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Les demandeurs d’asile empêchés de retirer de l’argent liquide

Immigration. Macron lance une OPA sur le programme de l’extrême-droite

Depuis plusieurs mois, Emmanuel Macron semble avoir mis de côté le discours pseudo-humaniste au sujet de l’immigration : celui-ci a réaffirmé lundi auprès des élus de sa majorité vouloir reprendre le débat à bras le corps. Un changement de cap avant tout rhétorique - le gouvernement ayant mené une politique particulièrement répressive à l’encontre des migrants, notamment à travers l’adoption de la loi asile immigration - mais qui traduit la volonté du chef de l’Etat d’imposer les termes du « débat » pour rejouer son duel avec Marine Le Pen en 2022, tout en coupant l’herbe sous le pied de la droite traditionnelle.

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Crédits photo : DR

Derrière la surenchère xénophobe, Macron met en scène

En réunion lundi 16 septembre avec les élus de sa majorité, Emmanuel Macron a réaffirmé vouloir s’attaquer « aux défis contemporains qui font peur », dont l’immigration, en vue du deuxième acte de son quinquennat. Le chef de l’Etat explique vouloir monter au créneau sur les sujets régaliens, dont l’insécurité et l’immigration « au nom des classes populaires ». La question, dit-il « est de savoir si nous voulons être un parti bourgeois ou pas. Les bourgeois n’ont pas de problèmes avec ça : ils ne les voient pas. Les classes populaires vivent avec ».

Le renforcement dans la rhétorique xénophobe de Macron est symptôme de la volonté du gouvernement de centrer la suite du quinquennat, largement égratigné par le soulèvement, , sur les thématiques de prédilection de l’extrême-droite et de la droite extrême comme le duo insécurité-immigration.

Un glissement à droite opéré d’ailleurs depuis la crise des Gilets Jaunes, notamment lors de l’annonce de la tenue du Grand Débat : « Je veux que nous mettions d’accord la nation avec elle-même sur ce qu’est son identité profonde, que nous abordions la question de l’immigration. Il nous faut l’affronter ». Ou encore lors du duel face au Rassemblement National pendant la campagne des Européennes, durant laquelle le Président avait tenu un discours très dur à l’encontre de Schengen, et annonçait vouloir se montrer intraitable avec « le communautarisme » dans les quartiers.

Conquérir un espace politique à droite

L’offensive a pour objectif de consolider l’électorat de droite conquis par LREM en tant que parti de l’ordre et d’en finir avec les restes de LR. Ainsi, Emmanuel Macron déclarait devant sa majorité lundi « Vous n’avez qu’un opposant sur le terrain : c’est le Front national. Il faut confirmer cette opposition, car ce sont les Français qui l’ont choisie » entendant s’imposer dans le débat. En rajoutant une couche sur les questions régaliennes, il souhaite également rassurer cet électorat qui l’a vu dans l’incapacité de maintenir l’ordre dans les moments les plus chauds de la mobilisation des Gilets Jaunes, et renforcer la crise au sein des Républicains, qui peinent à exister entre LREM et le RN, dans un contexte de polarisation politique importante. Au-delà des municipales, Emmanuel Macron a également dans le viseur la présidentielle de 2022 lors de laquelle il tentera probablement de rejouer l’opposition entre « progressistes » et « conservateurs », tout en piquant une partie de l’électorat de LR.

Pourtant, en voulant jouer sur le terrain de la droite et de l’extrême-droite, c’est au sein de son propre camp qu’Emmanuel Macron pourrait créer des distorsions, notamment auprès de la gauche de LREM, dont celle issue du Parti Socialiste. Bien qu’ayant également mené des politiques racistes (on se souvient de la violence du démantèlement de la jungle de Calais sous Hollande) celle-ci n’est pas prête à afficher un discours ouvertement aussi xénophobe que la droite. Ainsi, il s’agit d’éviter de rejouer le scénario du vote de la loi asile immigration, contre laquelle plusieurs députés LREM avaient voté. On se rappelle aussi la déchirure profonde de l’épisode de la déchéance de nationalité qui avait fracturé durablement le Parti Socialiste de Hollande. Pourtant, en termes de politiques racistes et xénophobes, LREM a démontré qu’ils n’avaient rien à envier au Rassemblement National.

L’approfondissement de la répression systématique des migrants

Car si Emmanuel Macron a décidé de mettre de côté son discours humaniste à l’encontre des questions migratoires, il s’agit d’un changement rhétorique, qu’il compte aussi mettre en pratique. En effet, celui-ci a exprimé vouloir en finir avec « les distorsions du droit d’asile », un projet dans la continuité des politiques racistes entreprises par le gouvernement jusqu’ici, comme la loi asile immigration. Une des lois les plus restrictives concernant le droit d’asile, réduisant le délai permettant de déposer une demande après l’arrivée en France, permettant l’allongement de la durée de rétention et raccourcissant le délai de recours en cas de refus de cette demande ou encore, facilitant l’enfermement des mineurs en centre de rétention. De plus, cette loi maintient le « délit de solidarité » faisant référence au fait que « toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d’un étranger en France » encourt jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. C’est à ce titre que Cédric Herrou avait été condamné par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence à 4 mois de prison avec sursis, condamnation annulée à la suite des mobilisations en soutien à l’agriculteur.

Les associations d’aide aux migrants déplorent d’ailleurs l’aggravation des conditions de vie des migrants touchés directement par les politiques xénophobes du gouvernement, de répression systématique des campements, dans la lignée des gouvernements précédents comme Hollande, dont la mobilisation de plus de 3000 policiers et gendarmes pour démanteler la jungle de Calais constituait déjà un saut important dans la répression des migrants.

Plus récemment encore, une mesure prise à l’encontre des bénéficiaires de l’allocation de demandeur d’asile (ADA) (une allocation de 6,80 euros par jour) les empêchent désormais de retirer de l’argent liquide avec la carte qui leur est fournie, limitant leur droit à cinq retraits par mois, et monnayant des frais de 0,50 centimes lors de certaines opérations, et les empêchant également d’effectuer des transactions sur internet. Une mesure qui complique toujours plus les conditions de survie des demandeurs d’asile sur le territoire pour subvenir à leurs besoins.

On se souvient également du refus de Macron d’accueillir l’Aquarius, renvoyant la balle aux autres pays européen, et peinant ainsi à se dissocier d’un Salvini qui, lui, assume pleinement ses velléités anti-migrants. Bien que Macron ait tenté d’incarner le « progressisme européen » face à Orban, Salvini ou Le Pen, l’ex-banquier continue d’incarner l’Europe forteresse du grand capital.

Une fausse alternative à l’extrême-droite

En réalité, loin d’incarner une alternative aux populismes d’extrême-droite, la politique de Macron démontre la manière dont les classes dominantes entendent s’armer face aux conséquences migratoires de la crise climatique et de l’instabilité géopolitique -dont les pays impérialistes comme la France sont les principaux responsables. Ainsi, le 11 septembre dernier, la porte-parole du gouvernement Sibeth N’Diaye déclarait : « Nous savons que, dans le futur, l’évolution du monde, l’existence de zones de conflit, le réchauffement climatique, conduiront à ce que de nouvelles vagues migratoires aient lieu. Nous devons armer notre pays ». Ainsi, tandis que de la main gauche, le gouvernement fait des déclarations d’intention autour des questions écologiques, de la main droite, il prévoit de réprimer les principales victimes de la crise climatique, à savoir les réfugiés climatiques.

Enfin, il semble évident que la volonté du gouvernement de recentrer le débat sur les questions d’immigration vise à occuper saturer l’espace politique sur les questions réactionnaires tout en jouant pour de bon sur le terrain du RN. Une démonstration de la façon dont les discours racistes et xénophobes tendent à diviser la grande majorité des travailleurs, derrière des questions nationales, pour mieux détruire leurs acquis sociaux. Pourtant, ce sont bien ceux qui répriment les migrants qui parallèlement cherchent à détruire nos retraites, et continuent sous un discours écologique de façade, de nier l’urgence de la crise climatique.


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