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Hôstérité : nouvelle attaque de la sécu contre le budget santé

Camilla Ernst Le « programme de stabilité », présenté en avril par l'Objectif national des dépenses de l'Assurance maladie (ONDAM), prévoyait de plafonner à 1,75% la hausse des dépenses de l'Assurance maladie pour 2016. Afin de satisfaire à cet objectif particulièrement serré, la Caisse nationale d'Assurance-maladie (CNAM) a présenté jeudi 2 juillet dernier son rapport annuel « charges et produits », préparatoire du projet de loi de financement de la Sécurité sociale de cet automne. Du déjà annoncé « virage ambulatoire » à la restriction des arrêts de travail, en passant par un encadrement restrictif des prescriptions médicales, les 31 propositions de la CNAM esquissent les nouveaux traits de la politique austéritaire engagée depuis plusieurs mois dans le secteur de la santé, ceci afin de réaliser 3 milliards d'euros d'économies sur 3 ans, sur le dos des patients et du personnel déjà usé jusqu'à la moelle. On se demande comment Marisol Touraine pourra concilier son pari de ne pas dégrader la qualité des soins avec ces propositions, qui toujours restreignent les dépenses de santé, sans jamais chercher à comprendre ce qui les engendre. On ne soigne pourtant pas une maladie en s'attaquant aux symptômes, mais bien à sa cause...

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Chronique d’une mort annoncée : celle de la qualité de prise en charge des patients


On amorcera la démarche par le fameux « virage ambulatoire » dont on entend parler depuis plusieurs mois déjà. Le principe ? « Réduire les durées de séjour à l’hôpital, en développant de nouvelles techniques médicales et l’accompagnement à domicile » selon la CNAM. Soit limiter les durées d’hospitalisation à moins d’une journée dans tous les cas où c’est faisable, en post-intervention chirurgicale en particulier. En pratique, cela se traduit par des économies sur le confort des chambres, qui peuvent même se limiter à de simples box fermés d’un rideau, ainsi que des économies sur le personnel médical et para-médical la nuit et le week-end. En outre, cela pose le problème de la surveillance post-anesthésie des patients, qui incombe désormais aux proches, en particuliers dans les régions victimes de désertification médicale dans le cadre de la fermeture accélérée des hôpitaux de proximité, un sur-risque apparemment acceptable quand il s’agit de faire des économies ! Dans le viseur également, les séjours en maternité, qui, de 4,2 jours en moyenne, seront limités à 3 jours, et ensuite... Bon vent ! Quand on sait que certains assimilent déjà l’hôpital public à l’usine (que ce soit du côté du personnel médical soumis à la logique de rendement, ou de celui des patients), on ne peut que déplorer l’intensification d’une prise en charge à la chaîne.

Afin de poursuivre dans la même logique, la CNAM s’attaque aux transports médicalisés, qu’elle souhaite encadrer afin de limiter l’utilisation des ambulances médicalisées au profit de simples taxis, moins chers. Cela revient à troquer un transport allongé et sous la surveillance d’un personnel formé à un transport assis. Et la décision du moyen de transport employé reviendrait à des « plate-formes de commande de transport », en fonction d’enveloppes « transport » allouées à chaque hôpital. Ou comment laisser la froide gestion comptable prendre la place d’une décision médicale fonction de l’état du patient...

Prescriptions encadrées, médecins surveillés, patients défavorisés


Autre proposition-clé dans la course aux économies, l’encadrement des prescriptions médicales, favorisant leur limitation. Outre la volonté d’une restriction importante de la pratique des examens biologiques, la CNAM a en ligne de mire un certains nombre de médicaments et dispositifs coûteux, dont elle souhaite que les choix de prescription « soient guidés par le rapport coût-efficacité des traitements, au-delà de leur seule efficacité ».

Premier cheval de bataille, les traitements anti-diabétiques, a l’efficacité plus que reconnue, mais dont l’utilisation en augmentation incite la CNAM à appeler les praticiens à la bonne observance des « règles et recommandations d’usage édictées par les agences de santé ». Certes. Mais en contexte de crise économique, quand le temps passé à travailler est toujours plus long et pénible, difficile de respecter un régime « sport-5 fruits et légumes par jour-pas trop gras, trop sucré, trop salé » à même de prévenir l’apparition du diabète. Avant de chercher à limiter la prescription d’un traitement, peut-être pourrait-on chercher à juguler l’apparition de la maladie qu’il soigne.

Autre médicament épinglé, le très récent et miraculeux traitement contre l’hépatite C « Sovaldi », assurant un taux de guérison de 90% et promettant une éradication du virus dans la prochaine décennie, mais qui est commercialisé pour la modique somme de … 41.000 euros pour 12 semaines de traitement ! Pourtant, sa fabrication ne coûte au laboratoire américain Gilead, qui a encore pour l’instant l’exclusivité dans ce domaine, qu’une centaine d’euros, et son développement a été assuré par des recherches publiques. Il est donc parfaitement inique et hypocrite de prôner la restriction de prescription d’un tel médicament, en attendant la fin d’un brevet, et en privant ainsi un certain nombre de patients d’un traitement efficace, au seul titre que son remboursement coûte trop cher à la sécu, quand les prix sont décidés en fonction de critères financiers pour doper le cours de Bourse de laboratoires pharmaceutiques.

Attaque sur les arrêts maladie


Se basant sur les statistiques montrant une hausse du nombre et de la durée des arrêts de travail en 2014, la Caisse primaire d’Assurance maladie (CPAM) a mené une enquête puis menacé de sanction, durant ces 2 derniers mois, les médecins généralistes en prescrivant trop. Poursuivant son but de réaliser 100 millions d’euros par an sur ce simple point, la CNAM préconise de mettre en place une « démarche d’accompagnement » des médecins généralistes et de « développer les référentiels pour une meilleure prescription d’arrêts ». Comprendre : développer la surveillance des prescriptions d’arrêt maladie, en se basant sur des outils tels que des « fiches repères » élaborées par la Haute Autorité de Santé (HAS) préconisant des durées d’arrêt standards, en post-chirurgie ou pour les pathologies chroniques les plus génératrices d’arrêts (lombalgies, cancers, dépression, grossesse pathologique), fixées de manière arbitraire sans tenir compte de l’individualité de chaque patient face à sa maladie, son état psychologique ou la lourdeur du traitement reçu (chimiothérapie ou chirurgie dans le cadre d’un cancer notamment). Objectif final : harmoniser le nombre d’arrêts de travail prescrit par les différents médecins, en s’alignant sur ceux qui en prescrivent le moins, sans tenir compte du type de patientèle peuplant leur salle d’attente respective.

C’est bien beau d’appuyer une politique sur des statistiques, mais on sait qu’un chiffre ne parle pas de lui-même, mais seulement dans le cadre d’une certaine lecture du réel, en l’occurrence particulièrement cynique. Or en l’occurrence, si on utilise ces données jusqu’où bout, il apparaît que plus de la moitié des arrêts de travail prescrits le sont en raison de troubles musculo-squelettiques et mentaux (avec une large prédominance d’épisodes dépressifs dans cette dernière catégorie), et que la plus forte augmentation de nombre d’arrêts prescrits s’inscrit chez les travailleurs de plus de 60 ans. Des chiffres très certainement expliqués par l’allongement du temps de travail et le recul de l’âge de la retraite, les conditions toujours plus difficiles de travail, en particulier avec la généralisation du LEAN management dans le privé et de plus en plus dans le public (à l’hôpital notamment), l’aggravation du stress qui mène de plus en plus de travailleurs au burn-out... L’origine professionnelle de nombre de pathologies justifiant un arrêt maladie n’est plus à démontrer, et en ce sens la limitation de leur prescription n’est qu’une pure et simple double peine consistant à faire payer une seconde fois aux travailleurs la dégradation de leurs conditions d’existence.

Pour la lutte contre l’hôstérité et la défense de l’hôpital public


S’inscrivant dans la droite ligne de la Loi santé, qui organise la privatisation accélérée du système de santé français, et au cœur de la lutte de l’AP-HP contre le plan d’austérité de Martin Hirsch, les attaques qui composent ce nouveau plan de restriction budgétaire de la CNAM dessinent les contours de ce que sera le système de santé de demain : le sacrifice d’une prise en charge de qualité des patients, qui consisterait à les considérer au cas par cas et à leur offrir toutes les possibilités de traitement offertes par l’état actuel de la recherche, et plus largement, un système à deux, trois vitesses ou plus, où les riches pourront se faire soigner dans le privé, et où les autres devront réapprendre à survivre dans des conditions sanitaires dignes du XIXe siècle. Refuser un système aux mains de l’industrie pharmaceutique subordonnant de bout en bout le soin au profit, s’attaquer aux véritables causes qui engendrent maladies et dépenses de santé, lutter pour un système de santé public et gratuit, voilà le combat à mener, par une alliance des usagers et des salariés.


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