstraZeneca. Sans transparence, cette surenchère risquerait d’aggraver la méfiance de la population vis-à-vis de ce gage indispensable pour clore la pandémie.

Ariane Anemoyannis

12 mars 2021

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Crédit Photo / AFP

Comme chaque jeudi, un état des lieux d’une situation toujours plus alarmante, sans véritable mesure

Les conférences de presse se suivent et se ressemblent. Cette fois-ci, le Premier ministre ne s’était même pas donné la peine d’y être présent, et seul Véran a été envoyé par le gouvernement pour faire l’état de la crise sanitaire. Comme chaque jeudi à 18 heures depuis maintenant plusieurs semaines, le ministre de la Santé a rappelé les chiffres clés de la courbe épidémique. Maniant phrases alarmantes et formules encourageantes, il a ainsi dressé le tableau d’une « situation ten-due et inquiétante », avec une « pression constante, croissante » tout en rappelant en fin de con-férence que « la courbe n’est pas exponentielle mais se stabilise ».

Pourtant, la progression des variants anglais, sud-africain et brésilien (bien que dans une proportion moindre), laisse présager une augmentation rapide des cas graves et des décès. En effet, si les études démontraient d’ores et déjà que le variant anglais était davantage contagieux que la souche initiale,
il semble désormais qu’il est aussi 64% plus mortel. Autrement dit, dès lors qu’il représentera bientôt la quasi-intégralité des nouveaux cas dans une grand majorité de régions, la courbe des entrées en réanimation risque de s’envoler et d’aggraver le taux de mortalité de la troisième vague.

Les chiffres sont inquiétants, comme en Île-de-France, par exemple, où l’incidence est de 350 cas pour 100 000 habitants. De fait, c’est une région où une nouvelle personne est admise en réanima-tion toutes les 12 minutes : au total, la région parisienne pourrait bien atteindre d’ici fin mars une situation de saturation totale, dès lors que plus de 1 300 lits de réanimation sont d’ores et déjà oc-cupés, pour 1 400 lits en tout et pour tout.

Finalement, rien de bien nouveau sous le soleil : Véran semble poursuivre la stratégie gouverne-mentale visant à s’en tenir au couvre-feu et à miser sur la montée en puissance de la campagne de vaccination. Une façon de répondre aux attendus patronaux sans risquer d’aggraver la colère d’une population lassée par 12 mois de gestion répressive.

Polémique AstraZeneca : sans transparence, la population est vouée à la méfiance !

Mais si le ministre de la Santé promet l’arrivée d’1,9 million de doses Pfizer par semaine, ainsi que la livraison des stocks d’AstraZeneca dans les pharmacies et chez les médecins généralistes, il semblerait bien que les perspectives vaccinales dressées s’assombrissent. Bien que Véran troque le ton moralisateur de la semaine dernière à l’égard des soignants pour un discours chaleureux en les remerciant « pour leur action sans faille depuis un an », c’est aussi parce que la méfiance de ces derniers pourrait être alimentées par l’actualité autour du vaccin AstraZeneca.

En effet, la Norvège, le Danemark et l’Islande ont annoncé de concert ce jeudi suspendre toute inoculation du vaccin AstraZeneca, sur la base du principe de précaution, après que des cas de thrombose aient été déclarés suite à la vac-cination. Une décision similaire à celle de l’Autriche, l’Estonie, la Lituanie, le Luxembourg, la Lettonie et l’Italie, qui ont écarté temporairement l’utilisation de certaines doses d’AstraZeneca, soupçonnées d’avoir entraîné ce type de problèmes.

Quand bien même les agences de régulation du médicament européenne et française ont rappelé qu’aucun lien causal n’a été démontré entre les thromboses et le vaccin - appuyant qu’un rapport de 30 cas sur 5 millions de vaccinés est même plus faible que le taux de thrombose moyen parmi la population - la méfiance est présente partout dans l’Union européenne, concernant un vaccin qui avait déjà mauvaise presse.

Il est clair que la suspension soudaine d’un vaccin dont la commercialisation initiale a été largement encouragée par l’Union européenne, et qui pourrait être la clé de résolution de la pandémie a de quoi inquiéter. Surtout, l’hétérogénéité des réponses des États membres risque d’aggraver les ap-préhensions de la population. En France, Véran a confirmé ne pas suspendre l’inoculation de l’AstraZeneca, après que l’exécutif français ait été parmi les plus réticents à vacciner les popula-tions âgées avec, le faisant ainsi passer pour un vaccin de seconde zone.

En réalité, cette défiance est davantage le produit d’un manque de transparence important de la part des gouvernements et des institutions de l’Union européenne que le corollaire d’études scientifiques invalidant les bienfaits du vaccin. Les conditions accélérées et opaques de sa commercialisation, et l’hypothétique projet de Castex et Véran de rendre obligatoire son administration aux soignants sont responsables de cet état de fait, qui risque de compliquer la campagne de vaccination.

Le professeur Pascal Meylan, infectiologue et professeur honoraire à l’Unil résume les débuts chaotiques d’AstraZeneca de la sorte : « On dirait le palais branlant de l’architecte Numéro-bis dans Astérix et Cléopâtre. Le vaccin a été développé de manière assez maladroite, mais il y a de bonnes chances qu’il soit meilleur que l’image qu’on en a maintenant. »

De fait, sur le terrain scientifique et médical, AstraZeneca répond a priori à toutes les attentes. Comme le rappelle le microbiologiste Patrick Berche sur France Info, une efficacité de plus de 60% contre un virus est extrêmement rare : à titre d’exemple, la grippe se combat correctement chaque année avec des vaccins d’une performance moindre que celle-ci. De plus, une récente étude en voie de publication dans la re-vue scientifique The Lancet montrerait qu’il est même plus efficace qu’on ne le pensait. En effet, il permettrait de réduire de 85% dès la première dose les risques d’hospitalisation, notamment chez les plus âgés : des résultats équivalents sur ce point à ceux de Pfizer. De plus, il serait d’un point de vue logistique bien plus intéressant que ce dernier, dès lors qu’il est conservable au réfrigérateur et moins cher.

« Si ça évolue, je vous dirai les choses » disait Véran en fin de conférence de presse ce jeudi, conscient de l’enjeu de renouer le dialogue au sujet de la vaccination. Mais venant d’un gouverne-ment misant sur une gestion répressive de l’épidémie et ayant cherché à responsabiliser la popula-tion puis les soignants de l’échec de sa stratégie sanitaire, aucune confiance n’est de mise.

La résolution de la crise dépend de la transparence absolue sur l’état des connaissances scienti-fiques sur les différents vaccins et effets secondaires. Mais à rebours de toute confiance à l’égard des gouvernements, des institutions européennes et des laboratoires pharmaceutiques privés, cela implique que les spécialistes et travailleurs de la santé soient au cœur du processus de décision et de vaccination, afin de mener les enquêtes et opérations nécessaires à la connaissance la plus poussée et la plus démocratique sur la stratégie sanitaire à adopter.


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