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Extrême-droite

« Ils frappaient en criant : "France nationaliste !" » : agressions d’extrême-droite en série à Brest

Début mai à Brest, les agressions d’extrême-droite, a priori perpétrées par l'Action Française, se sont multipliées. Pas moins de 7 personnes auraient été attaquées, parmi lesquelles plusieurs SDF et des militants. L'un d'eux a accepté de témoigner pour Révolution Permanente.

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« Ils frappaient en criant : "France nationaliste !" » : agressions d'extrême-droite en série à Brest

Calips - CC BY-SA 3.0

RP Brest : Bonjour, merci de nous accorder ton témoignage. Peux-tu commencer par te présenter ?

Je m’appelle Gaëtan*, j’ai 30 ans. Je suis militant écolo et danseur de fest-noz. Je milite depuis 5 ans à Brest. À Extinction Rebellion depuis 2019 et dans beaucoup de collectifs temporaires. Je ne milite pas dans un groupe antifasciste. J’ai été aussi dans Youth For Climate.

Peux-tu nous raconter comment s’est passée ton agression ?

Je sortais avec un ami du Tara Inn, bar du port de Brest où l’on pratique la danse celtique, dans la nuit du lundi 1er au mardi 2 mai, vers 1h30. En arrivant près de la Carène [salle de spectacle], quatre personnes masquées, d’environ 17 à 20 ans ont couru vers nous. L’un portait quelque chose à la main. Je me suis dit : c’est des graffeurs. Ils ont crié : « Ça vote gauche ou ça vote droite ? ». Pas le temps de répondre, ils nous ont jeté une valise à la figure mais nous ont loupé. Ce que j’avais pris pour une bombe de peinture était en fait une gazeuse.

Ils nous ont gazé mais nous ont loupé. Mon pote, effrayé, s’est enfui vers là d’où l’on venait. Deux des quatre personnes l’ont poursuivi. J’ai essayé de les rattraper. Mon ami a fini par tomber. Eux lui sont tombés dessus. J’ai réussi à en renverser un mais deux d’entre eux sont arrivés. Je suis tombé. J’ai pris trois coups de pied dans la jambe, et mon ami deux dans le bras, quand ils nous frappaient au sol en criant : « France nationaliste ! ». Au moment où j’ai réussi à me relever, une voiture est passée, alors ils se sont enfuis. On est partis rapidement pour les distancer. On n’a pas appelé la police parce qu’ils se sont enfuis.

J’ai porté plainte au commissariat. Malgré le fait que je sois toujours blessé, un policier m’a forcé à me lever pour signer ma plainte. Il m’a demandé si j’étais de gauche ou d’ultra-gauche. Ce même policier négociait avec son supérieur pour ne pas faire son heure réglementaire d’exercice de tir. Je sais que mon agresseur est membre de l’Action Française. D’après mes renseignements, le groupe auquel il appartient s’appellerait Talion. Ce serait des membres de l’Action Française.

Quelles séquelles gardes-tu de cette agression, tant physiquement que psychologiquement ?

J’ai pris 5 jours d’ITT. J’ai eu un énorme hématome à la jambe. Pendant 2 jours je ne pouvais plus marcher et 2 jours plus tard encore je marchais difficilement. Psychologiquement, ça a été, je me suis concentré sur la défense de mon ami. Par contre le soir je ne rentre plus seul dans la rue, je fais attention dans les quartiers où je vais, j’évite ceux où ils vont, c’est à dire la moitié du centre-ville de Brest.

Mon ami n’a que des blessures à un bras et s’il a été très choqué sur le moment, il s’en est plutôt bien remis. Il ne semble pas avoir de séquelles mais est très remonté, ils ont réussi à radicaliser un libéral vers la gauche… car il était de centre-droit.

La montée de violences dans l’ensemble de Brest me fait des angoisses. C’est un endroit « safe » politiquement d’habitude. On est en train de partir vers la création d’une violence politique. Ça va devenir craignos de se déplacer dans les rues. Ça par contre ça fait peur et ça peut empêcher un peu de dormir.

As-tu observé dernièrement une montée de sa présence et de sa violence ?

Dans la nuit de mon agression, deux personnes qui rentraient de bar place Guérin [en centre-ville] ont aussi été agressées près de la place, l’une complètement ivre et une autre l’accompagnant. De ce que je sais, ils leur ont posé la même question qu’à nous. C’était le même protocole. Ils ont attaqué avant la réponse puis ont fui rapidement. C’était les mêmes agresseurs que moi. Un SDF a aussi été attaqué cette nuit-là. Il venait s’installer ici pour plus de sécurité. Lui s’est défendu et a reçu des coups de couteau. Il dit que ce sont des gens d’extrême droite qui l’ont attaqué mais je ne sais pas si ce sont les mêmes agresseurs que moi.

J’ai fait un appel à témoignages par Facebook et différents groupes de communication chiffrée et plusieurs personnes sont venues me raconter ce qui s’est passé cette nuit-là et les nuits suivantes. Car les jours suivants il y a eu 2 autres personnes agressées, dont un autre SDF. Ils voulaient qu’il retourne au travail. Ils l’ont tapé pour cela. J’ai senti que les gens avaient peur de communiquer sur les détails.

Avant mon agression, il y en aurait eu une la veille et les fachos patrouillaient un peu partout en ville, notamment en centre-ville le soir en bas de Recouvrance [quartier du centre-ville de Brest], avec des barres de fer. Une personne craignait de rentrer chez elle à cause de ça un soir.

Il y avait eu aussi des actions contre l’Avenir [un squat en centre-ville de Brest], des détériorations et des tags haineux dans la cour, ainsi qu’un peu partout dans le centre-ville, autour de la place Guérin… L’augmentation de la violence d’extrême droite est récente à Brest. Pour moi ça date du sondage qui a donné Marine Le Pen en tête en cas de présidentielle très peu de jours avant mon agression. C’est ce sondage qui les a fait s’activer…

Est-ce que cette agression à des conséquences sur ton engagement politique, es-tu toujours aussi déterminé à militer contre l’extrême droite ?

J’essaye de prendre du temps pour recueillir les infos, pour communiquer à la presse. Je vais faire juste plus attention à moi dans les protocoles d’actions, que l’on ne rentre plus seul le soir. Je vais participer à plus de luttes antifascistes. Je pourrai m’engager éventuellement avec les antifas sur des évènements ponctuels mais on n’a pas la même vision. Leurs protocoles d’action ne sont pas les miens, comme le recours à la violence. Je ne me sens pas de le faire même si ça me semble nécessaire. Je préférerais des solutions l’évitant. J’aimerais que l’on puisse utiliser le système judiciaire mais pour ça faudrait que la police ne soit pas avec les fascistes


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