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« Le gouvernement pensait avoir l’avantage idéologique, il se retrouve sur la défensive » (Le Monde)

Il est possible de défaire Macron

Mis sur la défensive par la détermination des cheminots et la détérioration du climat social qu’il n'a pas vu venir, Emmanuel Macron a décidé de passer à la contre-offensive cette semaine.

Juan Chingo

9 avril 2018

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La sortie médiatique du Premier ministre, comme de plusieurs autres ministres, ce dimanche, où il affirmait qu’ils « iraient jusqu’au bout » - y compris le silencieux Nicolas Hulot qui a pris le rôle du gentil flic - était le signal de lancement. Deuxième étape lundi, le déploiement de centaines de gendarmes sur des terres agricoles près de la ville de Nantes pour expulser des dizaines de militants qui les occupent depuis des années, et démanteler les camps où ils vivent. Le « grand objectif » : prendre le contrôle de la D-281, aussi appelée l’autoroute des chicanes, qui traverse les champs et forêts de Notre-Dame-des-Landes (où un aéroport allait être construit jusqu’au recul du gouvernement en janvier de cette année après une lutte historique.) La route, entravée par des voitures abandonnées, des cabanes en bois et des blocs de pierre, étant devenue un symbole des Zadistes, un néologisme dérivé de la ZAD, un acronyme pour la zone à défendre.

Avec une force des plus disproportionnées et une forme ultra médiatique (avec des images dans le style des forces armées américaines filmées par les corps de répression elles-mêmes, sans la présence de journalistes) pour faire valoir (ou au moins donner l’image de) son autorité. Point culminant : la fin de la mise en orbite Jupitérienne de Macron avec sa présence sur le plateau télé du 13 heures de TF1, regardé par cinq millions de téléspectateurs, notamment les employés et les travailleurs, les retraités et la population vivant dans les territoires ruraux - tous les secteurs où le néolibéralisme tardif du Macronisme n’arrive pas, pour l’heure, à convaincre. Le tout accompagné d’une émission spéciale le dimanche 15 avril, diffusée à 20h35 sur la principale chaine de télévision câblée BFM-TV, la station de radio la plus écoutée RMC, et le site Mediapart, un choix étrange pour un chef de l’Etat, qui utilise surement ces médias alternatifs afin de s’adresser aux intellectuels et aux différents secteurs du monde universitaire où la sélection à l’université commence à être rejetée de manière de plus en plus ouverte.

Tandis que la mobilisation étudiante se poursuit, avec de nouvelles universités peu habituées à se mobiliser comme La Sorbonne/Paris 3 qui entrent dans la danse avec une assemblée historique de 2000 étudiants, des élèves et des professeurs empêchent les examens de se tenir dans les universités de Nanterre comme de Lille 2, où les CRS ont été appelés à réprimer la colère grandissante des étudiants, allant même jusqu’à l’incursion scandaleuse des premiers à l’intérieur de la faculté et à l’évacuation d’une assemblée tenue pacifiquement dans un amphithéâtre. Le plus significatif et le plus important restant encore la grève des cheminots qui a passé avec succès sa deuxième période de grève, avec un pourcentage de grévistes très important chez les conducteurs mais aussi des secteurs fer de lance, comme les cheminots de Paris Nord, avec une Assemblée Générale de plus de 200 cheminots (la gare la plus grande d’Europe), qui appelle à une grève reconductible à partir de vendredi prochain.

Un pari risqué

Macron réussira-t-il ? La réalité est que le fait de s’exposer autant est un pari très risqué. En effet, après ses victoires sans combat avec ses premières réformes et son plein d’arrogance, il pensait qu’il avait tout pour lui. Mais le climat social et politique par rapport au semestre précédent a radicalement changé et Macron, comme le dit Françoise Fressoz, éditrice du Monde, “(Macron) …se retrouve sur la défensive, incapable d’expliquer en quoi l’ouverture à la concurrence améliorera la qualité du service public, ni en quoi la fin du statut pour les nouveaux entrants soulagera la dette”.

Dans ce contexte, le pari télévisuel de la Macromania peut être un coup d’épée dans l’eau : c’est que, malgré tous les efforts d’explication de Macron pour se présenter comme ni de droite ni de gauche, il est aujourd’hui considéré par la majorité de la population comme clairement de droite. Dans ce cadre, l’intervention du président pourrait alimenter les braises. C’est ce que confirment les derniers sondages. « S’installe, au-delà de la réforme de la SNCF, une contestation plus large de la politique de l’exécutif et notamment de la politique sociale. Oui, le président réforme, disent ces Français, mais, ajoutent-ils, c’est un président dont les réformes profitent aux plus favorisés », analyse Bernard Sananès. Il voit d’ailleurs chez ceux qui soutiennent le mouvement à la SNCF, une manière de dire « les cheminots envoient à notre place un signal à Emmanuel Macron ».

Les Macroniens commencent à se diviser

Plus grave encore le parti présidentielle, la République en Marche commence à se diviser ... à droite et à gauche. Comme le dit Cécile Cornudet dans le journal patronal Les Echos : “Un an plus tard, on s’alarme dans ses troupes d’une moindre ambition sur les réformes ou au contraire d’une politique menée trop à droite. Comme si la crise de la SNCF transformait le « en même temps » en injonctions contradictoires”. Et elle ajoute : « Avec son sens aiguisé de l’opportunité pour attaquer au moment où ça peut faire le plus mal, François Bayrou choisit lui aussi celui-ci. Sur BFM dimanche, il a critiqué la réforme des institutions mais aussi ce « projet social » que Macron « n’a pas encore énoncé ». « Le gouvernement devrait avoir l’obsession de la justice ». Sur les plateaux et plus encore dans les coulisses, les langues se délient. « Macron va-t-il enfin dire ce qu’il fait pour les perdants du système ? », s’interroge un autre acteur de la campagne. Or jusqu’ici, c’est une autre tonalité que l’on entend. Celle d’un exécutif qui « ira jusqu’au bout » et n’hésite pas à mettre en scène son évacuation de Notre-Dame-des-Landes . Comme s’il fallait rassurer ceux qui redoutent - nombreux - que les prochains mois soient plus prudents."

Il est fondamental que les travailleurs, les étudiants et les secteurs populaires tiennent compte de la situation du macronisme pour renforcer la confiance en leurs forces : le gouvernement, qui croyait avoir l’avantage idéologique contre les cheminots, est sur la défensive et ses forces commencent à se diviser. Comme les cheminots de Paris-Nord l’ont dit dans leur assemblée aujourd’hui, c’est maintenant ou jamais. Oui, il est possible de vaincre Macron.


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Juan Chingo

@JuanChingo
Journaliste

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